Jackie Dussaux est chargée de gestion à l’association pour le développement des activités maritimes (CEASM). Un des buts de cette ONG est de favoriser l’émergence des ONG du Sud dans le domaine maritime, comme Défi-Sud au Sénégal.
"Au cours des missions que j’ai effectuées au Sénégal, j’ai remarqué que certains Africains considèrent que les Européens sont sensés avoir la science infuse. Ainsi, un conseil peut devenir un cadre de référence strict. Il a quelque chose dans l’héritage de la colonisation qui fait que quand un blanc dit quelque chose, cela doit être exécuté à la lettre, sans réfléchir. Cette attitude arrête toute initiative. Plusieurs fois on m’a dit : "tu nous as pourtant dit de faire ça." je dois à chaque fois re-situer le contexte. Je me souviens d’un comptable à Abidjan qui me disait : "la colonisation a fait de nous des robots". Il y aurait un travail de formation très important à faire dans ce domaine. J’essaye à chaque fois de faire comprendre qu’il faut adapter les conseils en fonction de la situation.
Dans le cadre de mon travail, qui est d’expliquer la gestion et le fonctionnement des modes de financements, il y a aussi beaucoup de discussions, d’échanges d’idées qui ne sont pas toujours liées directement à ma mission. Mes interlocuteurs m’amènent à me poser des questions et moi, probablement, je leur donne à réfléchir aussi. Ainsi, j’ai eu l’occasion de beaucoup parler avec la femme qui était en charge de l’administration au PAMEZ (Pêche Artisanale Maritime dans la rEgion de Ziguinchor), un projet de développement soutenu par le CEASM. Elle avait l’habitude d’approuver, même quand c’était erroné, ce que disait son supérieur hiérarchique. Maintenant, je vois à travers les courriers qu’elle m’adresse, qu’elle est passée à un autre degré de responsabilité. J’ai essayé de lui faire comprendre qu’un responsable de projet a besoin d’être secondé par quelqu’un qui a un peu de recul, qui puisse discuter et lui dire : "attention, là il semblerait qu’il faille faire autrement." Aujourd’hui, elle prend des décisions, des initiatives, elle signe certains courriers. Elle a vu ce qu’elle pouvait apporter, elle a réussi à se situer en tant que femme, elle a compris que la passivité ne fait pas avancer les choses. Quatre ans auparavant, cela aurait été impensable. Je me demande pourtant si ça lui a rendu service. Elle a la chance d’avoir un chef qui a une certaine ouverture d’esprit, mais si elle devait changer d’employeur, cela pourrait devenir un problème. En Afrique, un homme demande rarement à sa secrétaire d’avoir des initiatives. Doucouré, le président de Défi-Sud, me disait souvent : "Tu raisonnes en tant qu’Européenne...il faut nous laisser mûrir, franchir les étapes par petits morceaux...".
traditional fishing, sea, consultant, NGO, cooperation, acquisition of holdings, decolonization
, Senegal
"La première fois que je suis partie en Afrique, c’était pour l’organisation d’un séminaire. J’avais la tête remplie de problèmes logistiques. Maintenant, je cherche avec les gens à aller au-delà, à me demander : "qu’est-ce que je peux leur apporter en discutant avec eux?".
Entretien réalisé par Sophie Nick au CEASM dans le cadre de la capitalisation d’expérience de cette association.
Entretien avec DUSSAUX, Jackie
Interview
CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France