Etude de cas sur les dommages sociaux et environnementaux de l’exploitation de la forêts en République démocratique du Congo
Véronique Rigot, CNCD 11.11.11
2011
Les multinationales s’abritent derrière la responsabilité de leurs filiales pour éviter d’avoir à rendre des comptes sur les conséquences sociales et environnementales de leurs activités dans les pays du Sud. Les communautés impactées par l’activité de ces entreprises n’ont bien souvent alors aucun moyen d’obtenir justice. Il est donc urgent de créer une réglementation internationale contraignante qui encadre l’activité des multinationales. La campagne « Des droits pour tous, des règles pour les multinationales !», coordonnée au niveau européen par la Coalition européenne pour la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (ECCJ), est portée en France par le Forum citoyen pour la responsabilité sociale des entreprises (FCRSE) et le CRID dans le cadre se sa campagne « Une seule planète ». Cette campagne vise à sensibiliser l’opinion publique et les décideurs sur la nécessité d’un cadre juridique européen obligeant les entreprises multinationales à rendre compte des violations des droits sociaux, sociétaux et environnementaux dont elles sont à l’origine.
Une seule planète // Etude de cas 1 : Les forêts congolaises.
L’exploitation des ressources naturelles en RDC a déjà fait couler beaucoup d’encre. Et l’exploitation du bois a déjà fait noircir beaucoup de papier.
Les forêts congolaises illustrent le paradoxe entre l’abondance des ressources et la pauvreté des populations. Des décennies d’exploitation industrielle ne contribuant aucunement au développement local, des promesses non honorées à répétition, des intimidations, des arrestations et des mauvais traitements réservés aux membres des communautés locales qui osent dénoncer le non-respect des engagements et les infractions au code forestier… Les comportements prédateurs par rapport aux ressources très abondantes sont sources de graves dommages sociaux et environnementaux qui alimentent et provoquent les conflits sociaux. Si toutes les entreprises ne se comportent certes pas de manière aussi extrême et reprochable, les rapports des experts des Nations Unies sur l’exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC ont été clairs : le bois d’Ĺ“uvre fait partie des ressources naturelles dont le contrôle et l’exploitation systématique par des réseaux d’élites politiques et économiques ont permis d’alimenter la guerre1. Loin de vouloir éluder le débat sur le pillage des ressources congolaises lié à la guerre, nous n’aborderons pas ici ce sujet. Nous nous concentrerons sur la gestion formelle des ressources forestières, celle-ci n’en étant pas pour autant respectueuse du cadre légal.
Les mécanismes européens et internationaux pour la traçabilité des ressources forestières, et en particulier les mécanismes de labellisation et de lutte contre l’importation illégale de bois (mécanisme FLEGT – Forest Law Enforcement, Governance and Trade), ne sont pas non plus examinés au sein de cette étude. La présente étude a pour objectif de rappeler l’importance des ressources forestières pour la population congolaise, tout d’abord en explicitant le contexte, les réalités et les défis pour les forêts congolaises. En effet, le point 2 sera consacré à exposer les repères nécessaires avant de passer à l’analyse du cadre légal et institutionnel, national et international, puis aux menaces qui pèsent sur les forêts congolaises et aux enjeux climatiques. Une fois le contexte clarifié, le point 3 exposera un cas de prédation qui a déjà été amplement documenté et médiatisé suite aux événements malheureux des derniers mois.
Nous verrons donc que l’exploitation industrielle ne contribue absolument pas au développement local, avant d’examiner le cas de la Sodefor, entreprise appartenant au second plus grand groupe forestier en RDC. Derrière un visage angélique, celle-ci révèle des agissements peu dignes du développement durable qu’elle dit vouloir promouvoir et se retrouve notamment à la base de conflits sociaux récurrents. Véritable « otage de la pauvreté », la population est en effet contrainte de brader ses forêts pour quelques miettes, jusqu’au jour où elle se révolte et revendique ses droits, non sans répression.
