Les systèmes de production électrique hors réseau national, méticuleusement planifiés, font face à une menace sérieuse due à l’extension au petit bonheur de ce dernier. « Des subventions sont octroyées, des centrales sont construites et puis mises en sommeil aussi vite que le réseau arrive », affirme Ratna Sansar Shrestha, analyste de la politique de l’eau et de l’énergie. Malgré les coupures de courant longues et fréquentes, nombreux sont ceux qui préfèrent l’électricité du réseau national aux problèmes et coûts d’entretien des centrales électriques hors-réseau.
« Au final, les systèmes hors-réseau isolés vont à l’échec. Le gouvernement devrait préparer un plan de route clair pour maintenir certaines zones hors-réseau », dit Ramashwar Yadav, responsable général (électrification) de la Nepal Electricity Authority (NEA).
La très petite taille des producteurs hors-réseau rend difficile leur partenariat avec la NEA, sur le modèle des groupements d’usagers (Cf. Un mouvement de consommateurs est né). La Loi sur l’Électricité (Electricity Act) ne permet pas à l’organisme gouvernemental d’acheter de l’électricité à des centrales gérées communautairement pour les intégrer au réseau, à moins que la communauté produise au minimum de quoi alimenter une sous-station de 33kva, une condition que de nombreuses petites installations ne remplissent pas, souligne Narayan Chaulagain, le directeur du Centre pour la Promotion des Énergies Alternatives (Alternative Energy Promotion Centre, AEPC).
Les technologies de synchronisation pour transférer l’électricité des systèmes hors-réseau au réseau national sont très coûteuses. L’AEPC fait des progrès dans ce sens mais il fait face à l’opposition de la NEA, pour des raisons essentiellement techniques. Une fois reliée au réseau, la qualité de l’électricité devient un élément critique, dit Shrestha. Connecter les petites contributions des technologies hors-réseau (dont certaines sont de seulement 15 kva) au réseau national contient le risque réel de faire dysfonctionner l’ensemble du réseau ; les technologies disponibles ne sont pas assez sophistiquées pour harmoniser les fréquences de ces petits systèmes disparates avec des fluctuations constantes de voltage, explique-t-il.
Des expériences sont en cours pour relier les systèmes hors-réseau. L’agence de développement allemande GTZ gère un projet pilote à Terhathum dans l’Est du Népal au nom d’une équipe conjointe mise en place par les Ministères de l’Environnement et de l’Énergie, pour synchroniser une centrale hydroélectrique de 200 kW avec le réseau, via un accord d’échange d’électricité (Shrestha et Chalagain sont membres de l’équipe). En période de pénurie le groupement d’usagers achète de l’électricité au réseau et, inversement, il en vend au réseau en période d’excès.
Un projet pilote de REDP à Baglung dans les montagnes de moyenne altitude a connecté sept turbines hors-réseau de 10 à 40 kW pour créer un mini-réseau de 128 kW. Le choix est judicieux puisque la construction d’une route à Baglung offre aux communautés la perspective de distribuer de l’électricité aux machines cassant les pierres et consommant 50 kW. En 2006, REDP a testé avec succès la synchronisation de l’électricité d’une turbine de 50 kW avec le réseau à l’Institut d’Ingénierie dépendant de l’Université Tribhuvan à Katmandou.
Une nouvelle loi est nécessaire
Malgré les arrêtés sur l’électrification communautaire, l’électrification rurale au Népal a progressé dans un vide politique et législatif. « Nous n’avons pas de politique claire ou de législation ciblée sur l’électrification rurale », dit D.P. Ghimire, directeur de la NACEUN.
La Loi sur l’Électricité 2065 (2009) pourrait être utile : elle rationalise les procédures de contrat, rend prioritaires les besoins énergétiques domestiques par rapport aux projets orientés vers l’exportation, autorise le commerce d’électricité par des entités privées et dégroupe la NEA. La loi est actuellement examinée par le comité statutaire du Parlement et devrait être à l’ordre du jour de la session d’hiver 2010.
« La loi vise à réduire le vide entre l’agence gouvernementale, dont le siège se situe à Singha Durbar à Katmandou, et les groupements communautaires qui investissent dans l’électrification de leurs villages », dit Ghimire.
Les groupements d’usagers et les planificateurs du développement ont fortement fait pression pour amender le texte afin de promouvoir les intérêts des groupements d’usagers mais ce n’est pas sous cette forme que la loi a été présentée au comité parlemenaire, dit Shrestha.
Un amendement plus ambitieux, qui risque de devoir attendre que l’actuelle version de la loi soit adoptée, vise à remplacer le Département d’Électrification Rurale Communautaire par une Autorité de Développement de l’Électicité rurale (Rural Electricity Development Authority, REDA) qui ne serait pas sous la tutelle de la NEA mais parallèle à celle-ci et rendant directement des comptes au Gouvernement. Cela permettra de rationaliser la politique et les projets d’électrification rurale et de créer un fonds central, similaire au fonds d’énergie de l’AEPC qui attire les financements des donateurs.
La NEA ne peut pas continuer à répondre aux demandes d’extension du réseau sans l’aide des donateurs internationaux. Elle a perdu 12 milliards de roupies l’année dernière à cause des fraudes et des pertes de transmission, des frais courants, d’un personnel excessif et d’une faible demande d’électricité dans les zones rurales. Le gouvernement a annoncé seulement récemment une subvention d’un milliard de roupies pour un an afin de soutenir les efforts d’extension du réseau par les communautés.
La REDA canalisera l’argent, formulera la politique et exécutera, dirigera et régulera les projets d’électrification rurale dans le pays.
Certains poussent pour des changements dans la réglementation de la NEA afin d’aplanir les différences entre les groupements d’usagers et les installations gouvernementales, par exemple afin de clarifier la propriété des biens après l’électrification. Les groupements des membres de la NACEUN (National Association of Community Electricity Users-Nepal) ont investi collectivement près de 710 millions de roupies dans les lignes de transmission, les poteaux, les transformateurs, les compteurs et les fils. Jusqu’à présent la NEA détient les infrastructures du système tandis que les groupements d’usager prennent en charge les coûts de maintenance.
De tels changements de réglementation, s’ils sont approuvés, aligneront l’électrification rurale avec l’esprit décentralisé des coopératives. Par exemple, les groupements d’usager pourront offrir une main d’Ĺ“uvre qualifiée ou des matériaux locaux pour diminuer leur contribution en liquide. Mais la poussée de la décentralisation vers une véritable dévolution, au moins au niveau du district, pourra affecter ceux qui veulent changer la donne. « Pourquoi embaucher un entrepreneur de Katmandou ? », demande Ghimire.
electricity, rural development, civil society, public sector and private sector relations, energy policy
, Nepal
When villages plug in: Rural Electrification in Nepal
Lire l’original en anglais : Two steps at a time
Traduction : Valérie FERNANDO
Lire les autres articles du dossier de Down To Earth :
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Aditya BATRA, Two steps at a time, in Down To Earth, 15 mai 2010
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