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dialogues, proposals, stories for global citizenship

« Internet permet de sensibiliser aux problèmes des droits de la femme »

Julien BRYGO

09 / 2009

À 32 ans, Halima Oulami est directrice d’une ONG de défense des droits de la femme à travers l’audiovisuel et l’Internet. Basée dans les quartiers pauvres de Marrakech (Maroc), l’ONG El Amane (« la sécurité… pour la femme ») se sert des Technologies de l’information et de la communication (TIC) comme d’outils pour que les femmes se battent pour mieux défendre leurs droits. Rencontre.

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Quels sont les problèmes que vous combattez au Maroc ?

« Dans notre région, un des problèmes les plus fréquents est celui des jeunes filles qui quittent l’école ou refusent d’y aller. Les violences faites aux femmes sont également un fait inquiétant. Dans mon quartier, j’ai vécu la discrimination : les frères et les hommes ont toujours plus de droit que les filles, car ce sont eux qui subviennent aux besoins de la famille, selon la tradition. Personnellement, j’ai toujours été hantée par l’idée d’être meilleure que mes frères. On est censées aider notre mère à la maison, ne pas faire d’études, tandis que nos frères vont s’amuser. J’ai vécu la violence contre ma mère, contre les femmes de mon quartier. J’ai rêvé d’être avocate. Mais mon père était analphabète, comme ma mère. Il n’a pas vraiment d’expérience dans les études, comme personne dans ma famille d’ailleurs. Je suis la première personne de ma famille à être rentrée à l’université. Je ne savais pas où elle se trouvait, à Marrakech. Dans cette cité universitaire, il y a deux universités : Droit et Lettres. On a trouvé beaucoup de gens devant l’université de Droit, et peu devant l’université de lettres. Moi j’avais décidé depuis le début que je voulais faire du Droit mais je me suis finalement inscrite en Histoire-Géographie, c’est plus proche de moi par rapport à d’autres branches. J’ai fait mon mémoire sur « la gestion de la communauté », par l’intermédiaire de mon prof de droit à l’université. Par la suite, j’ai fait un stage à la commune pour faire une étude sur les problèmes du quartier Sidi Youssef Ben Ali, un quartier pauvre sur la route de Ouarzazate. »

Comment se déroule votre combat ?

« J’ai créé cette association en 2003. Actuellement, nous sommes treize. Nous avons commencé des ateliers d’éducation sur les droits humains de la femme. Qu’est ce qu’un droit, une convention nationale ? Comment peut-on vraiment travailler ensemble ? Nous organisons des formations aux droits de la femme et nous leur apprenons notamment les conventions internationales. L’objectif est d’informer au maximum sur les droits des femmes. L’un des axes de notre stratégie est de former les autres associations, pour mobiliser au maximum sur ce thème. Nous avons commencé par notre quartier ; après deux ans, on a commencé à travailler avec d’autres quartiers de Marrakech, et on a mis en place comme stratégie la formation d’autres associations pour mobiliser davantage sur ce thème ; les animatrices que l’on forme enseignent dans leur langue maternelle, l’amazigh ou l’arabe, ça dépend des régions à Marrakech.

On a mis en place des cours d’alphabétisation pour encourager les femmes à venir à l’association. Il y a des femmes qui ne veulent pas venir pour leurs droits, donc on les convainc de venir pour les cours d’alphabétisation. C’est un moyen pour nous de les toucher sur le droit des femmes par la suite. Le but est de leur apprendre à avoir l’autonomie économique, elle doit être économique d’abord, pour qu’elles puissent décider pour leur vie. Aujourd’hui, des femmes arrivent à lire et à écrire, d’autres participent à la vie politique, comme électrices, d’autres encore ont réussi à lancer des projets économiques. On a travaillé avec plus de 2000 personnes dans la région de Marrakech : femmes et jeunes. Trois femmes ont créé des associations dans les campagnes. »

Comment aidez vous concrètement ces femmes ?

« Par exemple, un jour, une femme s’est enfuie de chez elle, avec ses deux enfants, victime de violences. Elle ne savait ni lire, ni écrire, ni parler. Elle n’avait aucun papier d’identification, ni pour elle ni pour ses enfants. Elle n’avait rien. Nous avons commencé à faire un carnet civil pour elle : ça a demandé presque six à huit mois. C’est nous qui avons été ses garants auprès de l’administration pour prouver son identité. Elle a obtenu une carte d’identité et aujourd’hui elle travaille au marché, pour vendre du sel, du poivre, des épices, de la cuisine. On lui a donné un petit crédit de 1000 dirhams, qu’elle pouvait rembourser en tranches pendant six mois. Elle a fait le ménage une fois à deux par semaine, ses enfants ont pu être intégrés sans papiers à l’école et nous avons commencé les procédures pour signer le contrat de mariage avec son mari. Malheureusement, il n’a pas assisté à la séance au tribunal. Nous avons proposé à la femme de réfléchir au fait de vivre avec lui et de le convaincre de venir au tribunal, où la plainte était civile et non pénale. Mais il n’a pas voulu. Aujourd’hui, elle loue une maison équipée et elle est aujourd’hui dans un meilleur niveau économique que lui. Elle n’a plus peur de lui parler, elle est comme libérée. C’est lui qui essaie de revenir maintenant. Avec la liberté économique, sa vie a changé et le regard de son mari est différent aujourd’hui. »

Quel est l’intérêt d’Internet dans votre projet ?

« Internet est très important au niveau de la sensibilisation de la population aux problèmes de droits de la femme ; au niveau de notre communication vis-à-vis des autres associations, pour faire la publicité de nos activités, ou encore la recherche de bailleurs de fonds. La subvention du PNUD s’est terminée cette année. Il reste donc des partenariats avec Global Rights, partenaire pour la Justice ou encore le Fonds mondial pour les droits mondiaux, le Global Fund for Women. L’intérêt d’Internet est de pouvoir publier des films qui montrent la réalité. « I-jumelage » va m’apporter de l’échange d’expérience, la possibilité de travailler ensemble, comme avec une association du Mali, Femmes et Tic, qui travaille sur la vidéo comme moyen de sensibiliser aux problèmes des droits de la femme. »

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