Le cas d’un projet de développement de la pêche en Casamance, Sénégal
02 / 1996
Jo Le Hiarric a participé, entre 1987 et 1990, en tant que coopérant technique au projet PAMEZ (Pêche Artisanale Maritime dans la région de Ziguinchor). L’objectif était de limiter l’exode rurale en développant l’activité pêche en Casamance (Sénégal). Il raconte comment un projet peut déstabiliser les marchés traditionnels. Alexis Fossi, technicien des pêches qui a également participé au projet PAMEZ, apporte des éléments complémentaires après la mission qu’il a effectuée au Sénégal en 1994.
- Jo : "Dans ce projet, il y avait beaucoup d’éléments qui étaient d’entrée de jeux des grains de sable dans les rouages parce qu’on n’arrive jamais dans un terrain vierge. On risque facilement de déstabiliser les marchés traditionnels, les circuits de distribution. C’est très risqué car, quand on s’en va, il faut que tout ceci refonctionne. Nos objectifs étaient d’approvisionner le PAMEZ, les gens formés par le PAMEZ et de partir après avoir essayé de mettre en place de nouveaux circuits plus réguliers. Finalement, on a perturbé ce qui existait déjà, on n’a pas réussi à le remplacer et il a fallu, en plus, que ces circuits reprennent leur influence."
- Alexis : "La Casamance était une région où les populations de pêcheurs du Nord avaient migré et leurs besoins avaient dépassé les capacités du marché local. Il y avait des petits commerçants chez qui on trouvait un peu de matériel mais de façon sporadique et à des prix en dents de scie. Avec le projet, on avait pensé installer des magasins d’avitaillement et ça s’est fait naturellement. Il aurait fallu trouver un ou plusieurs Sénégalais qui avaient le capital pour investir et qui allaient rester dans leur pays. Cinq ans après, c’est ce qui s’est passé : Je suis arrivé à Ziguinchor deux jours après l’inauguration du magazin "Lion Pêche".
- Jo : "La déstabilisation du marché africain en ce qui concerne la pêche est quand même due à l’impact, soit des organisations humanitaires qui distribuent du matériel gratuitement ou des personnes extérieures comme les Sud-Coréens qui, pour négocier des licences de pêche, donnent des filets. L’approvisionnement régulier en matériel de pêche à des prix acceptables par la profession est très lié à l’inorganisation du marché. Quelqu’un peut arriver sur la plage avec des filets plus ou moins volés, les brader et déstabiliser complètement le commerçant qui essaye de s’approvisionner régulièrement. Ca peut être bon pour le pêcheur, pour sa campagne 1995 mais, pour 1996 et 1997, il va souffrir car il n’aura plus de filet et s’il en a, ça sera à des prix plus élevés. La perméabilité des frontières par la mer est telle qu’il est toujours possible de trouver en Sierra Leone un filet qui n’existe pas en Guinée, mais à quel prix?"
traditional fishing, sea, sustainable development, cooperation, NGO
, Senegal
Un exemple de plus de l’effet pervers des dons et de l’aide financière...
Entretien réalisé par Sophie Nick à l’île de Houat dans le cadre de la capitalisation d’expérience du CEASM.
Entretien avec LE HIARRIC, Jo; FOSSI, Alexis
Interview
CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France