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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Luttes sociales en Afrique

Thierry VERHELST

08 / 1993

Au cours d’un débat avec des syndicalistes africains (à Bruxelles, en septembre 1991, dans un stage syndical à la C.S.C. (Confédération des Syndicats Chrétiens)), plusieurs raisons ont été invoquées pour tenter d’expliquer le manque de luttes syndicales en Afrique. Pourquoi l’Afrique a-t-elle offert moins d’exemples de luttes syndicales (p. ex. par la grève)ou politiques (p. ex. la manifestation ou le recours à un organisme local de défense des droits de l’homme)que l’Amérique Latine ? Pourtant, l’exploitation et l’oppression y furent aussi fortes. Faut-il en conclure que les Africains "ont moins de conscience politique" ? Les cinq raisons suivantes furent données :

1. "Manque de conscience politique et d’analyse sociale". Le remède serait dans la conscientisation. C’est l’attitude des progressistes occidentalisés et des ONG impatientes de ne pas trouver en Afrique Noire les formes de luttes qu’elles appuient en Amérique Latine. On regarde l’Afrique avec des lunettes latino-américaines et on est déçu, voire un peu méprisant.

2. "Industrialisation faible et/ou récente" d’où : prolétariat peu nombreux et expérience trop courte de l’exploitation. C’est l’approche classique marxiste, qui se dit confortée par le cas sud-africain (syndicats combatifs). On y ajoute que la survie est un impératif plus immédiat que la lutte.

3. "Divisions ethniques et régionales, aggravées par le colonisateur, et manque de sens national". Les luttes sont réelles mais surtout locales. Le voisinage, le terroir sont plus importants que la solidarité abstraite à une classe sociale dans le cadre d’un Etat sans grande identité nationale.

4. "Déculturation des Africains par le colonialisme et le néo-colonialisme". Un peuple aculturé, dépersonnalisé, arraché à sa tradition mais sans attaches nouvelles dans la modernité (Etat, syndicat, parti)est inerte, ne sait plus se battre. Dans les anciens empires, il y avait des luttes (contre l’impôt). Erosion du sens de la honte et donc de la révolte (morale et sociale). "Au Mali, on ne dit plus : je préfère mourir que d’avoir honte. On accepte le compromis, on baisse les bras. On est débordé".

5. "Trop de dictature". Les Africains ont été trompés par les "pères de la Nation", héros de l’indépendance qui se sont rapidement dotés d’appareils de contrôle (parti unique, syndicat officiel)absolus et cela d’autant plus facilement qu’à l’époque leur politique n’était guère suspectée. La lutte devint difficile voire impossible (?).

Key words

trade union, popular culture, social pressure


, África

Comments

Illusion d’optique : non, les Africains ne "manquent" pas de conscience politique. Ils se battent avec toute leur culture, mais les Occidentaux ethnocentriques ne le voient pas ! Les Africains luttent "autrement" : par la résistance passive (refus de payer l’impôt), la non-participation (à un projet aliénant, à une campagne étatique détestée), le silence, l’ironie, la chanson qui ridiculise, l’absentéisme (à l’usine, à la plantation ... car on garde un pied dans le secteur agricole), le vol (entrepôts de l’Etat)ou le détournement de fonds (redistribution ?)et la menace de sorcellerie. Le monde de la nuit et du silence joue un rôle capital dans la lutte sociale en Afrique. Il y a une culture de la confrontation qui est bien différente des moyens développés au 19ème siècle par la classe ouvrière européenne ! L’échec infligé au développement aliénateur par les Africains peut être analysé comme la conséquence de leur résistance, une sorte de désobéissance civile face à l’obligation de se développer à l’occidentale.

Notes

Analyse collective effectuée pendant le colloque.

Source

Colloquium, conference, seminar,… report

VERHELST, Thierry

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