Les pêcheurs traditionnels de la pêche à la ligne du Japon ont été très affectés par le développement de la senne coulissante
05 / 1995
Il y a 45 ans, un capitaine au long cours persuadait le gouvernement japonais d’importer la technologie américaine pour construire le premier bateau japonais de pêche à la senne coulissante, le Shirauri Maru. Depuis cette événement, la pêcherie japonaise n’a plus été la même. Non seulement les stocks de diverses espèces ont diminué, mais les pêcheurs japonais artisans à la ligne ont eux-même été réduits à une misère sans nom.
Les pêcheurs côtiers japonais pratiquent aussi la pêche à la traîne et les petits filets maillants pour capturer les espèces migratoires comme le maquereau, le thon listao, le poisson volant et le calmar ou les espèces non-migratoires comme le béryx, le cardeau et la langouste.
Traditionnellement, leur métier est ouvert à tous, mais un certain niveau d’autorégulation a toujours été présent afin de contrôler les ressources. Par exemple, pour protéger le béryx pendant sa période de ponte, les pêcheurs eux-mêmes déclarent un arrêt de la saison de pêche pendant quatre mois.
De tels scrupules ne tracassent pas les pêcheurs à la senne coulissante. Généralement, des flotilles de 4 ou 5 lancent les filets sur 500 mètres de profondeur, capturant ainsi une gamme variée de poissons.
Environ 80% du thon débarqué est pris par les senneurs. Chaque unité peut capturer plus de 400 tonnes de poissons à la fois. Par contre, les petits bateaux ne capturent que de 40 à 100 kilos par jour.
Cette pêche commencée en 1949, est une activité autorisée et n’est permise que dans les trois mers du Pacifique nord, du Japon central et du Japon ouest.
Au début, les senneurs japonais ne travaillaient qu’aux limites nord de la zone du Pacifique Nord pour capturer albacores et listaos (prises en 1991: 125.000 tonnes). Dès que ces stocks se sont épuisés, ils ont commencé leur mouvement vers les zones du Sud pour le maquereau et les pilchards du Japon.
Cette migration, commencée en 1966, était un empiètement direct sur les zones et l’activité des pêcheurs côtiers. En 1973, par exemple, quand elle est arrivée à la Préfecture de Chiba, la concurrence a complètement anéanti la pêche à la ligne en quelques années seulement.
Incapables de concurrencer les prix bas occasionnés par les débarquements massifs des senneurs, la plupart des 2.000 bateaux de pêche côtière de Chiba ont été réduits au chômage.
La méthode a bien évidemment amené une surpêche aveugle. Les senneurs opérant dans les eaux tropicales prennent, dit-on, même les jeunes listaos de moins d’un kilo, mesurant moins de 50 cm de long (les grands albacores mesurent plus de 1,5m de long). L’augmentation des importations de maquereaux norvégiens est, par exemple, un indice sûr de la disparition de cette espèce, jadis, un poisson bon marché et populaire.
A la recherche des stocks
Un pêcheur en provenance de la Préfecture de Kochi, traditionnellement une zone riche pour la pêche à la ligne des listaos, a confié à Greenpeace Japon: "au cours des années 60, quand j’ai commencé le travail sur un bateau de pêche à la ligne, la capture était si bonne qu’il ne fallait travailler qu’à partir de Mars jusqu’à Septembre au large de Kochi jusqu’à peu près 1000km de l’île Hachigo, au sud de Tokyo. Une prise par bateau d’environ 200 à 300 tonnes était suffisante pour compenser les coûts".
Maintenant, c’est une histoire ancienne. Il continue: "aujourd’hui, je commence à travailler en bateau dès Janvier, à la recherche des stocks, tandis qu’ils se déplacent jusqu’aux limites septentrionales de Hokkaido, représentant plus de 3000km de voyage et ce jusqu’au mois de Décembre. Un certain nombre des 140 bateaux de pêche à la ligne ne peuvent capturer que 200 tonnes après avoir travaillé toute l’année". Les méthodes de régulation de la pêche Japonaise compliquent le problème. Ces méthodes sont diverses et variées: depuis les associations coopératives de pêcheurs qui contrôlent les droits de pêche, jusqu’à un système d’enregistrement des bateaux et des permis pour la pêche indutrielle, le tout supervisé par un Comité de Coordination de la Pêche (Sea Area Fisheries Coordination Committee).
Néanmoins, en l’absence d’évaluations scientifique des stocks importants dans les eaux japonaises, ces procédures ont peu d’impact. De même, le compartimentage des diverses agences gouvernementales de pêche est un autre handicap. L’ignorance officielle ne sert qu’à aggraver les problèmes. Ainsi, d’après Greenpeace Japon, un responsable d’une agence de pêche a suggéré aux petits pêcheurs de béryx: "vous devriez permettre aux senneurs de travailler pendant la saison morte !".
L’échec de la gestion des pêches a déjà provoqué des conflits ouverts. Quelques préfectures ont connu non seulement des manifestations d’environ 3000-5000 pêcheurs, mais aussi l’encerclement d’un senneur par 300 petits bateaux protestant contre sa présence dans leur zone réservée.
L’an dernier, 120 petits pêcheurs ont envoyé une requête au Ministère de l’Agriculture, de la Forêt et de la Pêche déclarant: "la plupart des pêcheurs côtiers sont des pêcheurs traditionnels, traitant chaque poisson avec soin, s’abstenant de la surpêche". La lettre continue: "c’est consciemment que nous avons choisi des méthodes peu efficaces, tout heureux de prendre notre part de poisson et espérant qu’une quantité suffisante restera aux générations à venir."
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Le Japon, grande puissance de pêche hauturière bien présente en Pacifique et sur de nombreux lieux de pêche a encore pas mal de pêcheurs artisans qui eux aussi tentent de subsister et de résister aux techniques industrielles dévastatrices. Ils ont malheureusement peu de contacts avec leurs homologues d’Asie du Sud et du Sud Est ; c’est pourtant le même combat.
Ce rapport est basé sur une enquête de Greenpeace /Japon
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GREENPEACE JAPON in. SAMUDRA REVUE, 1993/11/01, 8
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