Avant la réforme agraire le mode de faire-valoir des terres le plus courant sur la côte était le métayage. Les latifundia du sud employaient tout un peuple de journaliers qui attendaient chaque matin sur la place du village le bon vouloir du régisseur. En quelques années la réforme a répandu partout le faire-valoir direct en distribuant aux paysans sans terre les terrains confisqués aux grands propriétaires. Elle a également institué un cadre légal au métayage, qui visait à protéger les métayers contre les expulsions expéditives: il est devenu quasiment impossible de les chasser.
De ce fait les propriétaires fonciers craignent actuellement d’embaucher officiellement des métayers, et préfèrent donner le statut d’ouvrier agricole salarié au paysan qu’ils rémunèrent par une part de la récolte, ce qui définit pourtant un métayage. Ils sont ainsi assurés de conserver leurs terres, peuvent se débarrasser de ces métayers officieux une fois la récolte partagée, et motivent le travail plus sûrement qu’avec un salaire fixe. Les paysans qui se prêtent à ce détournement de la loi y trouvent avantage également: dans un contexte de main d’oeuvre agricole abondante, ils trouvent un emploi pendant toute une saison. Or la plupart d’entre eux viennent de zones aux conditions difficiles, et parfois pour eux le revenu dégagé pendant cette période est plus élevé que ce que rapportent leurs propres cultures dans leur région d’origine.
Vu le caractère illégal de ces pratiques il est difficile de connaître leur étendue. Ce métayage déguisé semble répandu sur l’ensemble de la plaine littorale, partout où existent des cultures sous abris (tomates, concombre)et des plantations d’agrumes. Comme par le passé, ce sont des citadins qui possèdent les terres, qui d’ailleurs se concentrent dans la périphérie des villes côtières: Lattaquié, Banias, Jablé, Tartous.
agriculture, land reform, rural development, cultural evolution and social change, social differentiation
, Syria, Littoral Syrien
Dans la région de Mhardé au nord-ouest de Hama on retrouve des "contrats" similaires. Des paysans des régions situées à l’est de Hama, où la faible pluviométrie rend les récoltes très aléatoires, viennent de mai à août cultiver des légumes, ou une parcelle de tabac, plus rarement de coton, contre 30 à 50% de la récolte. Le propriétaire des terres fournit le matériel de travail du sol et l’eau; les frais de semences et d’engrais sont partagés entre les contractants, selon le même pourcentage que la récolte. Parfois pendant toute cette période le paysan vit sous une tente précaire avec sa famille, en bordure du champ dont il s’occupe. L’un d’eux expliquait qu’en 1992, à cause des mauvaises conditions climatiques chez lui, les rendements seraient trop faibles: il n’allait pas récolter son blé ni son orge, car la location de la moissonneuse-batteuse lui reviendrait plus cher que ce que la vente des grains ne lui rapporterait. Il laissait donc ses cultures pourrir sur pied pour venir travailler dans cette région.
Mémoire de maîtrise présenté à l’Université de Franche-Comté, UFR Lettres-Géographie. Voir aussi "Etude des systèmes agraires et des systèmes de production de la région de Mhardé, nord-ouest de Hama, Syrie", mémoire soutenu par K.HALABI (diplôme d’ingénieur agronome, 1993).
Theses and dissertations
BALANCHE, Fabrice, 1991/10