Entretien avec un ancien membre du Comité exécutif international d’Amnesty International
03 / 1994
A sa manière et avec ses méthodes, Amnesty International contribue à construire la paix, en agissant pour la protection des droits humains, ainsi que la prévention contre leurs violations, que ce soient par les gouvernements ou par des groupes d’opposition armés. Si son travail de protection se limite aux droits civils et politiques, son action de promotion englobe tous les droits, y compris, sociaux, économiques et culturels, inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Promotion de tous les droits humains
Ce travail de promotion du droit, mené plus particulièrement depuis le début des années 80, à travers des programmes d’éducation, est pris en charge par les différentes sections d’Amnesty International, mais s’accomplit aussi en collaboration avec d’autres ONG.
Un travail spécifique est fait en direction des Etats pour qu’ils introduisent l’enseignement des droits humains dans les programmes d’Education nationale de la maternelle jusqu’aux universités. La sensibilisation générale, la production d’outils pédagogiques de support aux enseignants et la formation de formateurs en matière de droits humains, sont les trois volets de notre travail de promotion.. Dans ce cadre éducatif, nous n’opérons aucune distinction entre les divers droits de l’homme. Tout ceci contribue à faire avancer l’idée des droits humains, et de la responsabilité individuelle, collective et des Etats pour que ces droits soient respectés. Amnesty International intervient également à l’échelle des organismes internationaux et inter-gouvernementaux, en participant aux réunions annuelles à Genève de la commission et sous commission des droits de l’homme del’ONU, par une action continue auprès de la CEE, de l’OUA, de l’OEA, où Amnesty International a le statut d’observateur.
Des avancées, mais aussi des reculs
Par sa présence constante dans toutes ces instances et par ses témoignages, Amnesty fait progresser l’idée que les Etats ont des comptes à rendre. Cette idée de responsabilité internationale et universelle avance, malgré les résistances ou les poches de résistance, comme la Chine et l’Indonésie, qui font valoir leur souveraineté nationale pour refuser toute « ingérence ». Du fait des conventions et des protocoles, les Etats sont aujourd’hui contraints de rendre compte de leurs actes dans les diverses commissions internationales et inter-régionales.
Il est difficile de dire si globalement la culture des droits de l’homme a avancé. Au niveau des Etats, la réponse est ambiguë. Un Etat peut accepter à un moment donné de rendre des comptes, puis reculer. Le pouvoir peut changer de main et les successeurs peuvent se désengager… On se retrouve de plus en plus dans des situations où l’Etat lui même est tellement faible, qu’il n’a plus le contrôle de la situation. Mais les gouvernements refusent moins de recevoir des missions d’observation, ou d’enquête. Un nombre croissant de gouvernements essayent d’utiliser le discours des droits de l’homme, même si c’est pour le dénaturer. Les partis politiques eux mêmes introduisent de plus en plus la notion de respect des droits humains dans leurs plate-formes, et mêmes les gouvernements d’Etats du tiers-monde où les violations des droits de l’homme sont courantes, constituent des commissions nationales, des observatoires, des conseillers à la présidence, des groupes dans différents ministères sur les droits de l’homme. Ce sont là les contradictions et les limites de ces avancées. Mais malgré l’ambiguïté, il y a bien un mouvement général de progrès.
Au niveau des opinions, et des sociétés civiles, l’avancée est plus difficile à mesurer. Parmi les indicateurs possibles, on peut citer la multiplication d’associations, de groupes et d’institutions qui agissent pour la protection des droits humains. Dans les années 70, ce type d’ONG se comptait sur le bout des doigts, aujourd’hui, il y a prolifération de réseaux, y compris interrégionaux. Ce phénomène est remarquable en Afrique. A l’OUA, les ONG africaines restent encore en marge mais avancent vers le statut d’observateurs auprès de la Commission Africaine des droits de l’homme. Il est intéressant de constater qu’à chaque réunion de cette Commission de l’OUA, ces ONG sont là, tiennent leurs propres travaux, et exercent par leur présence des pressions de plus en plus manifestes. On a vu les limites de la Conférence internationale des droits de l’homme à Vienne, mais on a aussi vu, en parallèle, l’effervescencedes mouvements pour les droits de l’homme. Il y avait plus de 1000 ONG qui ont fait une contre-conférence. Exclues du comité de rédaction des résolutions, elles ont cependant constitué un moyen de pression important.
L’extension de notre réseau dans des régions où des sections d’Amnesty International étaient impensables il y a vingt ans est aussi un indicateur de ce progrès. En Afrique, en particulier. Dans les années 60, nous n’avions qu’une section israélienne au Proche-Orient et en Afrique du Nord.Il a fallu attendre 1981, pour voir le premier groupe se créer en Tunisie, suivie par l’Algérie, l’Egypte, la Jordanie, les territoires palestiniens occupés, le Yémen et le Koweit. Mais en Irak, en Syrie, en Libye, en Arabie Saoudite, Amnesty International n’est toujours pas présente.
human rights, peace education, pedagogy, State and civil society, international interference, citizen responsibility, AUO
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Interview
Première partie d’un entretien avec Ahmed OTHMANI, ancien membre du Comité exécutif international d’Amnesty International. On trouvera la deuxième partie sous le titre : « Les nouveaux types de conflits amènent Amnesty International à réadapter ses outils » (fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-1544.html)
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