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dialogues, proposals, stories for global citizenship

La profondeur de nos traités

Face à la marchandisation de la nourriture et des moyens d’existence, la Première Nation de Bear River (Micmacs) fait de la résistance

Sherry PICTOU

11 / 2009

« Tant que brillera le soleil,

Tant que couleront les rivières,

Nous respecterons ce que nous

avons convenu.

Je ne suis pas certain que toutes

les parties comprennent

La profondeur de nos traités ».

—Frank Meuse Junior, ancien Chef,

Dans le même bateau, 2007

www.d-p-h.info/images/photos/8135_lobster.jpg

Jusqu’à une date récente, le seul mécanisme disponible pour traiter des problèmes d’accaparement de terres ancestrales et de déplacements de populations autochtones au Canada était le pesant Processus des revendications territoriales globales. Le jugement de la Cour Suprême dans « l’affaire Marshall », qui se fondait sur les traités de 1760 et 1761 avec les Micmacs, a permis d’inclure les espaces aquatiques dans le champ des revendications possibles, et de lancer les négociations en vue d’un traité avec les Micmacs de Nouvelle-Écosse. Entre temps cependant, le gouvernement a mis en Ĺ“uvre des accords de pêche commerciale, appelés « accords MacKenzie » (du nom du négociateur pour le gouvernement fédéral).

Il se trouve que la Première Nation de Bear River a sa propre façon de concevoir la pêche, comme source de nourriture et comme moyen d’existence, qui résulte d’une antique relation avec la nature, empreinte de respect et visant l’autosuffisance afin d’éviter la faim et la maladie. Dans la langue micmaque, cette relation est appelée netukulimk. Malheureusement, la marchandisation et la privatisation croissantes du secteur de la pêche commerciale laissent peu de place aux pratiques communautaires durables et à tout ce savoir. Cela est particulièrement évident dans l’imposition des quotas individuels transférables aux pêcheries de pétoncles et à la plupart des espèces de fond. Répercutant l’opinion du Chef Frank Meuse Junior, la Première Nation de Bear River estime que ces accords de pêche ne servent qu’à intégrer les Premières Nations dans le processus de marchandisation et à édulcorer les droits fondés sur les traités. C’est pourquoi la Première Nation de Bear River avait décidé de ne signer aucun accord de pêche.

Dans l’affaire Marshall, il y a une bonne documentation sur le jugement du 17 septembre 1999, complété par l’arrêt du 17 novembre 1999 (appelé Marshall 2). Mais pour ce dernier, on a surtout parlé de droits de pêche commerciale qui sont assujettis à la réglementation ordinaire alors qu’il y est aussi question de communautés locales : « Les traités et les avantages réciproques en découlant avaient un caractère local. En l’absence d’une nouvelle entente avec l’État, l’exercice des droits issus de traités se limite au territoire traditionnellement utilisé par la communauté locale qui a conclu un traité séparé mais similaire » (R.v.Marshall, [1999] 3 S.C.R. 533).

Règlements

Les terres ancestrales de la Première Nation de Bear River se situent dans des secteurs où la pêche était autrefois très lucrative. Mais la réglementation actuelle et les systèmes de QIT chassent des eaux locales les pêcheurs autochtones et non autochtones qui cèdent la place à des opérateurs lointains titulaires de licences et quotas et à de gros armements.

L’intégration des Premières Nations dans la pêche commerciale est souvent présentée comme un succès. La Première Nation de Bear River estime au contraire que ce processus mine leurs droits découlant des traités car des industries extractives et des champs d’éoliennes viennent accaparer les territoires ancestraux (sur terre et sur mer).

La loi oblige à consulter les Premières Nations lorsqu’une activité est susceptible de porter préjudice aux droits « aborigènes ». Mais il est rare que la consultation atteigne le niveau local. Lorsque cela arrive, il s’agit habituellement de démarches initiées par l’Administration ou le secteur industriel concerné qui cherche son intérêt : toutes choses qui apportent uniquement la division au sein des communautés. Il y a eu quand même une exception : l’affaire de la carrière de White Point où une commission d’évaluation de l’impact environnemental a recommandé de ne pas autoriser cette exploitation au motif que « les valeurs fondamentales de la communauté en souffriraient ».

La Première Nation de Bear River continue à poursuivre l’idéal d’une petite pêche pourvoyeuse de nourriture et de moyens d’existence en s’alliant avec d’autres pêcheurs locaux non autochtones touchés par la privatisation et la marchandisation, en s’informant et en pratiquant le netukulimk. À cet égard, elle a pris diverses initiatives : restauration des habitats du poisson et des rivières, développement d’une pêche répondant aux besoins alimentaires de toute la communauté, essais de gestion communautaire. Elle a également participé à la réalisation du film Dans le même bateau de Martha Steigman, doctorante et militante à l’Université Concordia. Elle a aussi travaillé avec le réseau Coastal Learning Communities, avec Arthur Bull, directeur du Centre des ressources marines de la baie de Fundy, avec l’anthropologue John Kearny. Elle a aussi été active au sein du Forum mondial des populations de pêcheurs (WFFP).

Les partisans du tout-entreprise ont du mal à comprendre les principes fondamentaux d’une relation équilibrée entre les humains et l’environnement. Il semble que les populations autochtones, partout dans le monde, savent d’instinct que la surexploitation des ressources naturelles au bénéfice d’un petit nombre finit par une catastrophe.

Le Canada a clairement affiché son mépris à l’égard des pratiques et technologies traditionnelles en mars 2009 lorsqu’il a refusé d’accorder son soutien à la pêche artisanale au cours de la 28ème session du COFI (Comité des pêches de la FAO). Le Canada a également perdu de sa crédibilité en votant contre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui contient le principe du « consentement préalable et informé ».

Le Canada a beau tenter de nier son passé colonial et de négliger les droits des peuples autochtones, il n’en reste pas moins vrai que les pratiques autochtones, traditionnelles et coutumières sont encore nécessaires pour lutter contre la faim et la pauvreté à travers le monde.

Key words

traditional fishing, fishing, indigenous peoples, privatization, management of natural resources


, Canada

file

Fishworkers’ Challenges and Initiatives in the World. Selections from ICSF publications ‘Samudra Report’ and ‘Yemaya’

Notes

Cette fiche existe également en anglais et espagnol.

La Première Nation de Bear River. www.bearriverculturalcenter.com/aboutbearriverfirstnation.aspx

Les Micmacs : culture et spiritualité. www.muiniskw.org

Association micmaque d’études culturelles. www.mikmaq-assoc.ca

Bref coup d’oeil historique. mikmawey.uccb.ns.ca/overview.html

Coastal Learning Communities Network. clcn.seedwiki.com

Film Dans le même bateau. inthesameboat.net

Film Les droits des traités ne sont pas à vendre. citizenshift.org/node/1053&term_tid=81268

Position du Canada : Projet de déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. www.ainc-inac.gc.ca/ap/ia/pubs/ddr/ddr-fra.asp

ICSF (International Collective in Support of Fishworkers) - 27 College Road, Chennai 600006, INDIA - Tel. (91) 44-2827 5303 - Fax (91) 44-2825 4457 - India - www.icsf.net - icsf (@) icsf.net

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