02 / 1996
Philippe Prigent a été salarié et secrétaire général de l’Association pour le développement des activités maritimes (CEASM)pendant sept ans. Il a notamment mené une mission d’identification en Afrique de l’Est, financée par la CEE, sur le thème : "Dispositifs de crédits et de formation pour les petits opérateurs privés de la pêche artisanale dans les pays membres de l’IGADD (Intergovernmental Authority on Drought and Development".
"En Erythrée, la FAO (Food Agriculture Organisation)et le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement)ont mis en place un gros projet de développement de la pêche. Chaque expert étranger du projet a un homologue érythréen auquel il apprend son métier. Dans ce pays, les cadres de l’administration sont très vigilants sur ce point car ils veulent à moyen terme prendre eux-mêmes en main les rênes de leur développement. Depuis trois ans, ils sont donc en formation en tandem avec leurs partenaires expatriés. Ce projet coûte plusieurs milliers de dollars et dispose d’une grande autonomie. L’administration a un droit de regard sur les actions mais n’a aucune ressource à affecter à la pêche. On a déjà vu en Afrique de l’Ouest des cas similaires où les budgets sont gérés par des agences internationales. Au bout de quatre années de fonctionnement, les crédits ayant été dépensés puis remboursés, l’agence se retire généralement avec son savoir-faire. Que reste-t-il alors? : rien. Il n’y a pas d’infusion dans le corps social du pays.
Un jour, alors que nous faisions référence à ce projet FAO-PNUD, le Ministre des pêches nous a repris en nous disant que c’était lui le Ministre et non le chef du projet PNUD. C’est un fait que tout le pouvoir exécutif, technique ou financier est entre les mains de cette agence. Les Erythéens disent : "nous nous sommes bagarrés pendant trente ans pour être autonomes et nous voyons des experts européens venir faire des projets à notre place !" Ils sont également conscients de ne pas avoir toutes les ressources humaines nécessaires mais ont hâte de gérer eux-mêmes l’argent de la reconstruction de leur pays. Par exemple, pour le crédit, l’administration voudrait favoriser deux sites qui ne sont pas prévus par le projet mais n’a aucun pouvoir sur les fonds alloués pour le crédit par le PNUD. C’est un peu comme s’il y avait deux machines qui marchent l’une à côté de l’autre mais pas forcément en parallèle : l’Etat érythréen qui tourne un peu à vide à part pour la formation de ses agents et le projet PNUD-FAO programmé sur cinq ans, qui nécessite une procédure extrêmement lourde pour changer la moindre orientation.
Nous avons proposé de créer une cellule de crédit au sein de l’administration afin qu’elle ait la possibilité d’engager des fonds sur des actions qui leur semblent primordiales. Ils pourront aussi bénéficier des conseils des experts de la FAO ou du PNUD s’ils le désirent."
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, Eritrea
"Même s’ils font des erreurs, il est important et formateur que les administrateurs érythréens soient en prise directe avec le développement du secteur de la pêche plutôt qu’être toujours en tandem, situation très frustrante pour eux. C’est une façon de contrebalancer le pouvoir un peu exorbitant qu’a pris le projet PNUD."
Entretien réalisé par Sophie Nick au CEASM dans le cadre de la capitalisation d’expérience de cette association.
Entretien avec PRIGENT, Philippe
Interview
CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France