04 / 1993
1. Au début des années 1980, l’agriculture a été le premier secteur concerné par les réformes économiques en Chine.
Dès 1978, des "systèmes de responsabilité" ont été mis en place progressivement dans tout le pays pour inciter les paysan à accroître leur productivité.
A Bozhou, le système actuel est mis en place en 1982. La terre demeure propriété collective mais est distribuée aux agriculteurs qui organisent individuellement la production. Cette répartion est effectuée au niveau de chaque hameau (ancienne équipe de production, unité de gestion de la production agricole pendant la collectivisation). Toute personne, du nouveau-né au vieillard, reçoit une part de terre égale. Dans la pratique, le terroir villageois est divisé en zones suivant la qualité des sols, des infrastructures et de l’éloignement des parcelles par rapport aux habitations. Chaque personne reçoit un lot équivalent en quantité et qualité. En résulte un important morcellement du terroir. A Gumiao, la surface reçue par personne a été de 1530 m2. La famille Peng, composée de 6 membres, a reçu 6 lots de parcelles soit 9180 m2 au total. Le tout est réparti en 7 parcelles de 300 à 2000 m2. Les plus éloignées se trouvent à 700 m du village. Or, le transport des récoltes et du fumier est effectué dans un tombereau à traction humaine, rarement animale. Pour les parcelles les plus éloignées de l’habitation, le temps de transport peut représenter 1/3 du temps de travail agricole total.
2. Lors de la décollectivisation, la terre est donc confiée aux paysans et la production agricole devient affaire familiale. Cependant, la collectivité locale demeure propriétaire de la terre. Les lots sont cédés aux paysans dans le cadre d’un contrat:
- 1)en échange de l’usufruit de la terre, ils doivent chaque année vendre à l’Etat une quantité fixée de grains (à Bozhou blé principalement mais aussi maïs, soja, sésame et colza); le prix de ces quotas étant fixé à environ la moitié du prix de vente des mêmes produits agricoles sur le marché;
- 2)payer les impôts et taxes locales;
- 3)participer aux travaux collectifs de construction ou d’entretien des infrastructures.
Tout supplément de production obtenu au-delà de ces quantités contractuelles revient en totalité au producteur et peut être vendu librement sur le marché.
Cette forme de tenure foncière ressemble fort à un métayage. En effet, les quantités devant être vendues à l’Etat sont calculées en fonction de la surface cultivée et des rendements attendus dans l’endroit.
3. En fait, les "contrats de responsabilité" n’ont de contrat que le nom. Il ne s’agit nullement d’un accord entre deux parties mais de la vente obligatoire de grains à l’Etat à prix déterminé et inférieur à celui du marché. Les grains vendus sous contrat sont destinés à alimenter les citadins fonctionnaires qui reçoivent des tickets d’approvisionnement leur permettant d’acheter les produits de base (farine, riz et huile principalement)à prix subventionnés. Un paysan de Tianchang vend son riz à l’Etat environ 0,5 yuan/kg (1 yuan= 0,2 US$)dans le cadre de son contrat. Il sera revendu décortiqué à peu près le même prix contre des tickets d’approvisionnement. Par contre, le paysan pourra vendre le kilogramme de riz à près de 0,8 yuan sur le marché où il sera revendu décortiqué plus d’1 yuan/kg.
Si le paysan ne peut fournir les quantités contractuelles, il doit payer une somme compensatoire par kilogramme. Celle-ci est supérieure au prix d’achat du produit par le gouvernement et même parfois supérieure au prix du marché.
Les quantités de grains vendues sous contrat à l’Etat ont augmenté drastiquement entre 1985 et 1990. Dans les meilleures terres à Bozhou, elles représentaient 5% de la production de blé en 1982 et 15% en 1990. Les rendements moyens n’ayant pas triplé pendant le même temps, les prélèvements deviennent de plus en plus lourds.
5. La terre ne peut pas faire l’objet de transactions par les paysans. La tenure est elle-même non aliénable et non héritable. Cependant, en cas de départ ou de décès dans la famille, des négociations ont lieu lors du bilan annuel qui est tenu au sein de chaque hameau. Certaines parcelles où elles ont effectué des investissements (plantations pérennes, aménagements,...)peuvent être conservées par les familles dans la mesure où elles restituent à la place des terres équivalentes en qualité et quantité. Cependant, ce "noyau" de terres restant dans la famille est, avec ce système, limité à long terme puique la distribution suit en principe l’évolution de la population.
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, Asia, China, Anhui
Cette forme de tenure foncière peu commune incite à réflexion. Ne représente-t-elle qu’une transition entre propriété collective -époque des communes populaires- et propriété privée? Est-elle instable et vouée à se transformer? Peut-elle être une alternative aux difficultés rencontrées actuellement par les pays en train de décollectiviser leur agriculture?
En Chine, dix ans après sa mise en place, ses avantages et inconvénients sont fortement discutés et il est parfois question de privatiser les terres.
Dans les provinces les plus développées, notamment celles des côtes est et sud de la Chine, les opportunités de travail hors agriculture plus rémunérateur que le travail agricole sont nombreuses. Beaucoup de paysans quittent leur village pour aller travailler dans l’industrie , faire du commerce ou autre. Ils laissent leurs parents cultiver leur terre ou les louent (illégalement). Dans des conditions de forte pression démographique, ceci remet en cause le mode de distribution et de répartition du foncier et son égalitarisme.
Ma thèse (Institut National Agronomique Paris-Grignon; en cours)résulte d’un travail de recherche de terrain, d’observations et d’enquêtes menées auprès des acteurs de l’agriculture locaux: paysans, cadres,...dans plusieurs districts chinois.
Theses and dissertations
DIDERON, Sylvie, INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE PARIS-GRIGNON, 1993/00/00 (Suisse)