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dialogues, proposals, stories for global citizenship

L’Assemblée européenne des citoyens

Lutter contre le chauvinisme et le racisme

Claire MOUCHARAFIEH

03 / 1994

Le réseau de l’Assemblée européenne des Citoyens ("Helsinki Citizens Assembly) s’est constitué au cours des années 80 à partir du dialogue entre les mouvements civiques d’Europe de l’Est et les mouvements pour le désarmement en l’EUROPE OCCIDENTALE.

1. Construire la détente par le bas

Le premier appel de Prague, un texte commun à toute l’Europe, aboutit à une expérience de laboratoire impliquant quelque 400 personnes d’une quinzaine de pays de l’Est et de l’Ouest, élaborant ensemble une espèce de cahier de doléances des sociétés civiles intitulé " Donner vie aux Accords d’Helsinki ", déposé officiellement sur le bureau de la conférence de la CSCE de 1986 à Vienne par des citoyens russes, américains et suédois notamment. En Juin 1988, à Prague, les Tchèques proposent de créer une structure permanente de dialogue et d’en tenir la première assemblée à l’automne 1990 à Prague. L’impulsion initiale est venue de l’"appel Russell" d’avril 1980, qui entendait construire la détente par le bas, agir comme si l’Europe n’était plus divisée, négliger les interdits des Etats, tisser des loyautés de citoyen à citoyen autour d’un programme d’action. Il faudra 5 ans pour que cette impulsion trouve un répondant à l’Est. Quand l’Assemblée des Citoyens arrive à maturité, la situation a changé mais le mouvement est vite opérationnel car cela fait 10 ans qu’il s’y prépare. On y retrouve tous les acteurs de la révolution de velours, de la chute du mur de Berlin, du mouvement démocratique en Pologne etc...

Ainsi l’AEC est-elle l’héritière d’une longue pratique de dialogue entre des gens qui partagent les mêmes valeurs dans des situations politiques très différentes. Nous concevons la démocratie comme le système qui assure à la fois les droits de l’individu et ceux des collectivités, avec la citoyenneté comme axe. Nous voulons situer l’action hors de la sphère des Etats et nous partageons une conception ouverte de l’Europe: il n’y a pas que des Européens dans le réseau, et les questions traitées ne sont pas exclusivement européennes. Il y a aussi un anti-racisme commun: ce n’est pas un hasard si les réseaux de l’AEC sont à l’origine du mouvement anti-raciste hongrois qui porte le nom de Luther King, ou s’il s’est constitué en Europe de l’Est un comité tsigane de l’AEC.

2. Le droit du sol

La majorité du réseau se réclame d’une conception de la citoyenneté fondée sur le droit du sol, et y voit la seule solution aux problèmes des minorités, même si certains insistent sur la nécessité absolue de défendre les cultures et les identités menacées, et le droit à l’autodétermination. Une minorité doit-elle, pour exister, faire sécession et constituer un Etat ? Il faut accepter de travailler avec "ceux d’en face", la valeur absolue étant pour nous le dialogue. Le problème de la défense des droits des minorités se repose constamment : faut-il, par exemple, constituer un comité abkhaze ? Si l’on part du droit du sol, pas d’indépendance pour le Haut Karabakh, et ainsi de suite pour toutes les zones de conflits - en Irlande, pour les Kurdes, et même en France. Pourquoi a t-on fait un comité corse? Parce qu’il n’y a pas que des questions de minorités nationales, mais aussi des questions d’identités collectives.

La solidarité avec les forces anti-chauvines

En pratique depuis 1991, tout le réseau est emporté par la crise yougoslave, car il y comprend des Yougoslaves de toutes les Républiques et il est implanté dans tous les pays voisins. On se retrouve devant un cas de figure que l’on n’avait pas prévu: nous ne sommes plus un carrefour où s’expérimentent des actions civiques communes, mais un mouvement de solidarité avec les forces anti-chauvines dans une guerre dominée par le chauvinisme. Nous avons commencé par des actes symboliques. Deux jours après le déclenchement des combats en Slovénie, l’AEC tient une conférence à Belgrade avec des gens de toutes les Républiques et des personnalités extérieures.

On crée l’Assemblée des citoyens de toutes les républiques yougoslaves à Sarajevo en Mai 1991, matérialisant un point de vue international sur la question, des réseaux de citoyens, et on soutient les forces sur place sans forcément chercher à les mettre toutes d’accord.

Nous avons créé une "caravane de la paix" en septembre 1991, qui circule dans toute l’ex-Yougoslavie avec 400 personnes d’une dizaine de nationalités, va de Trieste à Sarajevo via les capitales de toutes les républiques, discutant sur place avec les forces anti-guerre et demandant à être reçue par les autorités. Cela s’est terminé par une manifestation de 4000 personnes à Sarajevo. Il y aura d’autres caravanes dans la foulée, avec pour fonction de construire des rapports avec, notamment, les premiers comités anti-guerre, les mouvements de femmes et les mouvements soutenus par des médias indépendants. La présence de tiers internationaux permet de maintenir un "dialogue" où les parties s’adressent aussi aux tiers. C’est la médiation civique, que certains participants du réseau avaient apprise entre Palestiniens et Israéliens.

Nous avons développé des actions concrètes d’aide à la population, ciblées sur des acteurs (soutien aux médias indépendants en leur apportant du papier et des émetteurs), sur des lieux ou des individus (soutien aux avocats dans leur combat juridique contre la purification ethnique). Ces actions ne sont à proprement parler ni humanitaires, ni politiques. Elles s’appuient sur une réalité concrète. Mais dans les zones de guerre, on s’aperçoit assez vite qu’on ne peut rien faire, que les initiatives civiques et les débats politiques disparaissent au profit des opérations de survie, et la question est alors de savoir si l’aide alimentaire sera ou non surdéterminée par des considérations ethniques, militaires et claniques.

En France le réseau AEC informe par le biais des associations du collectif "Agir ensemble pour la paix en ex-Yougoslavie". Nous allons essayer de renforcer l’action scolaire dans les camps de réfugiés, de façon à promouvoir nos idées dans ce type de conditions.

En dehors des zones de combats, nos actions s’inscrivent dans le projet "Paix et Coopération dans les Balkans" : une réunion sur les minorités nationales en 1992, une conférence de fonctionnaires municipaux, une conférence des mouvements civiques en Macédoine sur les formes de coopération anti-chauvine hors des zones de combat, et la consolidation du soutien aux médias indépendants. Nous avons également contribué au dialogue entre intellectuels du Kosovo et Serbes soutenu par le Conseil de l’Europe et la mairie de Budapest, en Macédoine, en Hongrie et à Genève.

Key words

war, non governmental mediation, citizens network, racism, rights of minorities, citizenship, solidarity, system of values, peace and democracy, soil right


, Yugoslavia, Europe, Eastern Europe

file

Construire la paix : éléments de réflexion à partir des pratiques des organisations non gouvernementales et de quelques instances nationales et internationales

Source

Interview

Fiche rédigée à partir d’un entretien avec Bernard DREANO, président de la section française de l’AEC(Assemblée européenne des Citoyens). En dehors de quelques remaniements formels, la fiche reproduit les propos de l’auteur interviewé. Pour plus d’informations sur l’AEC, se reporter à la fiche intitulée "De la notion d’intervention civile".

AEC (Assemblée Européenne des Citoyens) - 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris, FRANCE - France - www.reseau-ipam.org/rubrique.php3?id_rubrique=10 - aec (@) reseau-ipam.org

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