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Quartiers durables, quartiers sans voitures : entre l’expérimental et l’exemplaire

Les démarches d’éco-construction se sont d’abord développées aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suède, et se diffusent aujourd’hui en Europe

Cyria Emelianoff

2001

Une autre approche relevant de la planification consiste à édifier des quartiers dits « durables ». Les démarches d’éco-construction se sont d’abord développées aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suède, et se diffusent aujourd’hui en Europe. Ces quartiers assez denses et mixtes, fréquemment implantés sur des friches, jouent à la fois le rôle de vitrines et de manifestes d’urbanisme « durable ». Ils sont un peu le pendant des opérations de « new urbanism » qui fleurissent en Amérique du nord, tout en étant plus écologiques et en s’intégrant souvent dans une politique de développement durable conduite à l’échelle de l’agglomération.

Il semble légitime de s’interroger sur le profil social de ces nouveaux ensembles « à haute qualité de vie » et de se demander si les efforts réalisés pour obtenir initialement une mixité sociale, grâce à un ratio de logements sociaux, suffiront à endiguer les processus probables de ségrégation. Dans l’ensemble, les villes allemandes et néerlandaises appréhendent plutôt un peuplement trop social qu’une « gentrification ». L’offre de logements étant collective (immeubles ou maisons en bande), les classes aisées tendent en général -mais pas toujours- à s’en détourner. Les quartiers fermés construits par des promoteurs privés, qui exploitent le double argumentaire de la sécurité et de la qualité environnementale, constituent une menace plus sérieuse en matière de ségrégation écologique et sociale.

Le quartier Vauban de Fribourg, ville universitaire caractérisée par un engagement de longue date en faveur de l’environnement, s’est voulu ainsi exemplaire sur un plan écologique et social. Il s’est installé sur l’emplacement d’anciennes casernes, à 2,5 km du centre, et les bâtiments militaires ont été transformés en foyers pour étudiants et demandeurs d’asile. Le quartier offre des logements diversifiés pour 5000 habitants à terme, ainsi que des surfaces d’activités, parfois au sein de bâtiments polyfonctionnels, mêlant bureaux, appartements et commerces (1). Les premières tranches sont réalisées mais l’achèvement est prévu pour 2006.

Ce quartier est bâti d’après les principes de l’éco-construction (matériaux écologiques, faibles consommations énergétiques), desservi par un réseau de chaleur alimenté par une petite centrale de cogénération, et par une trame verte et bleue, réduisant l’imperméabilisation des sols. Les réseaux de cheminements doux et l’arrivée prochaine du tramway s’assortissent d’une dissuasion automobile à l’intérieur du quartier, la vitesse étant limitée à 30 km/h sur l’allée de desserte principale et à 10 km/h sur les axes secondaires. Pour les foyers motorisés (50% des résidents), deux parkings sont disponibles à la périphérie du quartier.

Les habitants ont participé à la conception des logements et du quartier. Certains se sont organisés en groupes de propriétaires-promoteurs pour abaisser le coût de la construction et décider de la conception de leur logement, d’autres ont créé une coopérative de construction écologique. Les habitants les plus actifs ont une forte conscience écologique. Bien que le conseil municipal alloue les parcelles et les logements en fonction du profil social des demandeurs, afin d’assurer une mixité sociale, on dénombre à Vauban une majorité de cadres supérieurs et de professions libérales. Les ouvriers, employés et fonctionnaires représentent environ un quart des habitants du quartier, ce qui, comparé à d’autres quartiers, n’est pas un mauvais résultat.

Avec une vocation plus sociale, le nouveau quartier durable de Nüremberg, construit à l’emplacement des anciens abattoirs, à 1 km du centre historique, financé à moitié par le Land de Bavière, regroupe des logements, dont 30% de logements sociaux, des locaux communaux et culturels, des bâtiments industriels et un parc (2). Les sols ont été décontaminés et certains bâtiments ont pu être réutilisés. Les parkings ont été également construits en périphérie du quartier.

Il existe d’autres quartiers dits sans voiture, comme par exemple celui de GWL (3), qui borde le centre médiéval d’Amsterdam : un petit quartier dense de 600 logements, récemment construit, doté d’espaces publics diversifiés, laissant place à des jardins privés en pieds d’immeubles (4). La réhabilitation du bâtiment de l’ancienne compagnie municipale des eaux lui confère un certain cachet architectural. Le profil social du quartier est volontairement élevé, la ville ayant souhaité attirer des familles plus aisées dans une zone par ailleurs paupérisée. Les nouveaux quartiers durables prolongent la politique qui consiste à attirer en zone dense des classes relativement aisées. Les politiques de mixité sociale aux Pays-Bas sont souvent inversées par rapport à la façon dont nous les conceptualisons en France.

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Les villes européennes face au développement durable : une floraison d’initiatives sur fond de désengagement politique

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Tiré de : Les villes européennes face au développement durable : une floraison d’initiatives sur fond de désengagement politique

Par Cyria Emelianoff (Groupe de Recherche en Géographie Sociale de l’Université du Maine, ESO, UMR 6590 du CNRS)

Notes

1 Cette présentation reprend le travail de D. Gauzin-Müller, 2001. L’architecture écologique, Le Moniteur, Paris, 286 p.
2 Ranson I., 2000. Un « projet modèle d’habitat social, écologique et peu coûteux » à Nuremberg, Villes et développement durable. Des expériences à échanger. Deuxième recueil, MATE, Paris.
3 Ce qui signifie qu’en l’absence de places de parking, un certain nombre d’habitants renonce à la motorisation. 57% des ménages ne sont pas motorisés dans ce cas précis.
4 Pour d’autres exemples, on peut se reporter à l’ouvrage de Dominique Gauzin-Müller, dont est extrait cet exemple, p 76.
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