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Les dangers de la sur-production dans la pêche. L’introduction des filets dans un village malgache

Sophie NICK

02 / 1996

Alexis MAHEUT, ancien pêcheur, dirige la coopérative de pêche du Havre et le comité local des pêches. Il a effectué des missions à Madagascar pour le compte d’une ONG française.

"Un prêtre, qui était directeur d’un lycée catholique à Madagascar depuis 30 ans et formait des jeunes à la pêche, est venu me voir à la coopérative du Havre parce qu’il avait 3000 francs à dépenser pour acheter des filets. Ce matériel ne s’achète pas comme ça, il faut savoir les dimensions, le maillage et le type de poisson visé. J’ai donc refusé de lui en vendre. A l’époque j’étais un marin-pêcheur en train d’arrêter son exploitation, j’étais donc au chômage et je travaillais bénévolement pour la coopérative. Il était en contact avec une ONG et m’a demandé de venir à Madagascar pour voir le matériel qui serait le plus adapté et montrer quelques techniques de pêche.

Sur place, je me suis vite aperçu que les pêcheurs n’avaient pas besoin de beaucoup de techniques de pêche. J’avais un peu averti le prêtre, Frère Félix : "n’apportez pas des filets parce que vous allez faire à Madagascar ce que nous avons fait en France, détruire la ressource. Je ne pense pas que vous soyez mûrs pour en avoir." Je lui ai montré : on a monté un filet de 50 mètres avec du gros fil de récupération, on l’a posé dans la rivière et le lendemain, le filet était coulé par le nombre de poissons : on en avait pêché 200 kilos. Je leur ai dit : "Vous voyez, vous allez tout détruire et le poisson va pourrir sur place. De plus, il ne suffit pas de pêcher, il faut avoir un circuit de commercialisation autre que celui de la ville et des moyens de conservation."

Sans montrer de nouvelles techniques, en réorganisant seulement ce qui existait déjà, on a été vite confronté à ce problème : on pêchait trop de poissons. Au bout d’une semaine, les congélateurs de Frère Félix étaient pleins. Quand je suis arrivé, les pêcheurs travaillaient deux ou trois jours par semaine. Avec moi, ils ont pêché plus régulièrement comme on fait en France. Il a fallu trouver des nouveaux débouchés pour la commercialisation. Frère Félix m’a écrit plusieurs lettres dans lesquelles il me disaient qu’il faudrait des moyens de conservation plus importants. Il m’a aussi écrit qu’ils avaient eu, par le biais du gouvernement japonais, des filets. Ils les ont mis à l’eau, le poisson a pourri sur la plage et les prix ont chuté. Les pêcheurs ramenaient beaucoup de poissons et ne gagnaient pas beaucoup d’argent. Ils n’ont pas pu économiser pour racheter des filets quand ils ont été usés et ont du se remettre à la ligne. Le problème est que le prix du poisson est toujours bas et a du mal à remonter. C’est catastrophique."

Key words

traditional fishing, sea, NGO, cooperation, technology transfer, subsidy, fishing resources


, Madagascar

Comments

L’exemple des filets montre qu’il y a peut-être parfois des erreurs à expérimenter avant de les comprendre réellement. Prévenir et conseiller ne suffit pas.

Notes

Entretien réalisé par Sophie Nick au Havre dans le cadre de la capitalisation d’expérience du CEASM.

Entretien avec MAHEUT, Alexis

Source

Interview

CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France

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