L’anthropologie a peu étudié l’innovation, qui n’est généralement pas considérée par la discipline comme un objet scientifique. Son étude s’est souvent fondue dans celle du changement social. Cependant, plusieurs travaux en socio-anthropologie y font référence. Selon la façon dont ils abordent l’innovation, on peut distinguer les points de vue suivants:
1. L’innovation en tant que processus de diffusion
Dans cette rubrique, le point de vue dominant est le paradigme épidémiologique. Son porte-drapeau est l’américain Everett Rogers, et l’étude pionnière portait sur la diffusion du maïs hybride dans l’Iowa. C’est cette école, qui a suscité depuis lors des milliers d’études de cas, qui a mis en évidence la courbe en S qui décrit le rythme d’adoption d’une innovation dans un milieu donné, et qui classe la population en 5 groupes, des innovateurs précoces aux retardataires.
2. L’innovation en tant qu’enjeu social
Cette école, assez ancienne, étudie l’innovation dans les enjeux locaux, et notamment les rapports de pouvoir. Son étude pionnière a porté sur la diffusion du maïs hybride dans le Sud-Ouest de la France. A partir d’une analyse de la place occupée dans la société par les porteurs de l’innovation, ces travaux ont montré que l’innovation a des impacts sociaux qui ne s’arrêtent pas à son adoption : elle peut s’intégrer dans des stratégies visant à pérenniser ou au contraire à bouleverser la structure sociale.
3. L’innovation en tant que production du savoir populaire
Paul Richards, socio-anthropologue anglais, s’est intéressé aux petites innovations techniques, permanentes mais peu reconnues. Il les interprète comme une forme de RD paysanne, de recherche populaire.
4. L’innovation en tant que réinterprétation
Norman Long ou Jean-Pierre Darré illustrent bien cette école, qui étudie la réinterprétation des messages reçus par les paysans, et la capacité de ces derniers à produire du sens sur l’innovation. Ils mettent l’accent sur le calcul stratégique des innovateurs.
Ces points de vue ne sont pas nécessairement exclusifs. Ce qui peut être dangereux en revanche, c’est de s’enfermer dans des dogmatismes comme l’individualisme méthodologique, le holisme, l’utopisme paysan ou l’exaltation des systèmes de signification locaux. D’ailleurs, certains principes concernant l’innovation et connus depuis le début du siècle, sont largement admis. Par exemple:
- le principe de désarticulation (adoption par parties de paquets techniques proposés aux paysans)
- le principe de détournement (une innovation est adoptée pour satisfaire d’autres objectifs que ceux envisagés à l’origine).
L’innovation est toujours un jeu interactif, dans lequel les médiateurs (innovateurs, agents de développement...)ont une grande importance.
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OLLIVIER DE SARDAN, J.P., CIRAD, 1993/09 (France)
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