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dialogues, proposals, stories for global citizenship

La lutte des noirs au Brésil

De la dénonciation à l’occupation de l’espace social

Cristiana TRAMONTE

03 / 1993

Les luttes pour la reconnaissance et pour la citoyenneté des noirs au Brésil ont commençé depuis que les Portugais "découvrirent" le pays en 1500 et instituèrent l’esclavage. A la fin du siècle dernier, l’esclavage fut aboli par les nobles sous la pression de conditions internationales qui rendaient le trafic des esclaves difficile et qui du même coup augmentaient le prix de la main d’oeuvre noire au Brésil. Parmi les luttes les plus importantes, on trouve les fameux "quilombos"(communités clandestines créées par les esclaves qui fuyaient les grandes propriétés terriennes).

De l’avis même du conseiller du Parti des Travailleurs de Florianopolis et militant du Centre d’Etudes Noires, Marcio de Souza, les écoles de samba sont devenues actuellement l’un des espaces privilégiés pour l’organisation de la race noire: "les écoles de samba représentent une organisation silencieuse de la population noire. La samba est le moteur de leur vie, les alliances se nouent à l’intérieur de ces écoles et c’est là que nous découvrons ce qui nous unit. Nous avons fait un film vidéo pendant le carnaval et à cette ocasion, nous avons pu constater la richesse des témoignages en termes de contenu, de représentation et de signification. Il existe bien sûr une exploitation économique de ces écoles. Cette année, l’Etat de Rio a ramassé plus d’argent pendant le carnaval que pendant tout le mois de janvier. Mais il existe également le carnaval de rue, en marge du carnaval officiel, qui ne doit pas être oublié. L’école de samba représente aussi un lieu d’expression de la culture populaire. Ce n’est pas pour rien que dans les années trente, le gouvernement Getulio Vargas, dictatorial et d’inspiration populiste, par le biais du Département de la Presse et de la Propagande, cherchait à contrôler les écoles de samba en leur imposant un thème. Après tout, cela faisait moins de cinquante ans que le décret de l’abolition de l’esclavage était passé, et c’était dans des situations comme celles-là - défilés d’écoles de samba par exemple - que le peuple noir pouvait s’organiser pour s’allier à l’état. Getulio Vargas décida alors de profiter de cet appui populaire et lors d’un défilé de l’école de samba "Mangueira", retransmis par la radio, il affirma son soutien aux alliés pendant la deuxième guerre mondiale. Le moment était venu pour lui de définir sa position face à Hitler."

Le coup d’état militaire de 1964 porta un coup sérieux à la société civile. En démentelant les organisations populaires et en mettant un terme à la miberté d’expression, les militaires réussirent à fermer les canaux de l’opinion publique.

La résurgence de la lutte des noirs pendant les années soixante-dix coïncide avec la période de lutte des peuples africains. Selon Marcio, le mouvement noir au Brésil a subi aussi l’influence des mouvements des noirs américains ("sound music" ainsi que "pop"). C’est par le biais de la culture que l’expression du peuple noir reprend un sens, notamment dans les états de Bahia, Rio de Janeiro et Sao Paulo.

A partir de 1978 se constitue le Mouvement Noir Unifié dont l’objectif est de lutter contre la discrimination raciale. Une autre étape décisive fut la résolution votée par le Conseil Episcopal Latino Américain (CELAM)* de créer la "Pastoral Negra" ainsi que le groupe "Union et Conscience Noire", à partir d’associations du Mouvement Noir Unifié et de groupes d’églises. En 1980, le groupe Antonietta de Barros, proche du Mouvement est créé dans l’état de Santa Catarina. Il organisera le 20 novembre de la même année la première manifestation publique de rue contre la discrimination raciale. Le groupe donna naissance également au "Nucleo de Estudos Negros" (Centre d’Etudes Noires), lieu de réflexion sur la politique sociale et dont l’objectif est de dépasser la simple dénonciation pour une participation active aux partis politiqueset aux débats sociaux, etc... "Rompre cette vision de ghetto, rechercher des alliances avec des hommes, des femmes, des travailleurs sans terre et sans domicile, cela a été un pas important pour notre mouvement. Actuellement, nous pensons qu’il est également fondamental de former des groupes au sein des syndicats et des partis qui réfléchissent sur la question raciale, comme la CUT (Centrale Unique des Travailleurs)par exemple. Nous avons d’ailleurs fait avec le Mouvement des Travailleurs sans Terre un relevé des terres reprises aux ex-esclaves. Ces jours-ci, les "intellectuels" du Mouvement redécouvrent le patrimoine culturel de la race noire et redéfinissent leur position; ils redécouvrent la samba, le carnaval, ils commencent à se rendre compte de la nécessité d’atteindre l’âme des gens", conlut Marcio.

*le CELAM s’est réuni à Puebla de Los Angeles au Mexique du 27 janvier au 13 février 1979. Lors de cette rencontre, les évêques latino-américains rédigèrent le document "Evangélisation de l’Amérique Latine: le Présent et l’Avenir". C’est à partir de cette rencontre que la ligne de travail de celle que l’on appelle l’"Eglise Progressiste" a changé de manière significative. L’un des signes les plus visibles fut "l’option pour les pauvres" (prise lors du Concile de Medellin à la fin des années 60)et le rôle joué par la base, prêtres et laïques, et même par une partie minime de la hiérarchie de l’Eglise Catholique brésilienne. Au sein de celle-ci, on compte des personnalités qui ont ouvert des brèches comme D. Helder Camara, D. Pedro Casaldaliga, D. Paulo Evaristo Arns, D. Mauro Morelli et les frères franciscains Clodovis et Leonardo Boff.

Informations recueillies lors de la Rencontre Bilatérale Colombie-Sud du Brésil où se réunirent des professionnels de la communication du CINEP, d’ENDA-AL (Colombie)et de DIALOGO du 8 au 15 mars 1993 à Florianopolis. Fut également discutée la situation des noirs et des indiens en Colombie, sur la côte pacifique.

Key words

popular culture, cultural change, cultural syncretism


, Brazil, Florianópolis, Santa Catarina

Comments

A l’intérieur de l’espace social et politique, la lutte des noirs brésiliens est d’une importance capitale, car elle contribue à l’élargissement de cet espace démocratique. De la simple dénonciation, la lutte passe à l’interférence dans les espaces publics de gestion et de décision. En outre, elle apporte sa contribution au processus d’affirmation de l’identité brésilienne, que ce soit au niveau éthique, culturel ou social. Le nombre de noirs au sein de la population brésilienne n’étant pas négligeable, cette ouverture des espaces ne peut que signifier la possibiloité de la diversité et le respect de la différence. On le remarque d’ailleurs dans tous les espaces et jusque dans les médias qui ne peuvent plus ignorer la présence décisive et marquante des noirs au Brésil et qui en emploient de plus en plus. Comme c’est le cas pour la lutte des femmes, l’émancipation des dénommées "minorités" (en vérité la majorité)est devenue une vérité incontestable.

Notes

Fiche originale en portugais, MFN 2441.

Source

Other

TRAMONTE, Cristiana, NUCLEO DE ESTUDOS NEGROS; DIALOGO-CULTURA E COMUNICACAO

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