05 / 1995
La technologie de la drague a d’abord été introduite sur la côte est du Canada vers la fin des années 1890. A l’époque, elle a été mal reçue par les pêcheurs qui croyaient que cette technologie allait détruire les stocks de pêche. La Commission royale de 1928 a décrit les chalutiers à panneaux avec des ouvertures de 100 pieds de large, capturant 130.000 à 250.000 livres de poissons !
La Commission a alors prédit que ces "draggers" ’détruiraient le frai de morue, d’aiglefin et les fonds nourriciers..., prendraient de grandes quantités de poissons immatures et invendables et encombreraient le marché, rendant impossible aux pêcheurs côtiers la vente de leur capture.
Le fait que nos aïeux aient prédit le résultat possible de la technologie de la drague il y a 70 ans, rend encore tragique la crise actuelle.
Les pêcheurs se sont vigoureusement opposés à l’usage de cet engin à cause de son impact potentiel négatif sur la pêche côtière.
Néanmoins, après la seconde guerre mondiale, la pêche littorale aux filets fut doublée d’une flotte industrielle mobile.
La technologie du chalut de fond a été élaborée pour développer une mobilité en eaux profondes. Un des avantages supposés de ce type d’outil était la possibilité de travailler toute l’année.
On pouvait ainsi avoir accès à des stocks relativement inexploités et réaliser des profits importants pour les actionnaires des armements.
Les chalutiers de côté ont été couramment utilisés jusqu’à la fin des années 50. Puis ils ont été remplacés par des chalutiers à rampe arrière, vite considérés comme supérieurs. Dans les chalutiers "latéraux", le train de pêche est viré de côté; dans les chalutiers "arrières", du pont arrière. Le changement de l’un à l’autre a correspondu à une augmentation incroyable des volumes des prises utiles des navires. Les chalutiers des années avaient un tonnage brut de 300 à 500 TJB, alors que les nouveaux "draggers" ont de 2.500 à 4.000 TJB.
Les "draggers" modernes sont de grands navires, normalement de 120 à 160 pieds de long avec une capacité de stockage d’environ 300.000 livres de poissons (150 tonnes). Ils emploient généralement 16 hommes qui partent pour des trajets de 8 à 25 jours en mer.
Pendant les années fastes (au milieu des années 80)les navires de la "Fishery Product International (FPI)" arrivaient quelques fois avec 400.000 livres de poissons à bord. C’était avant que certains règlements de conditionnement et de congélation n’aient réduit la charge utile des chalutiers.
Les chalutiers appartiennent principalement à des sociétés comme FPI et National Sea, bien qu’il y en ait d’autres, de moins de 65 pieds appartenant à de plus petites sociétés. La technologie de pêche est soit le chalutage à panneaux divergeants ou la drague; dans les deux cas les engins de grosse taille sont attelés aux navires par des cables (ou "funes").
Les panneaux divergeants peuvent peser jusqu’à 5 tonnes chacun et ils maintiennent ouvert la gueule du chalut.
Canaliser les poissons
Trainés dans le fond, les panneaux canalisent les bans de poissons et rendent l’évasion peu probable. Ce type d’engins est peu sélectif et perturbe le fond de la mer. Côté propriétaires, cet engin est économiquement performant, car il permet la capture de gros volumes de poissons avec un pourcentage de bénéfices importants. Ce chalutage dispose aussi de matériel moderne de détection des bancs de poissons: sonar, sondeur de filets sans cable et enregistrement automatique des parcours. Par ailleurs, cette technologie est exclusivement masculine. Pour le Comité Consultatif des Sciences de la Pêche du Canada Atlantique, le chalutage de fond détruit les alevins des espèces cibles. Il réduit aussi le taux de survie des oeufs en les détachant et en les abimant. Une fois détachés, ces oeufs sont mangés par les prédateurs. Beckett, membre dudit Comité, pense que l’interdiction de toute activité de pêche dans les régions clées , ou au moins la restructuration de la pêche autour de lignes ou de filets maillants de surface, combinée avec des temps de ferméture, pourrait alléger le problème de surexploitation, surtout dans les zones de frayères. A cause de chaluts, 17 des 20 espèces de poissons de fond de Terreneuve ont une biomasse moins élevée que normale, avec une dizaine parmi eux ayant la plus petite biomasse jamais enregistrée. La reconstitution des stocks de la morue nordique est improbable.
Les prises secondaires indésirables
Par prises secondaires, on entend tout ce qui est vivant et qui est capturé et détruit dans le processus de chalutage d’un espèce-cible. Comme les chaluts rammassent et soumettent à une forte pression des tonnes de poissons qui sont remontés à bord, rien ne survit.
Pour respecter les rares réglements gouvernementaux, les armements pratiquent le tri en mer et l’utilisation de filets à mailles petites placées dans le fond du chalut. Le tri en mer permet de se débarasser illégalement des poissons immatures qui devraient être comptabilisés dans le quota.
Une autre anomalie de l’approche scientifique est l’évaluation des stocks basée sur les prises des chalutiers. Comme les technologies de détection sont sophistiquées, il n’existe aucune donnée fiable de ce qui est réellement disponible, en termes de stocks courant.
L’impact sur les femmes
La ré-introduction de la technologie du chalut de fond a eu pour conséquence de priver les femmes de leur occupation dans l’industrie; or, elles se sont investies énormément dans la pêche. Les usines de poissons dans les communautés rurales sont de gros employeurs de femmes. Le déclin des captures a une incidence sur l’emploi des femmes. Beaucoup de transformatrices des usines qui ont une longue histoire de travail de la morue ne sont pas actuellement admises au chômage à cause des directives restrictives qui ne tiennent aucun compte du déclin des captures de morue dans le passé.
Pertes des salaires
Les femmes sont les plus mal dédommagées, puisqu’elles ont perdu le plus d’heures de travail et qu’elles perçoivent les plus bas salaires.
Il n’y a aucune reconnaissance de la contribution des femmes qui forment l’équipage à terre et de la qualité incontestable qu’elles fournissent dans les foyers de pêcheurs. Plusieurs villes à industrie unique dépendent de la pêche pour leur emploi. La fermeture des usines entrainera des pertes considérables pour ces communautés et pour leurs habitants; alors que les captures peuvent quotidiennement être déplacées, la main d’oeuvre, elle, n’est pas aussi mobile.
Si les hommes peuvent se déplacer pour travailler, les femmes elles, s’occupent des familles au sens large. Après avoir perdu leurs usines de transformation de poissons et donc leur base économique, plusieurs communautés côtières vont être confrontées à une délocalisation forcée pour des raisons économiques. On est en droit de penser que les femmes ont le plus à perdre dans ce processus.
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, Canada
V.SILK travaille à Canadian Caucus
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SILK, Vicky
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