A l’orée du troisième millénaire, le Mexique, à l’instar d’autres pays, est à la recherche d’un nouveau modèle de société. L’Etat dont le processus de mutation l’a converti en un régime progressivement néolibéral (vente de près de 1000 entreprises d’Etat, privatisation progressive de El Ejido et lutte contre l’inflation aux dépens des salaires)a mis en place (1988-1994)un plan social nommé : Programme National de Solidarité. Le but avoué est de mettre fin à la pauvreté, à l’exclusion et aux retards socio-économiques des campagnes et des quartiers pauvres des zones urbaines au moment où le pays affronte l’échéance de l’ALENA fixée avec ses partenaires américains et canadiens. Loin des principes révolutionnaires, l’Etat néolibéral mexicain a souhaité faire de "Solidarité" non seulement le programme compensatoire en matière d’action sociale, mais le pivot d’un nouveau projet politique, dont l’objectif est la réforme du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), au pouvoir depuis 65 ans.
Cette politique, que les médias officiels annonçaient triomphante, preuve d’un nouveau Mexique, s’est vue mise à bas par un groupe d’indiens du Chiapas (l’AZLN), le 1er décembre 1993. Le projet, le discours et les doléances des combattants zapatistes ont souligné les différentes facettes qui divisent le pays. Sûrs de leur bon droit (502 ans de sujétion indienne aux intérêts locaux et fédéraux)et, même si la méthode peut être mise en doute, les éléments zapatistes ont mis à jour une vaste dynamique sociale, jusqu’alors souterraine et principalement incarnée par des associations civiles, des ONG qui luttent pour le droit des indiens et les droits de l’Homme, et les secteurs progressites universitaires ou intellectuels (Groupe San Angel). Ces nouveaux acteurs, loin de l’argutie partidiste, se sont regroupés autour de l’AZLN pour dessiner un nouveau projet de société qui tienne compte des multiples facettes recouvertes par ce pays millénaire. La Convention Démocratique Nationale (célébrée sous l’égide zapatiste dans le Chiapas en août dernier)a constitué un premier pas important dans le sens d’un resserrement du lien social entre mexicains (plus de 6000 représentants de groupes populaires et d’associations), loin des pratiques clientélistes et élitistes promues par Solidarité.
Désormais, la lutte pour la démocratie et les droits de l’Homme ont pris un nouveau virage. Depuis deux personnages importants de l’appareil priiste (Luis Donaldo Colosio, alors candidat à la présidence pour le PRI et Francisco Ruiz Massieu, alors secrétaire général du PRI), ont été assassinés, au moment où ceux-ci parlaient de réforme du régime et projetaient un plan de participation des secteurs progressistes de la société nationale dans l’espoir de forger un nouveau système démocratique.
Les élections présidentielles considérées comme les plus "propres" du Mexique moderne, n’ont pas dissipé les craintes d’un retour de l’autoritarisme; néanmoins, tous ces petits efforts, tous ces petits pas, dans le sens de l’ouverture politique et sociale, attestent que les grandes orientations qui affectent le changement social peuvent émaner des groupes sans pouvoir. Et qui mieux que les indiens du Chiapas illustrent cet exemple de démocratie et de forme de participation, lesquelles contribuent au rapprochement des grands intérêts nationaux, c’est-à-dire ceux portés par des millions de mexicains, et non pas ceux prônés par une poignée de privilégiés et de technocrates ?
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, Mexico
Intervention au colloque "Transformations sociales : processus et acteurs", Perpignan, 1994, organisé par l’ARCI et l’Université de Perpignan.
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SCHAFFHAUSER, Philippe
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