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À la Frankenstein

Les États-Unis s’apprêtent à autoriser du saumon transgénique, ce qui pourrait avoir des répercussions mondiales

Eric Hoffman

11 / 2010

Le 25 août 2010, l’Autorité américaine de régulation des médicaments et des aliments (FDA) des États-Unis annonçait qu’elle envisageait de donner son autorisation pour un saumon transgénique destiné à la consommation humaine. Ce serait dans le monde le premier animal transgénique à entrer dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Une telle décision poserait de très sérieux problèmes aux communautés de pêcheurs et aux consommateurs aux États-Unis et à travers le monde.

Le saumon Atlantique en question a été génétiquement modifié par AquaBounty Technologies pour produire des hormones de croissance tout au long de l’année, ce qui, selon cette entreprise, lui permettra de grandir deux fois plus vite. Cela est obtenu en combinant artificiellement des gènes d’hormone de croissance issus d’un saumon du Pacifique non apparenté (Oncorhynchus tshawytscha) avec un promoteur du gène de la protéine antigel de la loquette.

AquaBounty prévoit de fertiliser leurs œufs de saumon transgénique sur l’Île du Prince Édouard au Canada, d’élever le saumon dans des bassins enclavés à terre au Panama puis de le transformer et de l’expédier aux consommateurs américains. Ces conditions ont été présentées par la firme pour obtenir l’autorisation initiale, mais ce n’est là qu’un début pour AquaBounty. Comme l’a déclaré son directeur général lors d’une audition publique à la FDA, la firme entend bien développer ses opérations aux États-Unis et à travers le monde, notamment près des grands centres de population. Malgré cela, la FDA se contente d’étudier les dangers environnementaux potentiels des opérations situées au Canada-Panama-États-Unis et non pas les répercussions globales cumulées des projets de commercialisation à grande échelle. Chaque phase du processus peut présenter des risques particuliers locaux mais, si l’on prend en compte l’ensemble du tableau, les dangers pour l’environnement sont bien plus lourds.

La FDA pense autoriser pour la consommation humaine ce saumon transgénique dans le cadre d’une procédure contestable prévue pour de nouveaux produits vétérinaires et non pas un nouvel aliment. Cette procédure permet de limiter les données qui sont rendues publiques. AquaBounty peut prétendre en effet qu’une bonne part des données relatives à ce saumon transgénique est sa propriété privée et doit donc rester un secret. En plus, si la firme reçoit le feu vert, les nouvelles installations d’élevage pourraient être construites comme locaux destinés à la fabrication d’un produit pharmaceutique, ce qui allègerait encore l’enquête environnementale.

Biodiversité menacée

S’il s’échappait dans la nature, ce saumon transgénique constituerait un sérieux danger pour la diversité biologique, en particulier pour la viabilité du saumon sauvage Atlantique. Des saumons s’échappent régulièrement des élevages et se mélangent au poisson sauvage, ce qui affaiblit les populations sauvages. Le saumon Atlantique figure désormais sur la liste des espèces menacées aux États-Unis, en partie du fait de problèmes génétiques et de santé causés par son métissage avec du saumon d’élevage sorti des cages en filets. Si le saumon génétiquement modifié pour grandir plus vite que le saumon sauvage sort de son enclos, il va mettre en danger la santé et la pérennité des populations de saumons sauvages. D’après des travaux de recherche effectués à l’Université de Perdue, États-Unis, si seulement 60 individus transgéniques se mêlaient à une population sauvage de 60 000 individus, cette population sauvage serait décimée au bout de soixante générations. Ce résultat est provoqué par « le gène de Troie » : un avantage physique spécifique dans un organisme par ailleurs moins vigoureux produit une dissémination du gène puis un affaiblissement et finalement un effondrement de l’espèce. Une autre étude publiée par le gouvernement canadien en 2004 a démontré que la cohabitation de saumon naturel et de saumon OGM au laboratoire avec un faible apport nutritionnel a provoqué un effondrement de la population étudiée et son extinction totale parce que le saumon OGM était plus agressif et pratiquait parfois le cannibalisme. Les effets que du saumon OGM affamé et agressif pourrait avoir dans les écosystèmes naturels et les chaînes alimentaires locales de la nature n’ont pas encore été étudiés.

Les gens d’AquaBounty disent que leur poisson sera stérilisé, mais même leurs propres données admettent que jusqu’à 5 % des œufs pourraient rester fertiles. La firme déclare que les commandes déjà reçues sont de l’ordre de 15 millions d’œufs, c’est-à-dire que, dès le départ, on pourrait avoir jusqu’à 750 000 poissons fertiles qui s’échappent et créent de sérieux dégâts dans l’environnement. Encore plus ennuyeux est le fait que AquaBounty aura encore besoin de mâles et de femelles fertiles pour fertiliser leurs œufs transgéniques.

L’impact éventuel d’une autorisation de ce saumon transgénique sur la santé humaine constitue une réelle préoccupation. Il en résulterait notamment une utilisation encore plus forte d’antibiotiques au cours de son élevage, ce qui pourrait augmenter encore la résistance des bactéries à ces médicaments. En termes de poids, le saumon d’élevage est l’animal qui reçoit le plus d’antibiotiques ; et il en faudrait sans doute encore plus pour le saumon transgénique d’AquaBounty car, du fait de sa production constante d’hormones de croissance, il serait moins solide et donc plus sujet aux affections.

