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On s’y est mis

Une étude du Collectif Pêche et Développement recense les initiatives des pêcheurs artisans de Bretagne dans ce domaine

Bastien Malgrange

03 / 2010

Face aux problèmes structurels de la pêche et aux aléas conjoncturels, les pêcheurs artisans bretons prennent des initiatives et innovent, Ĺ“uvrent pour une gestion responsable des ressources halieutiques et pour le développement des bonnes pratiques. Ces initiatives ont été présentées dans une étude menée en 2009 par le Collectif Pêche et Développement de Lorient, qui conclut que la crise de la pêche est une réalité complexe.

 

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Il y a effectivement eu une intensification de l’exploitation des espèces nobles les plus proches, puis une diversification des espèces pêchées dans ces mêmes zones. Enfin, il y a eu une extension géographique de ces pressions de pêche par le déploiement des flottilles vers de nouvelles zones où les deux premiers processus se répètent. Cependant, la crise de la pêche ne peut être simplement imputée à la crise de la ressource et la raréfaction des stocks à la surpêche. Les pêcheurs subissent également la dégradation de l’environnement littoral et les répercussions à l’échelle locale des modifications climatiques à l’échelle globale. Confrontées depuis le début des années 1990 à une grave crise, les organisations de pêcheurs ont pris en main la gestion de leurs zones de pêche et ont développé une multitude de pratiques complexes, adaptées à leurs territoires et à leurs besoins.

Des actions intéressantes de lutte contre la dégradation de l’environnement et de restauration des stocks, portées par les pêcheurs ou menées en étroite collaboration avec eux, sont réalisées. En Bretagne-Sud, dans le Pays bigouden, pêcheurs, ostréiculteurs, écologistes se sont fédérés pour restaurer des milieux estuariens, si importants dans les cycles écologiques. L’association Cap 2000 réunit depuis une dizaine d’années des ostréiculteurs, des pêcheurs et des agriculteurs du Morbihan autour d’actions pour reconquérir la qualité des eaux. Dans les Côtes d’Armor, des pêcheurs ont créé l’association AREVAL pour trouver des solutions aux problèmes écologiques posés par une espèce invasive, la crépidule.

Les pêcheurs de langoustines du Golfe de Gascogne se sont confrontés au problème de la sélectivité de leurs chaluts. Ils ont travaillé sur leurs engins et ont tous adopté des systèmes plus sélectifs : les scientifiques d’Ifremer ont validé leurs propositions en estimant qu’environ 14 millions de juvéniles de merlus sont épargnés chaque année par ces dispositifs.

Dans les Côtes-d’Armor, les pêcheurs ont très tôt décidé d’un cantonnement (la Horaine) sur leur zone de pêche dans lequel seule la ligne est autorisée. C’est d’ailleurs dans cette réserve que sont réintroduites les femelles homards marquées dans le cadre du programme V-Notching mené par le comité local des pêches de Paimpol-Lannion. Sur tout le littoral breton, les pêcheurs côtiers polyvalents ciblant la seiche ont adapté leurs casiers afin de réduire la mortalité par pêche en permettant aux pontes fixées dessus d’éclore.

Dans les années 1970, les membres du groupement coopératif de pêcheurs artisans de l’île de Houat, Bretagne-Sud, ont construit de leurs mains une écloserie qui leur a permis de produire et de relâcher en mer plusieurs centaines de milliers de juvéniles de homards. La rade de Brest est depuis une trentaine d’années réensemencée en juvéniles de coquilles St-Jacques. Les zones de semis sont laissées en jachère pour permettre aux coquilles de grandir jusqu’à la taille commerciale. Ce système se rapproche d’un fonctionnement autogéré puisque les licences payées par les pêcheurs servent à financer la production des juvéniles de coquilles Saint-Jacques. D’autres projets de réensemencement existent dans le Morbihan : huître, palourde, oursin violet…

Des initiatives de développement de systèmes alternatifs de l’utilisation de l’énergie, bien qu’encore très ponctuelles, sont lancées. Les pêcheurs développent des dispositifs de navigation à la voile pour suppléer leur moteur. En baie de Douarnenez, un pêcheur de coquillages à la drague a équipé son navire de focs à enrouleurs et parvient à économiser jusqu’à 20% de gasoil quand les vents sont favorables.

