03 / 1995
Au cours de cette dernière décennie, le contrôle des médias par les grands groupes industriels et financiers s’est accéléré. A l’ère d’une économie de marché mondialisée, ceux-ci ne cherchent qu’à étendre leur empire et à optimiser leurs profits. L’une des applications de leur stratégie se traduit par la mainmise sur les entreprises de communication : presse, édition, radios, chaînes de télévision, serveurs de banques de données. Les processus de domination mis en oeuvre par ces acteurs se manifestent d’un côté par l’utilisation systématique de ces grands médias à des fins politiques et financières et par une mise en synérgie de leurs diverses activités, ce qui favorise les grands groupes dominants qui servent leurs intérêts et d’un autre côté par des processus de disqualification et de ségrégation médiatiques qui frappent des groupes sociaux pourtant acteurs représentatifs d’une partie non négligeable de la nation et notamment des forces populaires.
C’est ainsi qu’en France, par exemple, ces grands groupes ont mis sous contrôle ou fait disparaître en les rachetant au moindre coût d’importantes maisons d’édition indépendantes. De nombreux éditeurs, et en particulier la prestigieuse maison d’édition Gallimard dont le cas est significatif de cette prise de possession abusive sont tombés sous la coupe de l’une ou l’autre des trois grandes entreprises qui se partagent le contrôle du secteur : le groupe de la Cité, Hachette-Matra et Masson.
Autres exclus : les groupes sociaux tels que les partis politiques, les syndicats, les associations, qui privés de l’accès direct aux médias par l’intervention de journalistes et animateurs soi-disant plus performants, mais en tout cas plus sûrs, sont écartés de la scène publique : ils ne peuvent remplir pleinement leur rôle de médiateurs. D’ailleurs, les populations les moins défavorisées, déjà marginalisées par d’autres formes d’exclusion, ne se reconnaissant pas dans le spectacle artificiel et déformé de la réalité sociale et dans les modèles uniformisants offerts par les moyens d’information officiels. Ils réagissent en créant leurs propres réseaux fondés sur leurs propres pratiques et leurs propres valeurs en rapport avec leurs appartenances (religion, secte, clan, voire mafia)et en ayant recours à des moyens d’expression qui marquent leur identité, disent leur révolte et leur déséspérance (rap, tag, radios indépendantes, télévisions de proximité, clubs, regroupements divers).
Face à "la société combinatoire", laquelle tisse ses réseaux d’acteurs dominants qui s’infiltrent dans les secteurs les plus productifs et les plus influents de la vie sociale mondiale, se dresse "une internationale d’exclus qui emprunte un peu partout dans les différentes cultures, interprète et recrée afin d’investir elle aussi à sa manière, les modes de communication transnationaux".
social exclusion, financial group, media, citizens network
, France
L’élimination progressive d’éditeurs indépendants et la dérive des médias traditionnels sont lourds de conséquences pour l’équilibre du débat démocratique. Elles devraient conduire à une réflexion sur les conditions de production et d’usage des médias et sur les enjeux autres que le pouvoir et le profit auxquels ils sont censés répondre dans une societé qui prétend respecter les libertés publiques et en premier lieu la liberté d’expression.
Intervention au colloque "Transformations sociales : processus et acteurs", Perpignan, 1994, organisé par l’ARCI et l’Université de Perpignan.
Colloquium, conference, seminar,… report
MIGNOT LEFEBVRE, Yvonne
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