Etude de cas. Rapport sur les conséquences sociales et environnementales des activités de l’entreprise Perenco Guatemala Limited
06 / 2011
Les multinationales s’abritent derrière la responsabilité de leurs filiales pour éviter d’avoir à rendre des comptes sur les conséquences sociales et environnementales de leurs activités dans les pays du Sud. Les communautés impactées par l’activité de ces entreprises n’ont bien souvent alors aucun moyen d’obtenir justice. Il est donc urgent de créer une réglementation internationale contraignante qui encadre l’activité des multinationales. La campagne « Des droits pour tous, des règles pour les multinationales !», coordonnée au niveau européen par la Coalition européenne pour la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (ECCJ), est portée en France par le Forum citoyen pour la responsabilité sociale des entreprises (FCRSE) et le CRID dans le cadre se sa campagne « Une seule planète ». Cette campagne vise à sensibiliser l’opinion publique et les décideurs sur la nécessité d’un cadre juridique européen obligeant les entreprises multinationales à rendre compte des violations des droits sociaux, sociétaux et environnementaux dont elles sont à l’origine.
Qui est Perenco ?
Perenco est une entreprise indépendante d’exploration et de production pétrolifère franco-britannique. Son siège social se situe à Londres, mais elle dispose également de bureaux à Paris et aux Bahamas (1). Fondée par Hubert Perrodo (1944-2006), l’entreprise est aujourd’hui dirigée par Jean-Michel Jacoulot, directeur général, et appartient toujours en partie à son fils aîné, François Perrodo, 40ème fortune française (2). Perenco intervient dans 16 pays, d’Afrique Centrale (Cameroun, Gabon, Congo-Brazzaville, République démocratique du Congo), d’Amérique Latine (Guatemala, Belize, Colombie, Pérou, Venezuela, Brésil) et du pourtour méditerranéen (Tunisie, Égypte, Turquie), mais aussi en Mer du Nord, en Australie ou encore en Irak. Entreprise discrète et quasi-absente de l’univers médiatique, elle est relativement méconnue du grand public. Sans être une « major » de l’exploration et de la production d’hydrocarbures, c’est pourtant un acteur important de ce secteur qui produit près de 250 000 barils par jour et emploie plus de 4000 personnes à travers le monde (3). Sa stratégie a consisté dans de nombreux pays à racheter et exploiter des concessions dites mâtures, estimées non-rentables par d’autres entreprises, souvent situées dans des zones où les risques d’atteintes aux droits humains sont forts et la question environnementale particulièrement sensible.
Pourquoi ce rapport ?
Ce rapport rend compte de la présence de l’entreprise Perenco au Guatemala, par le biais de sa filiale Perenco Guatemala Limited (Perenco G.L.) (4). Il souligne les insuffisances légales du contrat d’exploitation actuel et les violations aux droits humains liées à la présence de cette entreprise. L’état actuel du droit international n’offre ni aux États, ni à la communauté internationale, les moyens de contrôler les agissements des entreprises multinationales opérant dans plusieurs pays. Les principes de l’autonomie de la personne morale et de la responsabilité limitée empêchent en effet aujourd’hui de pouvoir tenir pour responsable une société-mère pour les atteintes aux droits humains et à l’environnement découlant des opérations de ses filiales. Avec cette configuration juridique, les victimes des violations n’ont d’autre choix que de s’adresser à la juridiction du pays où la filiale opère et, en raison des liens étroits entre les entreprises étrangères et les États d’accueil et de la faiblesse de leur système judiciaire, elles ne reçoivent que trop rarement réparation pour les torts subis. Constatant ce déficit important d’accès à la justice pour les populations, ce rapport vient illustrer et appuyer une campagne européenne5 en faveur de l’accès à la justice dans les pays où les sociétés-mères sont domiciliées pour les populations victimes de violations des droits humains.
Synthèse du rapport
La société pétrolière franco-britannique Perenco est implantée au Guatemala depuis 2001, par le biais de sa filiale Perenco Guatemala Limited (Perenco G.L.). Ses opérations d’extraction de pétrole ont lieu dans le département du Petén, dans le nord du pays. Sa présence est questionnée depuis le renouvellement de son contrat en 2010, qui garantit à l’entreprise la poursuite de l’exploitation pour quinze années et l’expansion de la concession alors même que les puits de pétrole se situent dans une zone naturelle protégée. Selon certains analystes et personnalités politiques, ce renouvellement aurait été réalisé de manière peu transparente et en contradiction avec la Constitution du pays, les lois nationales et certains textes de droit international. Les organisations de défense de l’environnement et de la société civile critiquent quant à elles depuis de nombreuses années la présence de l’activité pétrolière au sein du Parc National Laguna del Tigre (PNLT), la plus grande zone humide d’Amérique Centrale, protégée à ce titre par des conventions internationales.
Le cadre juridique du Guatemala prévoit un strict respect des zones naturelles protégées. En plus d’être une zone légalement protégée par les lois du Guatemala, le Parc National Laguna del Tigre est reconnu par la Convention sur les zones humides d’importance internationale dite « Convention Ramsar ». Malgré les signalements d’illégalités dans la reconduction du contrat, signé en juillet 2010 par le président de la République, Álvaro Colom, Perenco G.L. poursuit aujourd’hui ses activités dans cette zone. Alors que le projet d’expansion, fortement soutenu par les intérêts économiques du pays, comporterait des impacts négatifs importants en matière environnementale et de droits humains, des doutes sérieux peuvent être émis quant à ses retombées économiques pour les populations. En effet, alors que les tenants du pouvoir économique sont favorables à la continuité et l’expansion de l’exploitation pétrolière, l’analyse des chiffres reflète une autre réalité dans laquelle l’État du Guatemala sort perdant de la transaction.
Enfin, les impacts directs et indirects de la présence de Perenco Guatemala Limited dans le PNLT sont préoccupants si l’on considère l’augmentation des effectifs militaires dans la région, augmentation en partie financée par l’entreprise elle-même. Il faut ajouter à cela les menaces et exécutions d’ordres d’expulsion des communautés installées dans le PNLT, qui vivent chaque jour l’angoisse de devoir quitter leurs terres, inquiétude qui s’additionne aux conditions auxquelles elles doivent faire face dans une région totalement délaissée par l’État et sans pouvoir compter sur les promesses de l’entreprise pétrolière en matière de développement, de santé et d’éducation, pour la plupart non tenues.
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Pour une gestion durable et équitable des ressources naturelles
Publié en juin 2011 par le Collectif Guatemala, avec le soutien du réseau Une seule planète et des associations Terre des Hommes France, France Amérique Latine et Sherpa.
Le rapport complet est disponible sur le site du Collectif Guatemala.
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