L’arrivée de denrées importées à des prix très compétitifs sur le marché national et l’effondrement du marché espagnol, traditionnellement gros importateur de produits halieutiques français, fragilisent périodiquement le secteur. Depuis la crise de la pêche de 1992-1993, les pêcheurs à la ligne bretons se sont fédérés et ont créé la marque collective Ligneurs de la pointe de Bretagne. L’opération est un succès : la transparence et la traçabilité de la commercialisation des poissons (bar essentiellement) garantissent aux consommateurs la qualité des produits et apportent une rentabilité supérieure au pêcheur.

L’expérience des Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne (AMAP) commence à s’étendre à la pêche. À Lorient par exemple, l’association Lorient Ensemble pour le Soutien à une Pêche Artisanale Responsable (LESPAR) s’est créée pour reconstruire le lien entre pêcheurs et consommateurs via un contrat de distribution hebdomadaire de produits halieutiques issus de la pêche artisanale lorientaise. Quarante familles ont ainsi préfinancé l’achat de leur poisson auprès de deux chalutiers.

En baie de Saint-Brieuc, les pêcheurs de coquilles St-Jacques ont très tôt encadré leur pêcherie. Ils ont pris en main l’aménagement de la pêcherie et ont mis au point des outils pour la rendre pérenne : licences contingentées délivrées sous conditions du respect de caractéristiques techniques des navires et des engins, de la réglementation (zonages, dates et horaires de pêche). Ils paient même le contrôle de leur propre pêcherie : l’argent des licences sert en partie à financer l’affrètement d’un avion de contrôle des fraudes. De plus, une usine de décorticage des coquilles permet d’écouler l’excédent de production qui ne trouve pas d’acheteurs en frais et d’optimiser la commercialisation. Ainsi 250 bateaux et plus de 500 pêcheurs garantissent leur avenir même s’ils doivent aujourd’hui composer avec des projets de parcs éoliens en plein milieu de leur zone de pêche. De même, il existe une gestion particulièrement fine d’autres gisements de coquillages : palourdes et coques (Rivière de Pont-l’Abbé), coquilles St-Jacques (Morlaix, Rade de Brest, Glénans). Un autre exemple remarquable et spécifique au Finistère est la gestion du champ d’algues par les goémoniers du Nord-Finistère. La gestion de l’espace concerne également la planification de la cohabitation entre métiers : l’exemple le plus probant depuis quinze ans est le partage des zones de pêche entre chalut et arts dormants en Iroise et dans le Nord-Finistère avec alternance suivant les coefficients de marées.

L’implication des pêcheurs dans la démarche exemplaire qu’est la création du Parc National Marin d’Iroise prouve que de belles expériences de coopération sont possibles entre pêcheurs, scientifiques, écologistes et administrations, et peuvent permettre de gérer à la fois la pêche et la protection de la biodiversité, de développer des initiatives nouvelles.

Key words

fishing, traditional fishing, fisherman, local development, company and local development


, France, Bretagne

file

Fishworkers’ Challenges and Initiatives in the World. Selections from ICSF publications ‘Samudra Report’ and ‘Yemaya’

Notes

Cet article a été publié dans Samudra 55, March 2010. Cette fiche existe également en anglais et espagnol.

Source

Pour plus d’information :

www.peche-dev.org

Collectif Pêche et Développement

www.ifremer.fr/francais/index.php

Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer

archimer.ifremer.fr/doc/1989/rapport-2202.pdf

La dynamique des pêches côtières du pays bigouden Bretagne, France

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