Comment notre modèle de développement est à l’origine d’une crise écologique d’envergure ?
Surconsommation des ressources et accroissement des inégalités
Ce modèle, basé sur une croissance illimitée, engendre surproduction et surconsommation, surtout dans les pays industrialisés et émergents, mais aussi de manière croissante parmi les élites des pays du Sud. En conséquence, le gaspillage s’aggrave d’année en année, tant au niveau de la production que de la consommation, et ceci malgré une prise de conscience concrétisée par des efforts de réutilisation et de recyclage (en particulier pour les déchets ménagers et certains déchets industriels). Il en va ainsi :
de l’énergie : la consommation par habitant dans les pays riches ne cesse d’augmenter tandis que les besoins fondamentaux en énergie ne sont pas assurés pour 2 milliards de personnes ; pour assurer l’approvisionnement énergétique illimité d’une part minoritaire de la population humaine, des milliards de tonnes de pétrole, de charbon et de gaz naturel sont brûlées chaque année, renvoyant dans l’atmosphère autant de gaz à effet de serre dont tous doivent souffrir les conséquences ;
du papier, dont la consommation ne cesse d’augmenter. La pâte à papier est issue de l’exploitation des forêts et, de manière croissante, de plantations intensives de monocultures d’arbres, mettant à mal une biodiversité pourtant nécessaire à l’équilibre des écosystèmes et aux conditions de vie des populations riveraines des forêts ;
des matières premières minérales : par exemple le coltan, utilisé pour la fabrication de nos téléphones et ordinateurs portables, et dont l’utilisation s’est généralisée en quelques années ;
des agrocarburants : ils connaissent un boom exponentiel depuis une décennie. La décision de l’UE d’incorporer 10% d’énergies renouvelables dans le carburant routier d’ici 2020 (1) impose une hausse insoutenable de la production de cette filière ;
de l’alimentation, en particulier viande et produits de la mer. 30% des produits alimentaires sont jetés sans être consommés, mais c’est pire encore pour la pêche : pour 1 kg de crevettes consommées, 10 kg sont pêchées et rejetées en mer ;
de l’eau : un Californien consomme 4500 litres d’eau potable par jour, un Parisien 240, quand la moyenne mondiale est à 40 litre par jour par personne, l’Afrique à 30 et Haïti à 20.
Le modèle de surconsommation illimitée est devenu un cercle vicieux frôlant l’absurde, deux exemples :
Le nombre de voitures : hausse du nombre de voitures -> plus d’embouteillages -> pressions pour de nouvelles infrastructures routières -> hausse du nombre de voitures -> plus d’embouteillages… En France, une voiture en ville roule désormais en moyenne à 15 km/h, soit la vitesse d’une calèche à cheval au XIXème siècle !
La consommation d’énergie : explosion de la consommation d’énergie dans les bâtiments depuis des décennies -> changements climatiques donc hausses des températures -> explosion de la climatisation pour rafraîchir les bâtiments -> hausse de la consommation d’énergie dans les bâtiments -> changements climatiques aggravés…
Ce modèle génère des gaspillages monstrueux, en pure perte. On estime ainsi pouvoir économiser jusqu’à 40% des énergies primaires (2) utilisées dans le monde à l’horizon 2050, rien qu’en traquant systématiquement les gaspillages (3). Ces phénomènes commence également à atteindre les populations pauvres, en raison notamment des efforts publicitaires déployés pour promouvoir l’hyper consommation comme un modèle de vie. Les budgets des populations à faibles revenus traduisent parfois une consommation déséquilibrée, c’est-à-dire une consommation qui ne permet pas la satisfaction de tous les besoins essentiels mais qui fait la part belle à des produits encensés par les publicités et le plus souvent importés.
Conséquences environnementales, sociales et fausses solutions
Ce modèle basé sur la surconsommation génère des fausses solutions qui ne font qu’aggraver les problèmes existants : les agrocarburants sont emblématiques de cette fuite en avant. Plutôt que de réduire la surconsommation de transport routier à la racine de son impact climatique, a été promue la « solution » en bout de chaîne des agrocarburants, développés en plantations mono-intensives. S’ils remplacent une fraction du pétrole dans les pays riches, ils n’améliorent pas l’indépendance énergétique de ces derniers puisqu’ils sont massivement importés, leur bilan climatique est au mieux médiocre voire négatif, et leur modèle agricole intensif n’est pas durable. Plus grave encore, ils génèrent de nouveaux impacts désastreux : une hausse des prix alimentaires, l’accaparement de terres agricoles vivrières, des conflits fonciers, une perte de biodiversité… La logique du « produire plus pour consommer plus », caractéristique de ce modèle économique, perdure et augmente les risques.
Plus généralement, le « moins-disant » social et écologique est adopté chaque fois qu’il permet d’augmenter les profits des multinationales. Il en va ainsi des délocalisations dans les pays où les réglementations sociales et environnementales sont moins développées et respectées. Cette course vers le bas se double d’une aggravation des conditions de vie des populations vulnérables qui sont souvent moins informées des risques sociaux et environnementaux qu’elles prennent quotidiennement dans le cadre de leur travail. Ainsi, pour prendre l’exemple des agrocarburants, selon les Nations unies, 60 millions de personnes pourraient être déplacées de force pour développer des monocultures intensives qui, par ailleurs, encouragent la déforestation et la dépendance alimentaire des pays producteurs envers d’autres Etats.
