Alexis MAHEUT, ancien pêcheur, dirige la coopérative de pêche du Havre et le comité local des pêches. Il a effectué des missions à Madagascar et en Somalie pour le compte d’une ONG française.
"Malgré le fait qu’ils vivent près de la Mer Rouge et de l’Océan indien, je n’ai pas rencontré de pêcheurs en Somalie. Ce sont avant tout des marchands. Si on leur donne du matériel, ils vont à la pêche pendant trois mois, une fois que le matériel est usé, ils s’en fichent. L’argent gagné n’est pas réinvesti dans la pêche. Par rapport à Madagascar, c’est un pays qui a été beaucoup aidé (par les Russes, les Suédois, les Norvégiens...). On leur a donné des embarcations en polyester et j’ai vu plus de bateaux en plastique dans le village somalien où j’étais sensé monter un projet de développement de la pêche, qu’au Havre ! Sur 50 barques, une douzaine seulement fonctionnait. On leur avait donné des bateaux tous neufs avec des moteurs neufs. Ils ont pêché avec pendant trois ans et n’ont jamais acheté une pièce de rechange, pas un câble, rien. Lors de la deuxième mission, je me suis aperçu qu’ils en avaient mais ils disaient qu’ils voulaient qu’on leur en donne d’avance.
En Somalie, il n’y a pas de pauvreté réelle. C’est dur de dire ça, sachant ce qu’ils ont subi, mais chacun dépend d’une autre personne. Le moindre pêcheur qui ramène 10 poissons avec un épervier (filet qui se jette au-dessus de l’eau)en garde peut-être la moitié d’un, le reste est distribué au chef du village, de la région, du parti... Quand on leur a parlé de regroupement de pêcheurs, ils nous ont dit qu’ils avaient une coopérative mais quand on a voulu savoir comment elle marchait, on s’est aperçu qu’elle n’existait pas ou seulement avec des faux noms pour recevoir du matériel gratuitement.
Comme c’était prévu lors de la première mission, j’étais parti la deuxième fois avec un mécanicien et une trousse à outils pour réparer les bateaux mais, une fois sur place, ils ne voulaient plus qu’on répare leurs moteurs, ils voulaient des pièces détachées pour pouvoir les revendre. On a été obligé de se fâcher avec des pêcheurs pour qu’on puisse leur réparer leur moteur. On parlementait pendant une journée pour changer un tuyau."
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, Somalia
A mon retour, je suis allé à Bruxelles pour dire au bailleur de fond que ce n’était pas possible de travailler en Somalie, que c’était un gouffre financier.
Entretien réalisé par Sophie Nick au Havre dans le cadre de la capitalisation d’expérience du CEASM.
Entretien avec MAHEUT, Alexis
Interview
CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France