Une ou deux leçons tirées par l’auteur de la fiche de ses contacts réguliers de 1982 à 1988 avec le réseau des 22 Agences régionales d’Information Scientifique et Technique (ARIST)au service de la petite industrie dans les régions françaises
10 / 1995
Je présente ici deux types de prestations des ARIST qui m’ont beaucoup frappé.
La première a délibérément une dimension "macro". Grâce essentiellement à des financements publics, une ARIST prend l’initiative de "faire le point" sur une technique, ou une fonction technique, dans leurs modalités actuelles ou potentielles de mise en oeuvre dans telle ou telle activité économique. Cette démarche, qui se veut "d’intérêt collectif" conduit à un document de large diffusion dans les milieux économiques concernés. La plupart du temps on ne connaît pas les effets pratiques qu’il a pu avoir dans le comportement innovateur de telle ou telle petite entreprise; mais ses effets "collectifs" sont le plus souvent inexistants faute d’une implication effective des acteurs eux-mêmes - et de leurs intérêts-, de leur temps et/ou de leur argent, dans le travail de lecture transversale initiée par l’ARIST.
Le second type d’intervention se situe au centre de la vocation des ARIST. Il vise un service individualisé rendu à une petite entreprise. Le plus souvent, les petites entreprises maîtrisent fort bien leur information dans leurs activités spécifiques, grâce à leurs fournisseurs, leurs clients, les revues, salons et centres techniques spécialisés de leur profession. Mais elles se distingueront d’autant mieux de leurs concurrents - et conforteront leur positionnement stratégique- que, toutes choses égales par ailleurs, elles auront su, mieux qu’eux, intégrer et valoriser d’autres informations au profit d’innovations techniques sur la nature, la fiabilité, la qualité, les modes de fabrication ou les structures de coût de leurs produits. Mais, puisqu’il s’agit d’autres informations que celles dont elles ont l’habitude, dans quels domaines et auprès de qui aller les chercher ? Il y a bien besoin mais incapacité de transformer ce besoin en une demande explicite. Demander quoi et à qui ? Surtout lorsque l’on sait la tentation de tout prestataire de faire exprimer le besoin dans une formulation qui soit - comme par hasard- celle qu’il offre... C’est pour répondre à ce défi que, dès le départ, les ARIST se sont positionnées en se distinguant des autres centres d’information, le plus souvent sectoriels, préexistants :
en étant des professionnels, non pas de tel ou tel domaine technique ou sectoriel mais des professionnels du transfert (et de la valorisation)de l’information technique;
en n’étant pas elles-mêmes centres de ressources mais médiatrices entre les besoins d’une entreprise et les informations techniques disponibles, où que ce soit dans le monde, susceptibles de répondre - aussi partiellement que ce soit- à ces besoins.
Dans les meilleurs des cas, la prestation de l’ARIST se présente comme la mobilisation d’une véritable chaîne de médiations:
aider l’entreprise à transformer ses problèmes et besoins plus ou moins implicites dans le domaine technique en cahier des charges d’une première recherche d’informations;
rechercher ces informations, ou tout au moins leurs "abstracts" auprès des bases de données mondiales, des unvisersités, des centres techniques, des réseaux d’"experts" le plus souvent informels que les ARIST se sont progressivement constitués;
soumettre à l’entreprise la liste obtenue, lui fournir l’information complète sur les thèmes qu’elle repère - fût-ce en creux- comme interessants dans cette liste, la mettre en contact direct si besoin est avec les personnes-ressources correspondantes, et définir éventuellement le cahier des charges d’une nouvelle recherche.
Dans cette démarche itérative et quelque peu "tourbillonaire", l’intérêt et la curiosité s’éveillent et se cristallisent, conduisant le plus souvent à une convergence rapide des processus sur des "ouvertures" parfois d’autant plus fécondes qu’elles étaient au départ inattendues.
Le coût de ce type de prestation est certes élevé; il est d’ailleurs largement pris en charge, au moins au départ, par des subventions publiques. Mais plus l’intérêt est éveillé par la fécondité même du dialogue avec le médiateur (il y a véritablement co-naissance)plus l’entreprise accepte d’en prendre en charge le coût.
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, France
La pertinence des ARIST me semble avoir pu être d’autant plus grande:
qu’elles n’étaient pas elles-mêmes - ou fort peu- détentrices d’information et qu’elles n’avaient donc pas la tentation d’enfermer les besoins de leurs clients dans le langage et la structure préétablis d’une offre particulière
qu’elles étaient ouvertes à un plus grand nombre de sources d’information (grâce notamment à la maîtrise très professionnelle qu’avaient leurs documentalistes de la consultation - plusieurs heures par semaine- des meilleures bases de données mondiales
qu’elles avaient à leur tête un ingénieur ayant lui-même une forte expérience des problèmes d’entreprise, et tout entier tendu vers le repérage, de visu et par le dialogue, des problèmes techniques de son client, ces problèmes fussent-ils enkystés dans d’autres, d’une autre nature (sociale, financière, commerciale...)
Il y a bien "chaîne de médiations" dans lesquelles se trouvent plus ou moins impliqués tel ouvrier ou chef d’atelier, tel ingénieur ou son patron, l’ingénieur ARIST, ses documentalistes, telle ou telle base de données, université ou école d’ingénieurs, expert ou fabricant. le souci central n’est pas d’offrir une information mais d’ouvrir l’interlocuteur aux savoirs du monde dans une démarche "tourbillonante" où peu à peu se révèle et se dynamise une démarche innovatrice de l’entreprise.
A partir d’un besoin confus, elle se remet en route, sur une ou des voies qu’elle s’est révélé à elle-même face à la mobilisation de réseaux dont l’ARIST n’a été que la porte d’entrée.
J.POULET MATHIS a été responsable du réseau français des 22 agences régionales d’nformation scientifique et technique (ARIST)de 1983 à 1988.
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