05 / 1994
La guerre se traduit par un phénomène de destruction massive et conduit au plan humain à la déstructuration partielle ou totale des individus. La perte de ses proches, de son lieu de vie, de ses habitudes, de ses certitudes, d’une certaine autonomie de son emploi (on reconnaît aujourd’hui que les licenciements ethniques ont été très nombreux en Serbie et en Croatie)sont à l’origine de troubles psychologiques graves.
On compte actuellement 4,5 millions de personnes déplacées ou réfugiées. Pour cette population regroupée le plus souvent dans des camps, l’inactivité est totale. L’aide alimentaire arrive par conditionnement individuel ("kit")ce qui ne fait que renforcer le sentiment d’assistance - et d’impuissance- des populations. Petit à petit, il n’y a plus d’espoir, non seulement à cause de la guerre elle même, mais aussi parce que les gens ont l’impression de ne plus servir à rien puisqu’ils n’ont plus aucune activité ni lien social.
Le cas du camp de Resnik près de Split constitue un exemple symptomatique : c’est un ancien centre de vacances composé d’environ 200 petits bungalows individuels qui comprennent chacun un petit jardin. Peu sont cultivés, ce qui prouve bien que les gens ont perdu le sens et le goût de l’initiative.
Pour le CCFD, la question est de savoir comment soutenir, dans ce contexte, des projets qui favorisent la remise en activité et soient vecteurs de structuration sociale. Car si l’on veut construire la paix, y compris pendant la guerre, il faut la construire avec des hommes et des femmes " debout ". Pour cela, il faut dès maintenant chercher à guérir les traumatismes et permettre aux gens de retrouver les conditions d’une certaine autonomie.
Cette question a été étudiée par des psychiatres (français et yougoslaves)qui mettent en oeuvre des thérapies par rapport aux traumatismes de guerre. Nous pourrions accompagnerces thérapies par des petits projets à caractère économique (notamment). Il s’agirait d’une inter-activité, la thérapie alimentant l’envie de " faire quelque chose " et le fait de donner des perspectives accélérant la thérapie.
A partir du moment où l’on aide les gens à reprendre confiance en eux, où on les remet en situation dynamique, que ce soit au plan économique, social ou psychologique, on contribue à la construction de la paix.
Le travail est un facteur d’intégration, la meilleure façon de favoriser la cohabitation ethnique étant de rassembler les gens autour de pôles d’activité. A travers les petits projets actuellement financés en ex-Yougoslavie (élevage de poules pondeuses dans des camps de réfugiés, plantation d’oliviers, fabrication de poteries, couture...), le CCFD essaie d’aller dans ce sens.
De même, durant l’hiver, dans un camp proche de Zagreb, une autre association a permis d’organiser des équipes d’hommes pour couper du bois. Il a fallu plus de 15 jours pour que les hommes se décident. Mais une fois qu’ils ont commencé à travailler ensemble, ils ont considéré cette période comme très positive, car elle leur permettait de s’échapper du quotidien et d’évacuer quelque peu les images de violence et de haine qui lui sont lié. De la même façon, l’organisation d’ateliers de peinture et de jeux a eu un effet positif non seulement sur les enfants mais aussi sur la cellule familiale, les parents ayant été amenés à participer et à échanger au cours de ces activités.
C’est en aidant à la fois matériellement et psychologiquement des gens à se remettre debout, c’est en leur donnant les moyens d’organiser des activités dans lesquelles ils soient acteurs et non simples bénéficiaires que dans - et malgré- la guerre, nous leur donnons les moyens de construire la paix.
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, Yugoslavia
Interview
Entretien avec PINGLIN Philippe - Chargé de mission pour l’Europe centrale et orientale au CCFD.
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