04 / 1993
En 1989, le marché libre du logement ne pouvait répondre aux besoins des Uruguayens à bas revenus. Le système imposé par le régime dictatorial dans le cadre de la loi Soneira et adopté par l’administration du président Sanguinetti n’apportait pas de solution au grave problème vécu quotidiennement par les habitants.
Les expulsions et les menaces d’expulsions dans la "Vieille Ville", au centre de Montevideo, ont aggravé la situation. D’anciens hôtels inoccupés appartenant au patrimoine historique avaient été occupés illégalement par des familles qui ne pouvaient pas payer les loyers du marché libre. Entre février et juillet 1989, 236 familles ont été expulsées de ces anciens hôtels (22 de l’hôtel Juncal, 49 du Colón, 126 de l’Alhambra, 12 du Maciel, 16 du Guaraní et 11 du Normandie). Depuis 1987, 1 000 expulsions en moyenne par mois ont été exécutées, soit près de 60 000 familles (ou 200 000 personnes)en cinq ans.
Ces expulsions font partie des politiques de réhabilitation du centre historique de Montevideo et autres quartiers ; officiellement, elles ont été justifiées par la préservation d’édifices destinés à d’autres usages, ces bâtiments risquant de se détériorer s’ils étaient occupés par des gens sans ressources. Une fois inoccupés, les bâtiments vides ont été fermés et, jusqu’en 1992, rien d’autre n’a été fait, même s’il s’agissait de propriétés de grande valeur.
Les acteurs concernés par le processus et leurs rôles.
Les bâtiments où les expulsions ont été réalisées appartenaient à des propriétaires privés qui ont eu recours à la loi, les occupants illégaux ne payant pas de loyer et ne possédant pas de contrat de location. Les autorités ont tenté de forcer les gens à partir en usant de la violence policière et judiciaire. Après les premières expulsions, les personnes ainsi chassées se sont organisées en une coordination qui bénéficiait des conseils techniques d’une société privée et de l’Université. Les résultats ont été relativement favorables et, finalement, quelques familles ont été relogées.
Le droit au logement, qui figure dans l’article 45 de la Constitution uruguayenne, a été mis en avant, mais pas la résolution de mars 1991 de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies qui condamne les expulsions forcées comme des violations des droits de l’homme. Il faut pourtant noter que cette résolution a été ratifiée par les représentants de 53 gouvernements.
Deux avocats de l’équipe multidisciplinaire du bureau de conseil technique avaient offert leur soutien à la coordination. Les personnes touchées demandaient un terrain et un toit pour vivre et une solution temporaire pour pouvoir construire un logement par aide mutuelle ou en auto-construction, en payant ce logement au gouvernement.
Réactions et attitudes des différents secteurs.
La presse, la radio et la télévision ont couvert les événements relatifs à ces expulsions. La Commission spéciale sur la location urbaine du Parlement s’est maintenue en session permanente. En juin 1989, la Commission a rencontré le ministère de l’Economie et des Finances ainsi que le bureau du Plan pour attirer l’attention du pouvoir exécutif sur les personnes touchées par les expulsions. Les déclarations de ces autorités ont clairement montré que le gouvernement ne pouvait pas offrir de solution. Les expulsés ont reçu le soutien des partis de gauche réunis dans le Frente Amplio et représentés tant à la Chambre législative nationale que dans les départements.
Propositions alternatives.
Un parlementaire de gauche a proposé l’utilisation provisoire d’une grande maison inoccupée de l’Instituto nacional del menor, dans la Vieille Ville, afin d’accueillir temporairement les personnes expulsées de l’un des hôtels. Ceci aurait permis de ne pas déraciner celles d’entre elles qui travaillaient dans la zone en les déplaçant ailleurs -déplacement que réclamait un représentant de l’Exécutif et qui, non seulement aurait maintenu ces gens dans une situation de précarité absolue, mais encore les auraient éloignées de leurs lieux de travail.
La proposition du gouvernement a été de déplacer les expulsés dans des lieux lointains, en banlieue. Dans ce cas, il n’y avait pas d’indemnité, seulement de nouveaux logements subventionnés appelés "nucleos basicos" ("noyaux de base"). Aujourd’hui, la majorité des personnes expulsés vivent dans ce type de logements, car, faute d’alternative, elles ont été obligées d’accepter cette solution. Quelques familles ont abandonné les "nucleos basicos" et sont retournées au centre ville. Par contre, même si l’éloignement du centre, où beaucoup travaillent, les préoccupe, d’autres familles ont préféré rester, ces logements étant plus stables et meilleur marché.
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, Uruguay, Montevideo
La première expulsion de la Vieille Ville de Montevideo a engendré une véritable dynamique qui se poursuit jusqu’à présent. La coordination des expulsés a été la première à obtenir le relogement de familles dans des maisons du type "noyaux de base". L’expulsion massive des anciens hôtels de la Vieille Ville a été l’étape la plus significative d’un processus d’expulsion générale des pauvres vers la périphérie de la ville. A cause de leur ampleur, ces expulsions ont perturbé le pays et provoqué une importante demande de logements de la part des familles concernées. C’est pour y répondre que le gouvernement a initié sa politique : déplacer ces secteurs sociaux vers les quartiers périphériques en établissant le système des "noyaux de base".
Source : journal local "La Hora" des 27/05/89, 01/06/89, 11/06/89, 02/07/89. Fiche 2816 traduite de l’espagnol par Sally Rousset (RITIMO-IRFED).
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