Au niveau macro-économique, le secteur de la pêche artisanale en Afrique francophone et lusophone ne souffre pas d’une pénurie de main d’oeuvre, bien que certains employeurs éprouvent parfois des difficultés à trouver un équipage.
Dans les pays où la pêche artisanale est un secteur arriéré économiquement et technologiquement, les tentations qui pourraient amener le pêcheur artisanal à quitter son secteur d’activité ne sont pas suffisantes. En effet, l’agriculture procure des revenus insuffisants et aléatoires. Si la pêche industrielle permet d’espérer des revenus plus élevés, il y règne une insécurité de l’emploi. Enfin, l’exode vers la ville, qui pourrait aussi constituer une tentation pour les pêcheurs artisanaux, représente actuellement, en période de crise, un risque trop important.
C’est pourquoi, ce secteur ne connaît pas de difficulté pour trouver une main-d’oeuvre disponible. Il peut même devenir un secteur attractif pour une population touchée par le chômage qui sévit dans les villes africaines. On assiste ainsi à des retours de migrations.
Dans les pays ou les régions où le secteur de la pêche artisanale connaît des dysfonctionnements tels qu’une difficulté dans l’approvisionnement en matériel de pêche, la contraction de l’activité éloigne le problème de la pénurie de main-d’oeuvre et entraîne par contre la nécessité d’une reconversion des pêcheurs excédentaires.
Dans les pays on régions où la pêche artisanale s’est développée pour devenir progressivement un pôle de développement, ce secteur conserve sa main-d’oeuvre et attire même des classes d’âge jeunes et relativement éduquées ; le métier retrouve son prestige social.
Cependant, l’émergence de nouvelles technologies a un coût social, elle entraîne des perturbations de la structure sociale.
En effet, malgré l’absence de pénurie de main-d’oeuvre, en considérant le secteur de la pêche dans son ensemble, certains employeurs souffrent toutefois de difficultés. Ce sont généralement ceux qui n’ont pas su ou pu se moderniser. Ils perdent ainsi leur attraction vis-à-vis des équipages qui préfèrent se tourner vers des unités plus performantes, susceptibles de leur procurer des revenus plus élevés.
Ces pêcheurs sont victimes de deux processus de marginalisation :
- une "éviction", "lorsque des strates données de la population se voient soudainement privées de l’accès à leur occupation traditionnelle du fait de l’introduction de techniques nouvelles (production, distribution..)"
- une "prolétarisation", "lorsque des groupes ou des individus voient leur position socio-économique se dégrader du fait de la perte de leurs moyens de production", lorsqu’ils passent par exemple du statut de chef d’exploitation à celui d’employé d’unités de pêche modernisées.
Enfin, la modernisation de la pêche artisanale modifie en profondeur les relations traditionnelles de travail entre employeurs et équipage. "De solidaires et stables, les relations tendent à devenir de plus en plus impersonnelles, irrégulières et imprévisibles".
La pêche artisanale a tendance à se professionnaliser, le travail journalier se développe, le changement d’emploi devient plus fréquent au gré des opportunités de revenus espérés, les relations deviennent plus contractuelles et moins affectives.
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, Sub-saharan africa
Ce texte est le résumé du chapitre consacré à l’accès au travail, dans l’article "Etat, marché et pêcheurs marins artisanaux en Afrique francophone et lusophone".
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PLATTEAU, Jean Philippe in. AFRIQUE CONTEMPORAINE, 1990, 154
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