12 / 1994
Une des drogues les plus consommés dans les milieux urbains, soit seuls soit en association avec de la marijuana ou de l’alcool, sont les psychotropes connus sous le nom générique de "pions". Ce sont généralement des tranquillisants, des hypnotiques, barbituriques ou non, des psychostimulants tels que les amphétamines, ou des sirops renfermant de la codéine ou de l’opium. Ils proviennent du Nigeria via la Gambie où, achetés à faible prix, ils sont acheminés au centre religieux mouride de Touba via Kaolack, par des camions chargés de paille et de foin. Les saisies ont été les suivantes, toutes substances confondues : 1986 : 3 118 comprimés, 1987 : 7 623, 1988 : 14 177, 1989 : 11 950, 1990 : 15 728, 1991 : 68 581.
Au niveau du trafic local, les médicaments détournés s’ajoutent aux produits illicites importés. Sur le port de Dakar, les colis de médicaments sont fréquemment pillés et l’on constate dans les environs immédiats une vente de gros e t de détail particulièrement intense. Les médicaments sont également soustraits des hôpitaux, des dispensaires, etc., par leurs employés. Enfin l’approvisionnement se fait au niveau de la PNA et de la Société industrielle pharmaceutique de l’Ouest africain où des marabouts viennent eux-mêmes se fournir, en bénéficiant des tarifs très bas du secteur public.
Le commerce illégal se fait au grand jour. Selon l’ethnologue Didier Fassin : "Dans le cas de Thiaroye-gare, (...)dix-neuf des quarante-trois vendeurs sont massés juste en face du bureau de police de la gare, à l’endroit où ont lieu tous les commerces illicites : drogues, montres, matériel électrique et sous-vêtements." A ces ventes dans des points fixes s’ajoutent "les nombreux vendeurs ambulants qui circulent à pied à l’intérieur des quartiers où ils ont en général une clientèle d’habitués auxquels ils rendent visite et une clientèle occasionnelle qui les interpelle au passage." Bien que le code de Santé publique (article 517)punisse sévèrement la vente illicite de médicaments, la tolérance des pouvoirs publics est évidente comme le prouve le fait que ces vendeurs, comme tous les autres, paient une patente à la mairie. Cela n’empêche pas la police de faire quelques descentes sporadiques pour saisir les produits.
Le trafic des médicaments, comme de nombreux autres trafics, est contrôlé par les marabouts mourides. Très hiérarchisée, l’organisation musulmane se développe autour de la ville sainte et communauté rurale autonome de Touba, sur laquel le l’État sénégalais est sans pouvoir. Le stockage et la vente en gros à Dakar se font dans "la maison des mourides." La plupart des bana bana (nom donné à tous les marchands ambulants)vendeurs de médicaments appartiennent à cette confrérie des mourides, ce qui implique un lien de dépendance à l’égard des marabouts. L’apprentissage du métier donne lieu à une véritable initiation, impliquant souvent un "stage de formation" à Touba.
corruption, drug trafficking, cannabis, drugs, urban environment, drug consumption
, Senegal
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