05 / 1994
Les Nations Unies, longtemps reléguées au second plan, se retrouvent en première ligne depuis la fin de la guerre froide. Leur retour sur la scène internationale les amènent à jouer un rôle central dans la gestion des conflits. Jamais la communauté internationale n’a été autant sollicitée pour intervenir sur les principaux terrains de crise. 75000 Casques Bleus sont aujourd’hui engagés dans des opérations de maintien de la paix. En même temps, dans un monde en pleine transformation, jamais le rôle de l’ONU n’a soulevé autant de questions.
Conformément à sa vocation, Amnesty International s’est intéressé à l’évolution des mesures de protection et promotion des droits de l’homme dans le nouveau contexte des opérations de maintien de la paix (Peace-Keeping Operations). Un rapport très détaillé, publié début 1994, examine les situations dans lesquelles les forces de l’ONU sont devenues la cible directe des belligérants, puis celles où les Casques bleus se rendent eux-mêmes coupables de violations des droits de la population "protégée". Dans la plupart des cas, que ce soit au Rwanda (UNAMIR)en Angola (UNAVEM)au Mozambique (ONUMOZ), au Sahara occidental (MINURSO), en Somalie (UNOSOM), au Libéria, ou en Haiti (MICIVIH), l’échec est patent. A l’exception du Salvador (ONUSAL)et du Cambodge (UNTAC)où le mandat des "forces de paix" comprenait une mission spécifique de vérification et de protection des droits de l’homme, menée relativement à bien, l’ONU " n’est pas parvenue à intégrer dans ses activités de maintien de la paix des mesures essentielles pour la défense des droits de l’homme". Les nouvelles prétentions de l’ONU (intervenir dans la résolution des conflits et accompagner les processus de paix)imposent une approche plus globale et plus cohérente. Dans cette optique, Amnesty International propose un programme en quinze points à intégrer à la définition même du mandat des "forces de paix".
1)le rôle politique de la communauté internationale : c’est à l’ONU de veiller à ce que le paramètre des droits de l’homme soit systématiquement intégré aux accords de paix et de se donner les moyens du contrôle de l’application de ces clauses et de leur suivi une fois l’opération de maintien de la paix terminée. Une évaluation des mesures de protection de la population doit être faite à l’issue de chaque mission internationale.
2)Les forces de maintien de la paix doivent rendre compte publiquement des situations qu’elles constatent et des obstacles qu’elles rencontrent; cette information doit circuler.
3)Introduire des clauses concernant les droits de l’homme dans les accords de paix et veiller à la conformité des législations nationales avec les normes internationalement reconnues en matière de droits de l’homme.
4)Toutes les opérations de maintien de la paix doivent comprendre une instance spécialisée chargée de surveiller les violations des droits de l’homme. Son mandat doit inclure des tâches de vérification, d’aide à la construction des institutions et à la mise en place d’une réforme législative, d’éducation et de formation. Les compétences de l’ONU et les limites imposées aux parties doivent être précisées.
5)Assurer la paix et la justice : même si on ne saurait exclure des mesures de grâce destinées à favoriser la réconciliation nationale, les criminels de guerre doivent être poursuivis et jugés.
6)Contrôle et suivi sur le terrain: les organisations internationales des droits de l’homme doivent avoir accès aux institutions publiques, aux lieux de détention, et doivent pouvoir enquêter librement.
7)Compte-rendus publics fréquents: ces rapports doivent également être diffusés parmi les populations directement concernées
8)Une police d’observateurs civils internationaux: il faut non seulement vérifier, mais aussi parfois suppléer à l’activité des forces de maintien de l’ordre, par la formation et l’assistance.
9)Mesures à long terme: l’ONU doit présider à la constitution d’instances indépendantes de recours pour les citoyens, encourager l’activité des organismes locaux de défense des droits de l’homme, et assurer une liaison au moins provisoire avec les instances judiciaires internationales
10)Education aux droits de l’homme et programmes d’assistance: le renforcement des organismes nationaux de défense des droits de l’homme, y compris l’adoption de législations adéquates, ne devraient cependant pas servir à dé-responsabiliser les instances internationales concernées.
11)Protection des réfugiés, des personnes déplacées à l’intérieur du territoire et des rapatriés: assurer le retour des réfugiés qui le veulent et s’assurer que ceux qui sont en danger n’y seront pas contraints
12)Il faut intégrer les problèmes spécifiques des femmes et des adolescentes dans des situations de conflit (prisonnières, victimes de viols et d’autres forme de violence...)et donner aux forces de l’ONU une formation particulière à cet égard, y compris l’étude de schémas culturels régissant les rapports entre les sexes dans les sociétés concernées.
13)Adhésion des forces internationales de maintien de la paix aux normes des droits de l’homme et aux principes du droit humanitaire: l’ONU doit établir catégoriquement et sans ambiguïté l’obligation pour ses forces de se conformer scrupuleusement aux normes internationales en matière de protection des droits de l’homme, y compris les Conventions de Genève
14)Il faut poursuivre les auteurs d’agressions contre les forces de l’ONU, soit devant des tribunaux du pays hôte, soit devant des instances internationales
15)Le rôle de l’ONU ne doit pas s’arrêter avec les élections ou la signature d’accords de paix, mais se poursuivre jusqu’à ce qu’il soit clair que les solutions arrêtées sont effectivement mises en oeuvre.
UN, war, respect of human rights, humanitarian rights, international law, international interference, international rules and regulations, legal action, refugee
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La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les nouveaux défis du XXIe siècle
Report
AMNESTY INTERNATIONAL, 1994/01
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