Les scientifiques ont fait remarquer également que les propriétés physiques de ces animaux (érosion des mâchoires, inflammation tissulaire, taux élevé d’hormones de croissance, taux faible de bons acides gras…) pourraient les rendre impropres à la consommation. Mais ni AquaBounty ni la FDA n’ont mis ce poisson transgénique à la disposition d’experts indépendants pour des tests de sécurité. Dans ce cas, la FDA fait preuve d’irresponsabilité en affirmant qu’il n’y a aucun risque à consommer ce poisson.

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Ce n’est qu’un début

Le problème ne se limitera pas aux États-Unis. Au début, AquaBounty exportera ses menaces environnementales au Canada et au Panama seulement, mais la firme prévoit de développer par la suite ses installations auprès des grands centres urbains à travers le monde. Elle a aussi l’intention de demander une autorisation pour du tilapia, de la truite et de l’omble arctique transgéniques. Ces produits auraient une croissance plus rapide et une meilleure résistance au froid et aux maladies.

Le développement du poisson OGM c’est le développement assuré de l’aquaculture industrielle et le déclin pour les familles et les communautés de pêcheurs à travers le monde. Les nouvelles caractéristiques introduites dans ces poissons ne seront pas un bien public, contrairement à une meilleure alimentation ou une réduction de l’empreinte écologique. Les traits retenus par AquaBounty pour son saumon transgénique visent à accroître au mieux ses profits. Il en résultera une industrialisation encore plus poussée de la production de poissons.

Des poissons OGM à croissance plus rapide, plus résistants au froid et aux maladies n’ont d’intérêt qu’à l’échelle industrielle. Cela permet d’enfermer encore plus d’individus dans des cages en dur ou des filets ; et AquaBounty demandera le prix fort pour ses œufs, emportera ses profits tandis que les dégâts sur l’environnement seront ailleurs à la charge d’autres gens. Ce poisson est breveté et AquaBounty en est l’unique propriétaire. Des aquaculteurs pourront lui acheter des œufs mais n’auront pas de droits sur le poisson d’origine et ses caractéristiques particulières, pas plus que l’agriculteur n’a de droits sur les graines de maïs achetées à Monsanto. Que se passera-t-il lorsque ce poisson OGM s’échappera et se croisera avec une population sauvage qu’il délogera peut-être ? Par analogie avec le brevetage des plantes, on pourrait dire qu’AquaBounty reste propriétaire du poisson qui file dans le libre océan et de sa descendance. La firme pourrait aussi poursuivre en justice, pour violation de brevet, le pêcheur qui prendrait ce poisson dans la nature ou l’élèverait sans savoir.

Heureusement la FDA n’a pas encore pris une décision finale et les citoyens manifestent pour qu’elle abandonne cette idée d’autorisation à Aquabounty. Elle a reçu du public 171 645 commentaires qui s’élèvent contre un éventuel feu vert accordé à ce saumon pour la consommation humaine. Elle a reçu des lettres signées par plus de 300 organisations de défense de l’environnement et de la santé publique, de chefs cuisiniers, de restaurants et de communautés tribales disant qu’il ne faut pas laisser passer ce saumon OGM. Une manifestation organisée par les Amis de la Terre-États-Unis, le Center for Food Safety, Food and Water Watch et Ben & Jerry’s Ice Cream a eu lieu devant la Maison Blanche pour demander au Président Obama de dire à son Administration de ne pas autoriser ce poisson dangereux.

Ce saumon d’AquaBounty serait le premier animal transgénique de la planète à recevoir une autorisation pour la consommation humaine, et cela créerait un terrible précédent. Cette firme a d’autres poissons transgéniques en préparation dans ses ateliers et d’autres entreprises s’activent sur d’autres animaux transgéniques (porcs rejetant moins de phosphore dans le lisier, vaches immunisées contre la maladie de la vache folle). Elles attendent pour aller de l’avant suivant ce qu’il adviendra de la demande d’AquaBounty pour son nouveau saumon. Il faudrait que la FDA entende aussi la voix des pêcheurs à travers le monde. Ils vont subir les conséquences de l’incursion dominatrice de technologies coûteuses, non vérifiées et non contrôlées dans le secteur de la pêche.

Partout dans le monde, les gouvernants doivent dire clairement que l’Administration américaine prendrait une décision inopportune et irresponsable en laissant passer ce saumon dans la consommation humaine, tout en exportant les dégâts environnementaux vers d’autres pays. Ces autres pays devront dire clairement qu’ils ne laisseront pas le poisson transgénique venir mettre en danger leurs poissons sauvages et leurs aquaculteurs traditionnels.

Key words

fish, Genetically modified organism (GMO), health and environment


, United states

file

Fishworkers’ Challenges and Initiatives in the World. Selections from ICSF publications ‘Samudra Report’ and ‘Yemaya’

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Aujourd’hui appelez la FDA ou écrivez-lui pour dire NON au saumon transgénique !

FDA – Centre de médecine vétérinaire

Tél : 240-276-9300

Courriel : ASKCMV@fda.hhs.gov

Adresse :

Communications Staff (CVM)

Food and Drug Administration

7519 Standish Place

HFV-12

Rockville, MD 20855

États-Unis d’Amérique

Notes

Pour plus d’information :

www.salmonnation.com/fi sh/gefi sh.html

Saumon transgénique

www.aquabounty.com

AquaBountry Technologies

www.fda.gov/NewsEvents/PublicHealthFocus/ucm224089.htm

Auditions publiques de la FDA sur le saumon atlantique transgénique

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