01 / 1994
La Hongrie comme les autres pays de l’Europe Centrale et Orientale, est devenue depuis l’effondrement du bloc soviétique un laboratoire de l’histoire, un terrain idéal pour étudier la dynamique sociale et le rôle des acteurs sociaux, les acteurs étant en l’occurrence l’Etat et la société civile, dont l’interaction est déterminante dans les processus de transformation sociale de cette ampleur.
Pour décrire "cette révolution non sanglante", cette transition d’une dictature à une démocratie parlementaire, d’une économie dirigiste à une économie de marché, la réflexion est centrée sur le rôle du pouvoir politique dans le façonnage de la structure sociale, les changements qui ont affecté les rapports sociaux et les attitudes et traits psychologiques des acteurs-individus et des groupes -d’abord dans le système totalitaire et ensuite depuis la chute du système socialiste de l’Etat jusqu’aux éléctions de mai 1994.
L’examen du contenu du projet socialiste (principes de base, création de l’homme nouveau)débouche sur l’hypothèse que celui-ci, bien qu’imposé et en grande partie destructif, a néanmoins influé de manière positive sur modernisation des rapports sociaux. Il a créé une nouvelle conscience sociale, notamment au sein de la classe ouvrière et entre classes, qui a modifié les relations interpersonnelles et sociales.
A cette analyse nuancée, succède l’énoncé des effets pervers de la transition (montée du nationalisme et de l’intolérance)et du retour à la surface de la "seconde économie" et de "la seconde société", la liberté étant regagnée. Alors que change la structure oppressive, "on voit se dessiner les contours d’une nouvelle structure fondée sur le mouvement libre des supports traditionnels de l’avoir, du savoir et du pouvoir, sur le libre arbitre impersonnel du marché, sur la mobilisation des ressources personnelles des acteurs".
Sans tenir compte de ces forces structurantes à l’oeuvre, le premier gouvernement légal a échoué. Sous l’étiquette post-communiste, il a procédé à la restructuration d’un régime conservateur, directement inspiré du style des rapports sociaux, de la culture et des valeurs de l’avant-guerre sans accorder aux citoyens les bienfaits attendus de l’Etat Providence, sans leur donner les garanties essentielles de justice sociale, de respect de la dignité de la personne humaine qu’ils espéraient des changements.
La Hongrie a vécu successivement deux expériences qui offrent des leçons sur les potentialités et les limites de l’action institutionnelle du pouvoir, ainsi résumées en conclusion :
- les structures sociales et les forces structurantes parviennent à résister au-delà de la vie d’une ou même deux générations avec une efficacité surprenante, à l’intervention du pouvoir dès lors que le corps social est opposé à cette action.
- l’intervention même violente et agressive pour modeler les rapports humains peut être efficace aussi longtemps qu’elle correspond à quelques aspirations enfouies en faveur d’une majorité et dès lors qu’elle ne va pas à l’encontre des valeurs modernes de liberté, d’égalité, d’autonomie et de dignité individuelles.
- la propagande et l’idéologie du pouvoir peuvent avoir une influence sur le comportement de la société civile et sur la manière de penser des individus, mais pas nécessairement dans le sens souhaité par les détenteurs du pouvoir. La réponse de ceux qui sont soumis à la propagande, même s’ils sont dépourvus de la possibilité de devenir des acteurs réels, dépend et des structures fondamentales et des aspirations souvent diffuses ou non-explicites.
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, Hungary
La présentation de cette communication a coincidé avec la date des élections législatives hongroises de mai 1994 qui ont évincé la coalition de droite au pouvoir depuis 1990 et donné la victoire aux socialistes, issus de l’ancien parti communiste et aux libéraux. Ces résultats ont annoncé un autre tournant pour la Hongrie comme cette analyse le laissait prévoir.
Transformations sociales : processus et acteurs. Colloque de Perpignan. 1994. ARCI Université de Perpignan.
Colloquium, conference, seminar,… report
FERGE, Zsuzsa
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