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La dualisation de la ville de Shanghai

Shanghai est une métropole fragmentée pour aussi bien pour des raisons historiques que du fait de l’aménagement de son nouveau centre d’affaire moderne.

David Bodinier

2010

Shanghai est une métropole de taille mondiale dont la population est estimée à 17 millions d’habitants. C’est l’un des centres névralgiques de la Chine contemporaine, notamment le premier port et le premier centre financier connecté aux villes globales capitalistes. La ville se situe sur une aire métropolitaine qui s’étend sur plusieurs provinces, au centre du littoral chinois, et dans le delta du Yangzi. Une très forte densité caractérise la ville-centre de Shanghai à l’ouest du fleuve Huangpu. Cette zone résidentielle, contraste avec le développement moderne à l’Est du fleuve où se concentre le nouveau quartier d’affaire aménagé grâce à un projet de développement initié dans les années 90. Si l’objectif de la municipalité de Shanghai est de réduire la densité au centre ville, d’augmenter les espaces verts et d’aménager les espaces publics, cette politique a pour conséquence l’éviction de plus d’un million d’habitants du district central. Comme nous allons le voir, Shanghai est une métropole fragmentée pour aussi bien pour des raisons historiques que du fait de l’aménagement de son nouveau centre d’affaire moderne.

La dualisation de la ville de Shanghai, métropole du bas-Yanghzi, remonte à la colonisation européenne du milieu du XIXème. La distinction a été alors opérée entre la ville fortifiée (xian), considérée ville « indigène », et la construction de concessions anglaises, américaines puis françaises, strictement réservées aux résidents étrangers. Cette zone deviendra le coeur de ville. Au début du Xxème, la ville est constituée de deux entités urbaines distinctes : Nanshi, l’ancienne ville fortifiée, et Zhabei au nord regroupant les concessions étrangères, puis les nouveaux quartiers chinois. En 1943, les dernières concessions étrangères, notamment françaises, ont été rétrocédées au régime chinois. Des transformations fondamentales seront introduites par le pouvoir communiste, à partir de 1949, qui impose la disparition de toute mobilité résidentielle entre les deux niveaux de ville, et entre la ville et les zones rurales, entérinée par l’établissement d’une municipalité duale et la destruction de lieux de sociabilité historiques. La dualité est restée permanente entre le nord-est et le sud ouest de la ville où se trouve respectivement les industries et la zone résidentielle. Discréditée par le pouvoir communiste, Shanghai connaît pourtant une importante croissance liée à l’industrialisation des années 50 et 60 qui a provoqué la création de banlieues industrielles. Le début des années 80 marque le début des réformes urbaines avec la transformation du secteur moderne de l’économie, et une influence croissante des dirigeants Shanghaiens qui prôneront une politique de libéralisation économique et d’ouverture. Shanghai est appelé à devenir « la tête du dragon », le moteur du développement économique régional et national. La dualisation historique de la ville de Shanghai se déplace alors autour du fleuve Huangpu, avec le projet de développement d’un nouveau quartier des affaires situé à Pudong. Dès lors, c’est une nouvelle image de Shanghai qui voit le jour.

Alors qu’une nouvelle vitrine s’ouvre vers le monde, le « Vieux Shanghai » est menacé de disparition sous les coups des pelleteuses. Pudong a longtemps été une zone composée d’installations portuaire, de cités ouvrières et cabanes de riziculteurs, restée enclavée en l’absence de moyens de franchissement du fleuve Huangpu. Si le projet d’extension urbaine sur la rive Est du Huangpu existait depuis les années 50, il a fallu attendre le projet de développement adopté par le gouvernement central, pour permettre l’ouverture d’une zone économique libérale dans le district. L’objectif est de créer une zone polyvalente, ouverte sur le monde, ultramoderne, qui permette de ranger la ville de Shanghai dans le peloton de tête des plus grands centres économiques et financiers. En quelques années, le projet urbain de Pudong a transformé le skyline de Shanghai, avec son quartier d’affaire Lujiazui, où une centaine de gratte-ciel dominent le fleuve. Alors qu’il n’existait aucun pont jusqu’en 1993, ce sont 4 ouvrages d’art qui enjambent désormais le fleuve. A cela s’ajoute des infrastructures d’importance pour le rayonnement de Shanghai, comme le nouvel aéroport international qui a une capacité d’accueil de 70 millions de passagers par an.