Résultat de cette course vers le bas, les dégradations de l’environnement s’accélèrent : destruction d’écosystèmes pour l’exploitation des industries extractives, surexploitation de la biodiversité pour les industries chimiques, exploitations forestières illégales en RDC, Birmanie ou Indonésie, surconsommation et pollution de l’eau, etc.
Ainsi, l’entreprise Total, première entreprise française par son chiffre d’affaires et son bénéfice, continue de pratiquer le torchage du gaz au Nigéria. Ce gaspillage intégral du gaz associé aux poches du pétrole convoité a des impacts sanitaires, socio-économiques et écologiques dévastateurs, là où 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Il est illégal depuis la loi nigériane de janvier 1984 ; il a été condamné en 2002 par la Commission Africaine des Droits de l’Homme, et à nouveau en 2008 par la Cour Suprême du Nigéria. En 2009, il se poursuit toujours.. La corruption et la gouvernance chaotique du Nigéria ne permettent pas au système judiciaire nigérian de faire respecter la loi nigériane ; les vides juridiques du droit international ne permettent pas d’obliger les multinationales occidentales à respecter le droit nigérian.
Les dégradations causées à la planète, et en particulier le réchauffement planétaire, ne sont que la conséquence de la gestion des ressources naturelles : près de 60% (4) des émissions de GES dans le monde sont causées par l’exploitation de ressources énergétiques non-renouvelables, à savoir les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) que la Terre a mis des centaines de millions d’années à fabriquer. Par ailleurs, près de 20% (5) des émissions de GES sont liées au déboisement, qui a 3 causes principales : l’exploitation forestière (souvent illégale et sans bénéfices pour les populations locales) ; la grande exploitation agricole de monocultures intensives orientées pour l’exportation vers les pays riches, d’agrocarburants (palmier à huile, Indonésie et Malaisie), de soja (Argentine, Brésil), d’arbres (eucalyptus, Uruguay) ; la pauvreté, due à la répartition inégale des ressources et des revenus, qui pousse les petits paysans, privés de leurs terres par les grands propriétaires et les monocultures, à rogner sur les forêts pour assurer leur survie.
Des changements à engager
Il est nécessaire de refondre les modèles de développement, afin qu’ils soient écologiquement soutenables et socialement justes. C’est la survie de l’humanité qui est en jeu. Les pays du Sud sont et seront frappés de manière disproportionnée par les changements climatiques, alors qu’ils ne sont pas les principaux responsables puisqu’ils émettent peu de GES par habitant. Les pays industrialisés, du fait de leur responsabilité historique dans le réchauffement planétaire et de leur capacité à financer, et sur base du principe de responsabilité commune mais différenciée, doivent assumer leurs responsabilités en repensant le modèle économique, en adoptant un mode de gestion des ressources naturelles plus raisonné et en aidant le Sud à s’adapter aux changements climatiques.
Outre les enjeux strictement climatiques, la gestion des ressources naturelles, au cœur du modèle économique mondialisé, doit être repensée. Les acteurs privés qui exploitent les ressources, à commencer par les entreprises multinationales occidentales doivent être responsable des conséquences de leurs activités dans les pays du Sud. Et les populations locales doivent être des parties prenantes à part entière dans les décisions qui concernent l’exploitation et la gestion des ressources naturelles sur leur territoire.
Enfin, l’exploitation durable et le partage équitable des ressources planétaires impliquent une remise en cause radicale du modèle de (sur)consommation des pays riches. Cela doit se traduire par l’émergence d’une économie nouvelle, dont la sobriété en termes de ressources naturelles et d’énergie sera un critère prédominant. Il revient aux pouvoirs publics de mettre en place un cadre public, fiscal, économique, éducatif, etc. pour permettre, imposer et encourager tout à la fois cette transition colossale de l’économie. Un accompagnement sera nécessaire pour que la transition soit suffisamment ambitieuse et rapide, notamment pour la formation des travailleurs et la création de nouveaux emplois, parallèlement à la réduction de certains secteurs économiques incompatibles avec ces exigences.
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Pour une gestion durable et équitable des ressources naturelles
Centre de ressources commun Une seule planète
Sites internet de membres du réseau Une seule planète
AITEC aitec.reseau-ipam.org
Amis de la Terre www.amisdelaterre.org
Artisans du monde www.artisansdumonde.org
CCFD-Terre solidaire ccfd-terresolidaire.org
CNCD 11.11.11. www.cncd.be
CRID www.crid.asso.fr
Greenpeace www.greenpeace.org
Ingénieurs sans frontières www.isf-france.org
Petits débrouillards www.lespetitsdebrouillards.org
Réseau ressources Naturelles en RDC www.rrnrdc.org
Ritimo www.ritimo.org
Walhi-Friends of the Earth Indonésie www.walhi.or.id
Autres sites internet d’information sur ces sujets
CRID-Centre de Recherche et d’Information pour le Développement - 14, passage Dubail - 75010 Paris Tél. : 01 44 72 07 71 Fax : 01 44 72 06 84 - www.crid.asso.fr/ - info (@) crid.asso.fr