Dans les années cinquante, André Pochon et quelques autres éleveurs bretons de la région de Corlay mettent au point une méthode de culture d’herbe sans utilisation d’engrais azotés. Désormais bien connue et assez largement diffusée, la technique "RGA-TB" (semis en mélange de graines de ray-grass anglais et de trèfle blanc)s’est heurtée à son origine au scepticisme des techniciens agricoles, qui ont fait la sourde oreille aux interpellations lancées par le petit groupe d’innovateurs.
D’abord surpris de cette résistance passive, les agriculteurs découvrent peu à peu que leur expérimentation technique risque de bouleverser des intérêts économiques (ceux des marchands d’engrais), des automatismes de pensée (l’engrais, c’est la modernité)et des enjeux de pouvoir (les connaissances nouvelles vont des techniciens vers les agriculteurs, et non l’inverse). Ils entreprennent alors de "livrer bataille" contre les tenants du modèle dominant de production agricole. Leur outil: l’organisation de visites de leurs fermes, par des agriculteurs, contactés grâce au réseau des Centres d’expérimentation technique agricoles auxquels ils sont adhérents.
Dans les années 70, les chocs pétroliers et la flambée du prix des engrais assurent un intérêt nouveau à la technique RGA-TB. Des chercheurs de l’INRA et de l’ITEB (Institut technique de l’élevage bovin)entérinent les résultats obtenus et permettent à André Pochon de publier sous leur étiquette les acquis de ses expérimentations. C’est la première fois en France que des organismes de recherche ouvrent leurs publications à un agriculteur.
Grâce à cette caution, les scientifiques et les agriculteurs affluent. Les organismes de vulgarisation se voient contraints sous la pression de mener à leur tour des expérimentations techniques permettant de se passer d’engrais azotés. La "méthode Pochon" commence à se diffuser, surtout en Bretagne.
Mais l’analyse de leurs difficultés a raffermi la détermination et aiguisé le sens critique des agriculteurs et de quelques nouveaux adeptes. Ils tentent de mettre au point des systèmes de production permettant de vivre sur une petite surface et de limiter l’usage d’intrants. Leur démarche devient plus globale. En 1982, ils créent le Centre d’études pour une agriculture plus autonome (CEDAPA). Des contacts avec les associations tiersmondistes, des écologistes et des associations de consommateurs les font intégrer dans leurs objectifs la limitation des importations en provenance du tiers monde, la protection de l’environnement et l’obtention de produits de qualité. Ces objectifs guident les expérimentations qu’ils mènent dans leurs propres exploitations. Leurs résultats sont diffusés par des publications, des visites, des interventions à l’extérieur.
Actuellement, le groupe entretient des relations de collaboration avec l’INRA et assure une fonction d’expert auprès du Conseil général des Côtes d’Armor pour la recherche de systèmes de production agricoles moins polluants.
agriculture and environment, breeding, pollution control, micro macro relations, technical innovation, innovation diffusion, resistance to change
, France, Bretagne
Voir aussi fiche sur "l’histoire du CEDAPA"
Interview
GUIHENEUF, Pierre Yves, GEYSER, 1992 (France)
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr