L’expérience de Laguiole en Aubrac
05 / 1994
Lors du recensement de la population de 1990, le canton de Laguiole figurait parmi les quelques rares antons ruraux aveyronnais qui ont vu leur population augmenter entre 1982 et 1990. Pendant les décennies précédentes, Laguiole avait suivi le même chemin que la plupart des cantons ruraux du Massif Central, en perdant progressivement sa population. Cette inversion de l’évolution démographique est directement liée à l’action de développement local menée depuis plus de quinze ans et qui a contribué à créer de l’emploi.
Cette "action de développement local" qui apparaît aujourd’hui comme homogène et intersectorielle, est le résultat d’actions qui ont d’abord germé indépendamment les unes des autres en plusieurs points de l’économie locale, et qui se sont rejoints progressivement, pour tisser un développement local autour d’une double idée, "vivre au pays" "en valorisant le patrimoine local". L’idée, certes, n’est pas neuve, mais l’exemple de Laguiole montre qu’elle peut être mise en pratique.
L’idée d’un "autre développement" a d’abord germé dans la coopérative laitière locale, Jeune Montagne, qui depuis 1960 fabrique le fromage de Laguiole (Fiche 6). Si cette coopérative a été créée dans la mouvance du mouvement coopératif aveyronnais, elle s’est assez rapidement dissociée de celui-ci en refusant de se laisser intégrer dans les Unions de Coopératives afin de préserver son autonomie, son pouvoir de décision local ainsi que la maîtrise de son produit. Plutôt qu’une production de matière première brute et non diffférenciée, cette petite coopérative a choisi de valoriser une production locale reconnue par une Appellation d’Origine Contrôlée. Après des hauts et des bas, la coopérative s’est engagée depuis une dizaine d’années dans une politique exigeante de qualité, qui porte aujourd’hui ses fruits. La coopérative assure la collecte de 8O producteurs laitiers et emploie 23 personnes. 6OO tonnes de fromages sont commercialisées par an et génèrent un chiffre d’affaires de trois milliards de francs. De nouveaux produits ont été lancés inspirés de la cuisine locale, tel l’aligot surgelé. La notoriété de la coopérative est telle qu’elle attire chaque année de nombreux touristes acheteurs.
Le deuxième pôle de développement de Laguiole a été la relance de la coutellerie. Créé en 1829 à Laguiole, ce couteau n’était fabriqué localement depuis longtemps, seule la ville de Thiers en détenait encore la fabrication. Quand, au début des années 8O, une association locale voulut relancer le couteau, on s’aperçut que les savoir-faire locaux avaient disparu. Avec le parrainage de cette association et l’appui de l’ADEFPAT, une association de formation -développement (Fiche 34), quatre demandeurs d’emploi se sont lancés dans la reconquête de ces savoir-faire à travers un petit atelier de montage de couteaux. Face au succès de l’opération (trois emplois supplémentaires furent rapidement créés), mais aussi face à ses limites (faible volume d’activités et dépendance, les lames n’étant pas forgées localement), un groupe d’acteurs locaux, soutenus par la Commune, s’engagea dans la création d’un atelier relais - auquel le designer Ph. Starh apportera sa griffe prestigieuse - Depuis 1988, les couteaux entièrement fabriqués à Laguiole ont conquis une notoriété internationale. Une soixantaine d’emplois ont été créés, l’usine attire en été près de 500 visiteurs acheteurs par jour et la vente du couteau a redynamisé le commerce local.
Un autre pôle de développement s’inspire lui aussi du patrimoine local : Michel Bras, cuisinier de renom installé à Laguiole, offre à ses clients une palette variée de "légumes anciens", que des producteurs locaux cultivent pour lui.
L’esprit du "pays d’Aubrac" et la volonté de tirer de son patrimoine les ressources pour y vivre, sont inscrits dans diverses autres actions : le renouveau d’une race locale, la vache Aubrac ; la renaissance du folklore à travers des fêtes et des manifestations culturelles qui, chaque année attirent des milliers de touristes ; l’émergence de "produits touristiques", combinant l’hébergement, la gastronomie locale et des activités de découverte du "pays"...
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, France, Aveyron
Laguiole est un exemple d’expérience réussie de développement fondée sur la valorisation d’un patrimoine et des synergies locales. L’intérêt de cet exemple est qu’il démontre que le développement local peut dépasser le stade de l’idéologie, de l’incantation politique, pour entrer dans une phase active dont les résultats sont mesurables en termes de nombre d’emplois, de croissance démographique et d’acroissement global de la richesse (dont la taxe professionnelle et la TVA générées sont des indicateurs).
Interview
ENSAM (Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie de Montpellier) - L’ENSAM fait partie depuis janvier 2007 de Montpellier SupAgro qui est née de la fusion de 4 établissements : ENSAM, Centre national d’études agronomiques des régions chaudes (CNEARC), Département industries agroalimentaires régions chaudes de l’École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires (ENSIA-SIARC) et Centre d’expérimentations pédagogiques de Florac (CEP Florac). 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier Cedex 1, FRANCE - Tél. 33 (0)4 99 61 22 00 - Fax 33 (0)4 99 61 29 00 - France - www.agro-montpellier.fr - contact (@) supagro.inra.fr