Entretien avec M. et B. exploitants agricoles en Aveyron
05 / 1994
M et M.B. sont exploitants agricoles dans le Severacois, une région où les exploitationsagricoles sont de taille souvent importante et dégagent des revenus encore confortables par la production de lait de brebis. Eux-mêmes sont producteurs de bovins viande et face à l’insuffisance du revenu dégagé par cette activité, ils ont mis en place une deuxième production, des ovins viande.
Depuis 1987, ils ont également un camping à la ferme et accueillent les campeurs en table d’hôte.
- Pourquoi Mme B. avez-vous créé cette activité ?
- Au départ, c’était surtout parce que j’avais besoin de contacts, et que je ne me retrouvais pas dans la production de vaches allaitantes. L’idée de l’accueil à la ferme nous est venue à travers un voyage en Tunisie. Nous avons ouvert le camping l’année suivante, il y a six emplacements. En plus de la table d’hôte, nous proposons aux vacanciers toutes sortes d’activités pendant leur séjour pour les rapprocher les uns des autres. Le but n’était pas d’en tirer un complément de revenu. Si on compte là-dessus, il vaut mieux faire autre chose. L’activité tourisme nous laisse une marge de 1O à 15 OOO Frs par an. C’est surtout sortir de notre isolement qui nous intéressait, rencontrer d’autres gens, parler d’autre chose que d’agriculture, ou au moins en parler autrement qu’entre agriculteurs.
Evidemment, on a pensé à en faire une source de revenus, surtout depuis que les ovins viande ne rapportent plus grand chose. Nous avions fait un projet de ferme auberge qui finalement n’a pas marché. Il fallait pouvoir investir 250 000 Frs et c’était impossible. Et puis, il y avait le problème des normes. Pour faire un projet aux normes, nous aurions quasiment dû détruire le vieux bâtiment disponible pour le reconstruire à neuf. Ils vont casser le tourisme rural avec ces normes. Au lieu de faire des règlements dns un bureau, on ferait mieux de consulter les consommateurs, les gens qui viennent à la campagne ne cherchent pas l’aseptisé des normes, ni le luxe. Ils recherchent une ambiance, une chaleur, des produits de terroir, des contacts. Alors, nous, eh bien, on va augmenter un peu la table d’hôte, et quand la tante ne sera plus là, on essaiera de faire des gîtes dans sa maison. Ce sont des activités qui ne sont pas encore trop encadrées par les normes.
Pourtant, le succès que nous avons tout l’été avec le camping commence à faire réfléchir certains dans le village, et il y a un gros projet de tourisme rural en train de se monter, mais pas par des agriculteurs. Evidemment, ce sera très différent de chez nous, ce sera "grandiose" et bien aseptisé, avec piscine et tennis, les promoteurs en espèrent une grosse rentabilité ... mais ce ne sera plus de l’accueil à la ferme, familial et chaleureux.
Nous, on espère juste pouvoir continuer à vivre au pays et à rencontrer des gens intéressants avec le camping et la table d’hôte. Evidemment, ça ne fait que renforcer l’image de "marginaux" "d’artistes" que nous avons depuis que, pendant le remembrement on a bataillé pour protéger des chênes centenaires...
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, France, Aveyron
Le cas exposé à travers cette entrevue illustre différentes facettes du développement du tourisme rural. Une question clé porte sur les attentes de la clientèle de tourisme rural. Quel équilibre faut-il trouver entre l’image de la campagne "authentique" et le minimum de normes garantissant la sécurité et les prestations offertes au consommateur ?
Un autre problème qui se pose souvent est celui des investissements, souvent conséquents, au regard d’une rentabilité relativement modérée et limitée à la saison estivale.
Ce qui conduit au constat que beaucoup d’initiatives de tourisme rural sont le fait d’agriculteurs qui ont des exploitations confortables et sont capables d’investir, et que les compléments de revenus ne vont pas prioritairement à ceux qui , dans le monde agricole, en aurait le plus besoin.
Se pose aussi le problème de la maîtrise du tourisme rural. Si les agriculteurs ne se mobilisent pas rapidement sur ce créneau d’activité, d’autres le feront à leur place, et avec des moyens plus "professionnels"... .
Interview
ENSAM (Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie de Montpellier) - L’ENSAM fait partie depuis janvier 2007 de Montpellier SupAgro qui est née de la fusion de 4 établissements : ENSAM, Centre national d’études agronomiques des régions chaudes (CNEARC), Département industries agroalimentaires régions chaudes de l’École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires (ENSIA-SIARC) et Centre d’expérimentations pédagogiques de Florac (CEP Florac). 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier Cedex 1, FRANCE - Tél. 33 (0)4 99 61 22 00 - Fax 33 (0)4 99 61 29 00 - France - www.agro-montpellier.fr - contact (@) supagro.inra.fr