L’Assemblée Européenne des Citoyens d’Helsinki, ("Helsinki Citizens Assembly")s’est constituée au cours des années 80 à partir du dialogue entre les mouvements civiques d’Europe de l’Est et les mouvements pour le désarmement de l’EUROPE OCCIDENTALE et d’un travail commun autour des accords d’Helsinki. L’idée d"’institutionnaliser" ce réseau est née en 1988 et "l’Assemblée européenne des citoyens" (AEC)a tenu sa première assemblée générale en automne 90 à Prague.
Le gros des actions de l’AEC se passe hors des zones de combats, notamment autour d’un projet global ("la paix et la coopération dans les Balkans"), qui a pris des formes diverses au fur et à mesure que la crise s’est développée : réunions de municipalités, conférences, création de comités anti- guerre et de réseaux... L’AEC tente ainsi de créér des conditions de dialogue.
L’expérience acquise, prolongée par l’organisation du dialogue des citoyens dans l’ex-Yougoslavie, de 1990 à 1994, lui a conféré une certaine expertise, et le réseau de l’AEC a été sollicité pour réitérer l’expérience dans d’autres zones de conflits.
C’est ainsi que l’AEC a effectué des actions symboliques en Transcaucasie : voyage en autocar entre Bakou et Erevan l’année dernière avec une équipe composée de Turcs, de Suédois, d’Anglais, de Tchèques, de Hollandais, d’Ukrainiens et d’Azéris; passage à la télévision à Erevan et retour avec la présence symbolique d’une arménienne dans l’autocar qui reconduit l’équipe à Bakou. L’AEC a été saisie d’une demande concrète de favoriser les échanges d’otages. Les comités arméniens (la Ligue des droits de l’homme)et Azéris (les sociaux-démocrates)de AEC se sont retrouvés légitimés, y compris par les autorités, pour être un lieu d’échange des otages. L’AEC a proposé de démilitariser un poste frontière avec l’accord de la population, puis la situation militaire s’est dégradée et cette tentative de médiation civique n’a pu se faire. A l’heure actuelle, les Azéris et les Arméniens réclament la création d’un lieu de contacts permanents en terrain neutre. L’idée est encore embryonnaire, mais l’existence des réseaux ouvre la voie à certaines concessions. Ainsi, les Azéris pourraient demander que l’AEC soutienne leur campagne pour le retour des 400.000 réfugiés. Le comité AEC d’Arménie s’est prononcé pour le retour des réfugiés, mais il est clair que pour le moment une telle campagne n’aurait guère d’effet. L’important est de garder le contact et de préserver le réseau. On voit ici l’avantage de la flexibilité. Chacune des parties maintient les canaux du dialogue ouverts pour des raisons stratégiques. Ils protestent, font pression sur le réseau, mais ne vont pas jusqu’à la rupture.
Prenons un autre cas, moins tragique: le conflit gréco-macédonien. Les Macédoniens demandent au réseau de condamner le blocus grec et ils ont raison. Le réseau est souple mais la souplesse n’est pas une fin en soi et ne doit pas déboucher sur la liquidation des principes. On ne peut pas unifier une organisation internationale sur des mots d’ordre, avant de l’unifier par des pratiques. Car il y a d’un côté les partisans des missiles, et de l’autre ceux qui s’opposent à la force. Il faut donc poser la question autrement: sur quoi sommes-nous d’accord? Nous sommes d’accord sur ce que nous faisons. Du coup, la question de savoir si on est pour ou contre les missiles est relativisée, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas posée. Le vrai problème, c’est l’efficacité concrète, qu’il n’est pas question de sacrifier. Ainsi les Macédoniens poussent au maximum pour faire condamner les Grecs par le comité grec, mais pas au point de casser le réseau.
L’AEC réfléchit aussi beaucoup sur le concept et les modalités de l’ingérence. Dans certains conflits, l’ingérence prend la forme d’une tutelle. Le Cambodge a été à cet égard un modèle : il y a eu une autorité internationale et non une tutelle de type Société des Nations. L’APRONUC est une administration transitoire de l’ONU pour le Cambodge qui reprend à son compte certaines des prérogatives de l’Etat, en l’occurrence l’organisation des élections. C’est possible puisqu’il y a accord des parties. Bien sûr, le cas cambodgien n’est pas transposable, mais une autorité internationale neutre, en accord avec les parties, peut exercer une partie de la souveraineté. Pour que cela fonctionne, il faut un certain degré d’accord des parties et un certain degré d’imposition de l’extérieur. Dans le cas de la Bosnie, l’erreur de départ de la communauté européenne est d’avoir décidé que seule la négociation entre belligérants pouvait aboutir à la paix. Par définition, ce choix ouvre la voie à une guerre sans fin car la négociation se fait avec des protagonistes qui n’ont pas encore atteint leurs buts de guerre, et qui vont essayer de garantir sur le tapis vert ce qu’ils n’ont pas encore obtenu militairement. Il fallait dire : il y a une négociation avec toutes les parties prenantes en conflit, y compris les oppositions. Lorsque d’un côté, on considère certains des négociateurs comme des criminels de guerre et que de l’autre côté on ne négocie qu’avec eux, dans un contexte complètement éclaté où il n’existe aucun forum, aucun lieu, aucune instance visible où apparaissent toutes les parties, la contradiction mène droit à l’impasse.
Pour ne parler que de juridiction, il suffisait d’appliquer les Accords d’Helsinki et la Charte de Paris qui sont censés gérer les conflits en Europe. La CSCE n’a pas été utilisée alors qu’elle avait été conçue à cet effet, et qu’elle était faite pour ce type de conflit. Mais cette instance est morte, après n’avoir servi qu’une fois pour l’Arménie.
L’AEC fait l’hypothèse que dans des conflits de ce type, les Etats n’ont aucune légitimité a priori. Nous savons aussi les limites du juridisme. "C’est là qu’intervient la catastrophe humanitaire. Faire de l’humanitaire pour de l’humanitaire aboutit à une impasse. En revanche, si l’action civique est partie prenante dans la résolution du conflit, cela se traduit par des actions concrètes sur le terrain, soutenues par des Etats qui se réclament des mêmes valeurs. Les autorités de transition n’ont de sens que si elles permettent le développement de protectorats civiques, c’est-à-dire le soutien par les sociétés mobilisées aux actions démocratiques sur place".
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, Macedonia, Central Asia
Deuxième partie d’un entretien avec Bernard DREANO, membre du praesidium de l’Assemblée européenne des Citoyens, et président de la section française de l’AEC, 31 rue de Reuilly, 75011 Paris. FRANCE. Tel 43 79 09 23. On trouvera la première partie de l’entretien sous le titre : "Lutter contre le chauvinisme et le racisme".
Entretien avec DREANO, Bernard
Interview
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