L’information liée aux activités de la pêche est très insuffisante. Le manque de fiabilité des statistiques, l’absence de transparence des données sont des handicaps majeurs pour aménager de bonnes politiques dans la gestion mondiale des ressources.
La Commission européenne se plaint de ne pas recevoir suffisamment tôt de la part des Etats membres les chiffres sur les captures. Les pêcheurs, eux, regrettent que les organisations professionnelles gardent le secret sur tout et "c’est le bon vouloir de l’encadrement qui détermine ce que les adhérents ont le droit de savoir". Quant aux chercheurs et organismes de contrôle des pêches, malgré un matériel parfois performant, ils sont liés par le devoir de réserve. Chaque partie a l’impression d’être "larguée". Alors, si les politiques échouent, il est de bonne guerre de faire courir l’idée que c’est la faute de l’autre. Dans un tel contexte, on peut se demander sur quelles bases se fondent les politiques de pêche ?
Il arrive même que les autorités refusent les informations quand elles ne leur conviennent pas. Dans l’accord CEE-Sénégal, les statistiques publiées par le Centre de Recherche océanographique de Dakar-Thiaroye (organisme officiel financé avec des fonds de la Communauté européenne)n’ont été prises en compte que lorsque cela arrangeait la politique voulue.
Parfois des pressions de désinformations s’exercent, tel ce journaliste, lors d’un colloque à Dakar en 1991, qu’un fonctionnaire de la Commission européenne a incité à "ne pas dire qu’il y a surexploitation des ressources", alors qu’un intervenant biologiste venait de le confirmer. Il y a eu également une tentative (qui n’était pas le fait de la Commission)d’interdire au CNPS (Centre national des pêcheurs-artisans du Sénégal)le droit de s’exprimer dans les pages du journal français "Le Marin".
Il faut aussi mentionner les difficultés de dialogue entre les fonctionnaires et les professionnels et en particulier avec tout le secteur non gouvernemental. En octobre 1993, à la Conférence de Porto organisée par la Commission européenne sur la gestion des ressources communautaires, les fonctionnaires refusèrent de parler des accords de pêche avec les pays tiers. Ils prétextaient que ces accords ne sont pas un instrument de la gestion des ressources communautaires, alors qu’ils ont été conclus pour alléger la pression sur les ressources communautaires et que plus de la moitié du budget communautaire y est consacré. Pourtant ces accords font bien partie des instruments de la gestion des stocks sur le plan mondial, qui englobe les eaux communautaires.
Devant cette difficulté de dialogue et l’absence d’éléments pour estimer la situation des professionnels, comment s’étonner que le "social" n’ait fait l’objet d’aucune politique. Il est ainsi difficile à la DGXIV (responsable de la pêche à la Commission)d’élaborer des mesures d’accompagnement des sorties de flotte en Europe alors qu’elle ne possède pas d’informations sur les problèmes rencontrés par les reconversions de pêcheurs.
De même, dans les accidents que les chalutiers du Nord causent aux pêcheurs artisans du Sud, la Commission européenne déclare qu’il n’existe aucune infraction puisqu’elle n’a été alertée par aucune autorité des pays du Sud. Les incursions de ces chalutiers sont difficilement prouvables. C’est pourquoi les milieux diplomatiques et politiques ne s’émeuvent guère de ces sinistres.
Incontestablement, on note cependant des progrès dans la transmission de la connaissance des problèmes. Le Parlement européen a été saisi de ces questions par plusieurs ONG (Organisations non gouvernementales). Mais, il reste très méfiant par rapport à toutes données qui lui paraisssent empreintes de considérations affectives, c’est-à-dire provenant d’intérêts particuliers ou se référant au "social". Alors, les parlementaires se réfugient volontiers dans les statistiques que la Commission veut bien leur donner et qu’ils pensent être plus objectives. Est-ce pour autant que la teneur des accords peut changer ?
Si la conception de ces accords change, ce sera pour des raisons financières : la Commission est en train de s’apercevoir qu’elle gaspille de l’argent. Si la sécurité alimentaire des pays du Sud est un argument de faible poids, la critique d’une mauvaise gestion financière retient mieux l’attention. Un récent article du périodique "The Economist" accuse directement les gouvernements d’être responsables de la sur-exploitation de la ressource mondiale car ils subventionnent trop lourdement l’effort de pêche. Un tel article peut avoir un réel impact. Il n’en reste pas moins que les termes des accords n’obligent pas les pays du Sud à investir l’argent dans l’amélioration du secteur de la pêche. Le milieu de la pêche est donc à nouveau "largué".
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