Cette zone contraste fortement avec l’ancien centre de Puxi, à l’ouest du fleuve Huangpu. En effet, le développement de Pudong s’accompagne d’un vieillissement accéléré de Puxi, où se trouve une caractéristique architecturale et sociale de Shanghai : les lilong. Selon Françoise Ged, les lilong sont « des pâtés de maisons jointives, desservies par un réseau de ruelles intérieures et ne communiquant avec les voies urbaines que par une entrée en forme de porche ». Ces espaces restent le premier lieu d’identification des citoyens à la ville : « le lilong est une communauté, il y a une culture du lilong, un mode de vie qui amène les résidents à des formes variées d’interaction. ». Pourtant ces quartiers sont en train de disparaître sous l’effet de l’économie de marché et du tourisme. De plus, la pauvreté de cette zone est importante : 1, 5 millions d’habitants soit 12% des résidents de la ville vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Deux groupes de populations se retrouvent exclus : les citadins au chômage et la population flottante sans-emploi. Dans l’ombre du développement de Pudong, une partie du « Vieux Shanghai », qui constitue son essence, est en train de disparaître car les logements sont souvent délabrés. S’il existe une politique patrimoniale qui a pour objectif la préservation de certains lilong, ce sont les spéculations commerciales qui prévalent souvent sur les objectifs patrimoniaux. La dualisation croissante de Shanghai, entre d’une part le centre ancien et d’autre part le nouveau quartier d’affaire, est aggravée par l’existence de deux administrations distinctes. Les entités se retrouvent en situation de concurrence, en faveur de Pudong qui accueille 12% des habitants mais désormais 25% du PIB municipal.

Le projet de développement urbain de l’exposition urniverselle de 2010 conçu par une équipe française propose de réconcilier les zones, de part et d’autre du fleuve, en s’appuyant intégralement sur la reconversion de terrains industriel et portuaires. Les quartiers de Puxi et Pudong seront reliés par le Pont aux fleurs de 600 mètres de long et de 250 mètres de haut. Le projet urbain propose également la mise en place d’une infrastructure environnementale à travers la construction d’un réseau de canaux formant une ellipse. Pour l’équipe d’architecte, ce réseau de canaux est une façon de construire la ville autour du fleuve et d’élargir l’aire d’influence du fleuve, dans l’esprit du slogan de l’exposition universelle « better city, beter life ». Il semble toutefois probable que l’exposition universelle accélère le processus de destruction du Vieux Shanghai.

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Exclusion et fragmentation urbaine

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  • Voir la fiche action FPH, Développer à Shanghai un site ressources international sur la gestion des grandes métropoles, www.fph.ch/fr/nc/actions.html?tx_fphfiches_pi1[actionId]=46&tx_fphfiches_pi1[print]=1&cHash=488a9fdedf

  • Voir le dossier scientifique sur le site Géoconfluence,

Les divisions de la ville à Shanghai : les mots de la croissance métropolitaine

Source

Christian Henriot et Zheng Zu’an, Les divisions de la ville à Shanghai (XIXe - XXe siècles) in Topalov, C. -Nommer les nouveaux territoires urbains ; Les divisions de la ville- Co-édition des Éditions UNESCO et de la Maison des sciences de l’homme - 2002 - 2003.

Scherrer Franck, La rive urbaine en Chine. Figures de la relation au fleuve dans l’urbanisme et l’aménagement des villes du bas Yangzi, geocarrefour, vo 79/1, 41-48

photo : Architecture Studio, Dossier de Presse, décembre 2001

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