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La petite privatisation des entreprises russes à partir de 1991

L’exemple d’Ekaterinbourg

04 / 1994

Organisée sur la base des deux lois-cadres adoptées par le Soviet Suprême de Russie en juillet 1991, la petite privatisation concerne les entreprises employant moins de deux cent personnes ou ayant une valeur comptable inférieure à un million de roubles au 1er janvier 1992. Juridiquement, ce sont le plus souvent des "objets de propriété municipale" (expression consacrée dans la terminologie juridique russe), localisés dans trois secteurs principaux : les magasins, l’alimentation collective et les services courants, comme les salons de coiffure. Ce sont donc les autorités locales, l’administration de la ville et le Soviet Municipal, jusqu’à sa disparition en novembre 1993, qui organisent la privatisation de ces objets, par l’intermédiaire de deux organismes qui leur sont respectivement dépendants : le Comité d’Etat pour la Gestion de la propriété municipale et le Fonds des Biens. Le Comité évalue les actifs et détermine les modalités de privatisation d’une entreprise. Le Fonds est chargé de la vente proprement dite de l’objet. Il est intéressant de noter que les relations entre le Comité et le Fonds reflètent celles entre l’Administration et le Soviet au niveau municipal. Une situation conflictuelle, comme à Ekaterinbourg, provoque de graves dysfonctionnements du processus de privatisation, dans la mesure où la collaboration entre les deux organismes, pourtant cruciale, fait totalement défaut. Il s’ensuit un ralentissement du processus, dont chaque organisme rejette la responsabilité sur l’autre.

Ainsi, à Ekaterinbourg, le Soviet local a adopté un programme de privatisation pour l’année 1992 prévoyant le transfert de propriété de 629 objets. Or, à la fin de l’année 1993, seuls 250 objets ont été privatisés. Les heurts entre le Soviet et l’administration ont conduit à ce que le programme de privatisation pour l’année 1993 n’ait pas vu le jour, alors que son équivalent existe au niveau de la région.

La privatisation des objets de propriété municipale s’accomplit dans la grande majorité des cas sous deux formes : la location de l’objet par le personnel avec droit de rachat (arenda s pravom vykupa), moyen utilisé jusqu’à ce que le Soviet Suprême de Russie ne l’interdise en avril 1992, et les enchères.

La forme de location employée un certain temps préexistait au programme de privatisation et permettait à un grand nombre de commerces, souvent les plus fructeux, comme les supermarchés par exemple, d’éviter l’ingérence de personnes extérieures dans leur gestion de l’entreprise. A Ekaterinbourg, une centaine d’objets bénéficient de tels contrats de location, source de multiples controverses.

En effet, les contrats fonctionnent selon les évaluations comptables effectuées en 1990 et ne tiennent pascompte de l’inflation. Il est donc évident que les objets concernés valent désormais une bouchée de pain. Ainsi, un des grands magasins centraux les plus fréquentés d’Ekaterinbourg, Passage, est racheté par son personnel 12 millions de roubles, conformément au contrat de location signé en 1990. Une commission américaine a estimé le bien à 1,5 milliard de dollars. En conséquence, le profit que pourraient tirer les autorités municipales de la privatisation d’un bien d’une telle envergure est nul.

Par ailleurs, seule l’administration municipale était habilitée à accorder ces contrats. Or, il est clair qu’un tel privilège est source de corruption. Ainsi, d’aprés de nombreux experts, il n’est pas rare qu’un fonctionnaire accepte de signer un contrat, daté de 1990, à un magasin contre le versement de pots-de-vin. Un scandale de ce type a d’ailleurs éclaboussé le Comité d’Etat de Gestion de la propriété municipale d’Ekaterinbourg en mai 1993.

Le principe des contrats de location cherche à transferer la propriété au personnel. Or, il arrive que les dirigeants du magasin privé constituent une société, à laquelle revient la propriété exclusive au terme du contrat. Concretement, les reations entre le personnel et les dirigeants ne changent pas.

Enfin, une législation tardivement mise en place oblige les objets sous contrat de location à conserver le personnel, le volue de production ou de vente et la fonction de l’établissement durant un certain délai. Cette loi empêche aussi une pratique répandue jusqu’alors : la transformation de salons de coiffure, d’ateliers de réparation.. en magasin d’alcools ou de biens occidentaux, plus rentables, privant ainsi des quartiers entiers de services de proximité.

Qu’en est-il du fonctionnement des enchères? Ici encore, la pratique est bien éloignée de la législation en vigueur. En principe, l’identité des participants à des enchères concernant un objet doit être tenue secrète, afin qu’aucune pression ne puisse s’effectuer. Mais, il est facile pour des structures criminelles, désireuses de lave leur argent en achetant un commerce ou un bar, de contourner ce problème. Les participants aux nchères doivent déposer une avance prouvant leur solvabilité dans une banque désignée par l’organisatur de la vente, le Fonds des Biens.Les banquiers ont donc accès à une information précieuse qu’ils pevent accepter ou être contraints de donner à une personne souhaitant acquérir l’objet sans que les enhères montent, c’est-à-dire en contraignant les autres participants à ne pas participerà la vente. C’est un procédé trés répandu, que ne nient pas les organisateurs d’enchères. Il est révélateur que pour de nombreux commerces rentables, les enchères ne montent pas, faute de participants. Les milieux criminels peuvent également intervenir aprés les enchères, en faisant pression sur l’acquéreur, afin qu’il cède le bien convoité.

Key words

liberalism, privatization, company, small or medium sized company


, Russia, Oural, Ekaterinbourg

Comments

En dépit de maintes précautions prises par le Fonds des Biens pour garantir un déroulement normal des enchères, les règles du jeu sont faussées, à tel point que la milice d’Ekaterinbourg évalue à 70% la proportion d’objets de propriété municipale privatisés contrôlés par les sphères criminelles. C’est le problème majeur de la petite privatisation.

Notes

Enquête personnelle

Source

Original text ; Inquiry

DOMBROVSKAIA, Ioulia, FRANCE OURAL

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