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Accès à la terre, les recommandations du Rapporteur Spécial des Nations-Unies sur le Droit à l’alimentation

01 / 2010

Que fait le Rapporteur spécial des Nations-Unies sur le droit à l’alimentation ? Quelles sont ses fonctions ? Le Rapporteur spécial dispose d’un mandat de 3 ans pour faire un rapport au Conseil des Droits de l’Homme et à l’Assemblée Générale des Nations-Unies. Le rapport doit contenir des recommandations pour améliorer la mise en Ĺ“uvre du droit à l’alimentation, droit de l’homme fondamental faisant partie des droits économiques, sociaux et culturels. Succédant à Jean Ziegler, le rapporteur spécial actuel Olivier de Schutter est entré en fonction en 2008 et son équipe travaille sur différents aspects du droit à l’alimentation, en particulier les questions foncières. Le droit est pensé comme un outil au service des luttes sociales.

Comment le cadre du droit à l’alimentation peut contribuer à sécuriser l’accès à la terre ?

Les témoignages des partenaires du Sud ont montré pendant le forum de Montreuil combien les inégalités dans l’accès à la terre étaient criantes. Les droits à la terre se conquièrent plus qu’ils ne se reçoivent : ce sont le fruit de luttes nationales relayées à l’international. L’amélioration de la sécurité sur les terres et d’un accès plus équitable à la terre est crucial pour au moins quatre raisons :

1. 50% des gens qui ont faim sont des petits paysans disposant de moins de 2 hectares ; et 20% n’ont pas de terre du tout. La question de la terre est donc liée à la question du droit à l’alimentation et donc des droits de l’homme. Ainsi, l’accès à la terre est primordial dans la lutte contre la faim.

2. Un accès plus équitable à la terre, et une sécurité du maintien sur les terres est un facteur de croissance économique, de développement et de réduction de la pauvreté. Une étude de la Banque Mondiale sur les politiques foncières dans 73 pays entre 1960 et 2000 a conclu que les pays ayant une répartition plus égale de la terre au moment initial avaient des taux de croissance 2 à 3 fois plus rapides que ceux ayant une répartition inégale de la terre. C’est le cas de Taïwan, de la Corée du sud et de la Chine qui ont tous à un certain moment fait des réformes agraires massives et importantes.

3. Sur le plan économique, à petite échelle, l’agriculture paysanne est plus efficace. Le rendement par hectare est plus élevé, et on crée beaucoup plus d’emplois que dans un modèle d’agriculture industrielle.

4. Une sécurité foncière encourage les paysans à investir dans des modes d’agriculture plus durables que les pratiques courantes.

À l’inverse, quatre tendances paraissent particulièrement inquiétantes :

1. Le morcellement des parcelles. À chaque génération, les parcelles se morcellent, en Inde par exemple, on est passé de 2,6 hectares par personne à 1,4 en 2000. Dans certains pays, on ne peut plus vivre de la terre dans des parcelles aussi petites.

2. Le changement climatique et ses conséquences : dégradation des terrains, désertification, réfugiés climatiques.

3. L’augmentation de la compétition pour la terre avec le développement des agrocarburants.

4. La concentration des terres entre les mains des grands producteurs, dans le contexte de libéralisation du commerce.

Dans ce contexte, le Rapporteur spécial souhaite traiter de trois défis principaux au cours de son mandat :

Améliorer la sécurité foncière par le droit et les normes

On sait que le contexte national est d’avantage adapté en matière de foncier, mais le droit à l’alimentions peut également contribuer à l’accès à la terre. Le droit à l’alimentation est un cadre international qui a été énormément développé ces quinze dernières années. Il part de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Protocole International sur les droits économiques, sociaux et culturels. Il a été récemment repris par la FAO dans ses Directives volontaires sur le Droit à l’alimentation qui établissent des lignes directrices pour la réalisation du droit à l’alimentation. C’est la première fois qu’une Agence internationale ne s’occupant pas directement des droits de l’homme se positionne sur un des droits économiques, sociaux et culturels. Des États sont maintenant en train de mettre cette directive en pratique, de l’insérer dans leur Constitution, elle est donc très utile.

Une des dispositions de la FAO porte sur la réforme agraire et tous les États pourraient donc s’en prévaloir. Il existe aussi d’autres instruments du droit international sur lesquels on peut s’appuyer pour tendre vers un meilleur accès à la terre. Comme par exemple la Convention sur le droit des peuples indigènes et la Convention pour l’élimination de toute discrimination à l’égard des femmes.

Promouvoir une réforme agraire et remettre la redistribution des terres à l’agenda politique

Il faut donner les moyens aux pays en développement de racheter des terres. On envisage en ce moment de créer un fonds international destiné à cela. Le coût des réformes sera bien sûr très important, mais ce chiffre doit être comparé au coût actuel de la non utilisation de milliers de terres. En 2004, l’Union européenne a donné des lignes directrices sur l’alimentation. On constate que dans les années 1950-60, les donateurs accompagnaient les politiques de redistribution pour réduire les inégalités, ils ont malheureusement depuis cessé par peur de politisation du sujet, avec l’échec de certains gouvernements socialistes. Il est utile de dépasser ces craintes. C’est un défi culturel et financier à aborder de front pour remettre la réforme agraire à l’agenda politique.

Définir un cadre politique international régulant le rachat des terres par l’agrobusiness

Ce cadre pourrait comporter un volet sur la protection des individus contre les évictions. Sur ce sujet, la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme a apporté une jurisprudence très intéressante contre le Paraguay en 2006 affirmant que le droit des peuples indigènes prime sur le droit des investisseurs. Le principe du droit à l’autodétermination va dans le même sens. En effet, il stipule que tout peuple lorsqu’il est victime d’un oppresseur, a le droit de se défendre. Il est notamment défini dans l’article premier du Pacte sur les droits civils et politiques du 16 décembre 1966 : « tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. » Le Nicaragua a récemment utisé ce texte pour lutter contre des investisseurs voulant priver le pays d’une partie de ses ressources naturelles.

S’agissant de la Charte débattue et adoptée pendant le forum de Montreuil, le Conseiller Vanloqueren a fait deux commentaires en conclusion de sa présentation : Il est utile d’ancrer les revendications de la société civile dans les droits de l’homme, notamment le droit à l’alimentation, pour les raisons mentionnées ci-dessus. Il faut montrer dans l’argumentaire porté autour de cette charte le visage positif de l’agriculture paysanne ; en montrer les intérêts et les atouts (alimentation, emploi, respect des ressources naturelles…) pour peser dans les rapports de force et face aux promoteurs du libéralisme et de l’agrobusiness.

Key words

countryman farming, access to land, UN, economic, social and cultural rights, human rights, nutrition, property regulation, food security

file

L’accès à la terre dans le contexte de crise alimentaire, écologique, économique et financière mondiale

Source

Colloquium, conference, seminar,… report

D’après l’intervention de Gaëtan Vanloqueren, conseiller d’Olivier de Schutter, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation. Débat du dimanche 19 avril 2009.

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