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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Vendeurs de merghez en pied d’immeubles : initiative économique ? Économie informelle ?

Un exemple des questions posées par des activités à caractère économique sur un quartier en région Rhône-Alpes

Christine AULAGNER

11 / 1995

Dans un quartier d’habitat social de l’agglomération lyonnaise, l’exemple d’un vendeur de merguez montre toute la complexité liée à la reconnaissance officielle d’un jeune adulte à la fois coopté par les associations du quartier et en concurrence avec elles, en négociation permanente de sa position, tout en étant dans un statut d’illégalité complète...

UNE BUVETTE DANS LE QUARTIER

Reprenons le déroulement de l’histoire. Depuis plusieurs étés, des associations du quartier sollicitaient (dans le cadre du développement de la vie sociale et de la convivialité)et obtenaient une autorisation collective pour tenir une buvette à l’occasion de fêtes. Cela leur permettait d’avoir un contact plus important avec les gens du quartier et des ressources complémentaires. Dans l’idée d’aider au contact et à la réalisation de projets autonomes de jeunes (départ en vacances...), elles ont souhaité et permis que quelques uns d’entre eux tiennent cette buvette. L’un d’eux, que nous appellerons Albert, s’est particulièrement distingué : très présent et compétent, il est peu à peu devenu le "jeune Buvette". à la fin de l’été, en période creuse, les associations se sont retirées et Albert a continué à venir, continuant de tenir la buvette même pendant l’hiver à son compte.

Chacun a pu prendre acte de l’effet de la buvette sur le quartier : elle a montré qu’il manquait un lieu convivial, ouvert à tous et en particulier aux jeunes... Elle est devenue un lieu public où la personnalité d’Albert lui permet de négocier des règles acceptables par les jeunes, les dépannant à l’occasion... Lieu de rassemblement, espace social pour les jeunes, cette buvette est devenue incontournable.

RÉGULARISER LA SITUATION PROFESSIONNELLE D’ALBERT ?

Une réunion a eu lieu avec toutes les associations, l’équipe de maîtrise d’ uvre du Développement social urbain... pour essayer d’envisager une légalisation de ce qui s’était transformé en poste de travail, ce qui d’une manière ou d’une autre imposait à Albert une négociation et des concessions. Quelle que soit la formule trouvée, il gagnerait en net moins que les gains "au noir". Les éléments d’un contrat étaient là.

Plusieurs possibilités ont été envisagées dont celle de faire assurer le portage juridique de commerce ambulant par le restaurant d’insertion du quartier. Des démarches ont été faites pour qu’il obtienne le statut de commerçant ambulant. Seulement, ce statut implique de "tourner" sur plusieurs places déterminées de la ville, et celle du quartier n’est elle-même pas inscrite dans la liste ! Donc, aucune dérogation n’étant admise, pas de solution de ce côté là. Pendant ce temps, la police ayant commencé à intervenir, la municipalité avait fait un mot expliquant que cette buvette s’inscrivait dans une démarche pour une création d’emploi, libérant celle-ci du contrôle policier pour un moment.

Les données initiales ont été complètement transformées. Albert est fort de sa présence sur le quartier, du rapport de force qui s’est installé entre lui et les partenaires sociaux. Il n’a jamais refusé de discuter pour une légalisation de son travail et il a pris une place importante sur le quartier en particulier vis-à-vis des jeunes, ce dont il a pleinement conscience. Si le maire revenait à l’heure actuelle sur "l’autorisation provisoire", cela entraînerait une expulsion par la police, difficilement compréhensible après un an de fonctionnement et de statu quo... au risque de voir les jeunes du quartier réagir violemment. Le rapport de force est donc favorable à Albert.

A ce jour (décembre 1995)la proposition est l’ouverture d’un local "en dur", une boutique de vente sur le quartier. Albert pourrait d’abord être employé par une association relais pour une période transitoire de six mois. Cela devrait lui permettre de structurer son activité, de se former à la gestion pour être en capacité de prendre le risque de créer sa propre activité. Au terme de son contrat Albert pourra se porter candidat, s’il le souhaite, à la gérance de ce lieu. Tout est en discussion entre Albert et l’équipe de maîtrise d’ uvre urbaine et sociale, mais aussi avec les partenaires institutionnels engagés dans le projet.

Key words

informal sector, economic initiative, young person


, France, Lyon

Comments

Cette histoire montre la complexité liée à l’initiative économique spontanée. Elle interroge de manière aiguë les acteurs locaux car elle cristallise les zones de droit et de non droit créées par certaines pratiques sur les quartiers en difficultés. Quel rôle tient ce type d’expérience en terme d’exemplarité auprès des habitants des quartiers, que ce soit sur la question du droit ou sur la capacité individuelle à s’en sortir telle que peut le montrer Albert ?

De l’ordre de l’économie informelle, quels choix faire face à ces dynamiques ? Choisir devant ce qui apparaît une impasse, de faire respecter la loi et donc réprimer au risque de faire d’Albert un "modèle" de l’impasse dans laquelle peuvent se sentir des jeunes en terme d’emploi et d’insertion... Laisser "pourrir" la situation ? Comment éviter un rapport de force ?

La solution proposée trouve des alternatives prenant en compte à la fois la stratégie d’Albert et le besoin d’un lieu convivial mis en évidence sur le quartier. Elle a le mérite de développer le dialogue entre tous les acteurs et de modifier les éléments d’un contrat avec Albert qui devra à terme énoncer clairement les choix qu’il veut faire.

Source

Interview

CR-DSU=CENTRE DE RESSOURCES SUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN (France)

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