Ce cas nous permettra de pointer les enjeux d’une gestion durable des forêts congolaises par les grandes entreprises étrangères, principalement européennes. Si toutes les entreprises ne sont pas à mettre dans le même sac, une gestion viable économiquement, mais surtout respectueuse de l’environnement et des populations locales et autochtones, doit être mise en place le plus rapidement possible dans le plein respect des cadres légal et institutionnel.
Ce principe guidera la conclusion de l’étude, qui sera étayée de recommandations spécifiques que nous adressons, en cette année 2011, année internationale des forêts, et en particulier dans le cadre du programme « Une seule planète », à nos responsables politiques européens. Eux seuls sont en effet à même d’encadrer les activités des grandes entreprises européennes et de les rendre légalement responsables pour les dommages sociaux et environnementaux causés par leurs activités. Les recommandations spécifiques sont détaillées en fin de document (point 4).
Nous demandons :
1. à l’Union européenne, d’adopter un cadre juridique contraignant pour exiger la responsabilité des multinationales européennes et de leurs filiales de par le monde, la transparence quant à leurs activités et de garantir l’accès des victimes de leurs activités à la justice au sein de l’UE ;
2. à la Belgique, d’appuyer l’État congolais dans ses initiatives pour établir une gestion durable des forêts, respectueuse des besoins des populations, de l’environnement et de la biodiversité, de pousser l’Union européenne à s’investir pour un cadre juridique plus contraignant, à exiger la transparence et à permettre un accès à la justice pour les victimes ;
3. à la République démocratique du Congo, de continuer d’assainir la gestion des forêts congolaises, de maintenir le moratoire sur les nouvelles allocations forestières, de rendre opérationnelles les forêts des communautés locales (seule voie de participation à la gestion durable des forêts par les populations riveraines), de procéder à un zonage participatif en commençant par un micro-zonage basé sur une cartographie participative devant reconnaître les droits fonciers de propriété des espaces / terres par les populations, de collecter les revenus de la taxation qui lui reviennent et de les rétrocéder effectivement aux entités administratives décentralisées d’où provient le bois pour que celles-ci les utilisent au bénéfice du mieux-être de la population, de promouvoir les droits des populations locales et autochtones, et de reconnaître, de suivre et d’appliquer les recommandations des mouvements de la société civile.
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, Democratic Republic of the Congo
Pour une gestion durable et équitable des ressources naturelles
Une étude coordonnée par Véronique Rigot, chargée de recherche environnement et développement au CNCD-11.11.11 en collaboration avec le Réseau Ressources Naturelles (RRN-RDC) et le réseau Une seule planète.
Pour aller plus loin : Forêts congolaises. Quand l’exploitation industrielle entretient des conflits sociaux, Point Sud, Les Etudes du CNCD-11.11.11 // n°2
Centre de ressources commun Une seule planète
Sites internet de membres du réseau Une seule planète
AITEC aitec.reseau-ipam.org
Amis de la Terre www.amisdelaterre.org
Artisans du monde www.artisansdumonde.org
CCFD-Terre solidaire ccfd-terresolidaire.org
CNCD 11.11.11. www.cncd.be
CRID www.crid.asso.fr
Greenpeace www.greenpeace.org
Ingénieurs sans frontières www.isf-france.org
Petits débrouillards www.lespetitsdebrouillards.org
Réseau ressources Naturelles en RDC www.rrnrdc.org
Ritimo www.ritimo.org
Walhi-Friends of the Earth Indonésie www.walhi.or.id
Autres sites internet d’information sur ces sujets
Le rapport complet est disponible sur Une Seule Planète.
CRID-Centre de Recherche et d’Information pour le Développement - 14, passage Dubail - 75010 Paris Tél. : 01 44 72 07 71 Fax : 01 44 72 06 84 - www.crid.asso.fr/ - info (@) crid.asso.fr