Au début des années 1990, à la faveur de la fin de la guerre froide et à l’issue de la guerre du Golfe, le concept de "nouvel ordre mondial" est apparu dans le discours des dirigeants des pays développés, et en particulier de George Bush.
Cet article analyse le rôle de l’ONU dans la mise en pratique de ce nouvel ordre à travers trois questions : un renforcement du pouvoir exécutif ? un renforcement du pouvoir judiciaire ? un accroissement de l’activité législative ?
La première partie concerne l’action du Conseil de sécurité, organe "exécutif" de l’ONU. De nombreuses critiques lui reprochent sa politique inégalitaire, selon la formule "deux poids, deux mesures", dans l’application du droit international. L’Irak continue à subir les sanctions de l’ONU (et l’auteur ne mentionne pas la tolérance de l’ONU vis-à-vis des "frappes chirurgicales" persistantes de l’armée américaine)alors qu’Israël, reconnu coupable de violations territoriales au Liban Sud et d’atteintes aux droits de l’homme dans les territoires occupés, peut continuer à ignorer les résolutions de l’ONU, par ailleurs peu contraignantes. Il en va de même pour d’autres pays : la Turquie vis-à-vis de Chypre ou des populations kurdes, l’Indonésie qui occupe et opprime toujours le Timor oriental, etc.
Tant en ce qui concerne le maintien de la paix que l’action pour mettre fin aux violations du droit international, l’activité du Conseil de sécurité apparaît donc comme insuffisante et partiale.
La deuxième partie porte sur le pouvoir "judiciaire" de l’ONU : en cas de différend, les Etats sont tenus par la Charte des Nations Unies de recourir à l’arbitrage de la Cour internationale de justice (CIJ), les Etats gardant le choix du type de reconnaissance d’autorité qu’ils donnent à cette Cour : générale, spécifique à un traité... La CIJ peut aussi prononcer des avis consultatifs en réponse aux questions d’ordre juridique que peuvent lui soumettre les autres organes des Nations Unies. Mais seulement une cinquantaine de cas ont été traités par la CIJ en quarante ans. Pressentant leur condamnation par la Cour pour leurs implications dans les conflits armés au Nicaragua, les Etats-Unis ont retiré en 1984 leur acceptation de la compétence de la CIJ et les discours ultérieurs sur "l’Etat de droit" du nouvel ordre mondial n’ont été accompagnés par aucun changement dans l’attitude des Etats-Unis en la matière. La proposition de M. Perez de Cuellar selon laquelle le Secrétaire général pourrait également demander des avis consultatifs à la Cour n’a rencontré aucun soutien de la part des promoteurs du "nouvel ordre mondial". En somme, ces dernières années n’ont vu aucun renforcement du pouvoir judiciaire à l’échelle mondiale.
En dernière partie, l’auteur examine si la communauté internationale a réussi à se doter d’outils juridiques mieux adaptés. Il est beaucoup question d’une prétendue avancée : le "droit d’ingérence". La résolution 688 considérée comme fondatrice de ce droit condamne l’Irak pour la répression exercée contre les populations civiles, exige que l’Irak y mette fin et "insiste" pour que cet Etat permette un accès des organisations humanitaires. L’intervention occidentale au Kurdistan s’est faite sans approbation de l’ONU et l’usage qui y a été fait de la force contredit le principe de coopération pacifique internationale à la base des conceptions onusiennes de l’assistance humanitaire.
En matière législative, on ne peut que constater l’inactivité de l’ONU dans les domaines de la protection des droits de la personne et du "nouvel ordre économique mondial" : problèmes de la dette, du sous-développement, des rapports Nord-Sud, etc. Aucune perspective d’organisation économique mondiale n’est offerte par l’ONU.
Même si l’apparition d’un principe de légitimité démocratique semble s’établir dans les actions des Nations Unies (élections au Cambodge ou dans la zone caraïbe), "le régime du droit n’a été assuré ni par une meilleure exécution des normes existantes, ni par un meilleur règlement pacifique des conflits, ni par la création de nouvelles règles de nature à atténuer les déséquilibres".
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Cet article est extrait d’un numéro spécial des Dossiers du GRIP intitulé : "Memento défense-désarmement 1992" dont l’objectif est de faire le point chaque année sur les faits et les données de la sécurité internationale. Ce memento est la septième édition d’une publication qui sera dorénavant centrée sur "l’Europe et la sécurité internationale". Ce thème est d’ailleurs devenu l’objet principal des travaux du GRIP qui a pris comme dénomination depuis le 1er janvier 1992 : GRIP/Institut européen de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (adresse : 33 rue Van Hoorde, B-1030 Bruxelles. Tél. 32.2. 241 84 20).
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CORTEN, Olivier; KLEIN, Pierre in. LES DOSSIERS DU GRIP, 1992/04 (PAYS BAS), N°168-171
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