Agriculture-environnement : le temps des impasses

L’importance des discours actuels sur l’environnement et l’espace rural cachent la pauvreté des réalisations. D’un côté, l’agriculture traditionnelle agonise, et avec elle une certaine culture et une certaine conception des relations avec la nature, condamnées par la spécialisation, le sur-équipement, l’anti-écologisme, le mépris du passé et un exode rural programmé. De l’autre, un discours convenu proclame qu’il faut sauver le milieu rural, alors même qu’on ne sait plus ce dont il s’agit. Ce sont les deux faces d’une même modernité : plus ça change, et plus c’est la même chose, car la priorité est aux effets d’annonce et aux déclarations sans contenu.

Des actes, il y en a quand même quelques uns. Mais quel actes ! Sous prétexte de "façonner des paysages", on détruit des écosystèmes équilibrés. Par peur de la vase, on nettoie les rivières dans les grandes largeurs et on anéantit les abris des larves. Le débroussaillage bat son plein, et tant pis si les broussailles recèlent des trésors pour l’entomologiste. Les haies sont toilettées de si près qu’elles finissent par en crever. La peur du spontané anime les nouvelles initiatives et l’idéologie anti-nature imprègne les mesures prises au nom de l’environnement. Pourquoi ? L’enjeu pour l’homme est de montrer que la terre ne peut se passer de lui, et qu’il se réserve le droit d’y maintenir son emprise. Bientôt, dans des espaces "remarquables" gérés avec soin, de nouvelles Marie-Antoinette joueront à faire de l’agriculture sous les yeux émerveillés des éco-touristes.

Après avoir détruit le complexe des relations homme-nature, on se demande comment le recréer. Mais sans en prendre les moyens, dont le plus important n’est pas de l’ordre des finances, mais de la connaissance. Aux nouvelles relations homme-nature que l’on tente de réinventer, il manque d’abord une âme.