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Aménagement des sites de débarquement de la pêche artisanale en Afrique de l’Ouest

L’exemple du Sénégal

Pierre HERRY

09 / 2000

La Grande Côte du Sénégal est, en cette année 2000, le théâtre d’une opération de grande envergure relative à la promotion des produits et des métiers de la pêche artisanale. Les sites traditionnels de la pêche artisanale de St Louis, Kayar, Fass Boye, Yoff sont l’objet d’un aménagement en profondeur exceptionnel, particulièrement significatif au regard de la responsabilisation de l’ensemble des organisations professionnelles de la filière.

Ces cinq dernières années, les quatre sites ont connu un accroissement de 25 à 30 % des volumes débarqués, pour un total de 70/ 80 000 tonnes. A 80 %, cette production est mareyée en frais, destinée pour une large part à l’exportation. Elle contribue à faire de la pêche maritime la première source de revenus à l’exportation du Sénégal.

Un aménagement en profondeur

Afin de conforter cette dynamique et assurer aux opérateurs privés des garanties d’avenir pour la mise en marché de produits de qualité, il convenait d’assurer à l’échelle de ces quatre sites une opération d’aménagement en profondeur susceptible d’éradiquer quatre points critiques particulièrement sensibles :

  • une insalubrité notoire du fait de l’absence de réseau d’assainissement, de collecte de déchets, de points d’eau potable ;

  • une carence en espaces viabilisés pour le débarquement, l’entreposage, le micro-mareyage, le chargement des produits et le stationnement des véhicules de marée ;

  • l’insécurité des opérations d’accostage et de débarquement en raison de la barre et de l’absence d’éclairage pour l’activité nocturne ;

  • l’absence d’espaces viabilisés à la périphérie des sites, en capacité d’accueillir des d’activités en amont et en aval de la filière.

Sur chaque site, les aménagements se caractérisent par :

  • l’officialisation d’une assiette foncière sur le Domaine Public Maritime (DPM), correspondant aux espaces déjà occupés par les opérateurs du secteur, débarrassés de toutes les emprises n’ayant rien à voir avec les activités de la pêche artisanale ;

  • la viabilisation de l’ensemble du site : adduction d’eau potable, électricité, sanitaires, réseau d’évacuation des déchets ;

  • la construction d’un quai pour le débarquement et l’entreposage de la pêche ;

  • l’aménagement de voies d’accès et d’espaces de parkings ;

  • l’amélioration des conditions de travail : phares pour l’accostage, éclairage des quais et parkings, viabilisation des aires de transformation (dallage, sanitaires, éclairage, etc.) ;

  • une étude foncière visant à élargir l’emprise foncière opposable aux tiers à la périphérie du site afin de permettre aux opérateurs privés de disposer d’espaces pour leur activité : stations de carburant, complexes de mareyage, unités de froid, etc. Cette opération est d’autant plus urgente que l’on assiste à une accélération des emprises foncières du DPM par des opérateurs immobiliers du tourisme.

Une lente maturation

L’opération en cours résulte de plusieurs années de dialogue entre les opérateurs privés, leurs organisations professionnelles, des ONG d’appui-conseil investis dans le secteur et les partenaires publics concernés : le Ministère des Pêches, les Collectivités Locales. Une Convention de Financement entre l’État du Sénégal et la France permet d’asseoir la faisabilité financière de cette opération.

Elle s’est construite sur l’idée suivante : un programme d’aménagement concerté, responsabilisant les organisations bénéficiaires, doit s’inscrire dans un long processus d’adhésion-action, très consommateur en temps (généralement non pris en compte dans les projets de développement). Il s’agit au final d’obtenir une mobilisation des opérateurs privés (pêcheurs, femmes transformatrices et commerçantes, mareyeurs et micro-mareyeuses) capables de prendre en charge la gestion et l’exploitation d’infrastructures et d’équipements concédés par l’État.

Cette mobilisation, pour être efficiente sur la durée, va prendre appui sur les dynamiques socioprofessionnelles du secteur (il n’en manque pas !) et se concrétiser par la naissance d’une « interprofession » en charge de la gestion directe d’un outil collectif d’envergure, en l’occurrence ce que les sénégalais appellent « les Quais de pêche ».

Ce programme d’aménagement, en voie d’achèvement (août 2000), a été conduit suivant une logique d’intervention exceptionnelle, significative à bien des égards.

Une démarche interprofessionnelle

Pour chacun des sites, le démarrage des travaux n’est intervenu qu’à l’issue d’un consensus des diverses catégories professionnelles de la place sur :

  • la nature des aménagements ;

  • la gestion et l’exploitation des infrastructures par une interprofession (organisations de pêcheurs, de mareyeurs, de micro-mareyeuses, de femmes transformatrices).

L’intervention d’un groupe d’experts « interractifs », non permanent

  • une équipe restreinte de trois personnes venant en appui au Maître d’ouvrage : un Ingénieur en Génie Civil en charge de la supervision des travaux, un socio-économiste intervenant en appui aux Organisations professionnelles et aux Collectivités Locales, un Agent de l’Etat, coordonnateur de l’ensemble des relations avec les diverses Autorités nationales, régionales ;

  • un groupe de prestataires spécialisés : un Bureau de formation en gestion des PME, une ONG intervenant en appui institutionnel aux organisations professionnelles, un Cabinet Juridique, un Cabinet Comptable.

La gestion et l’exploitation des infrastructures par une structure interprofessionnelle

Si le principe d’une gestion par la profession avait été admis dès l’origine, encore fallait-il en vérifier la faisabilité. Cette responsabilisation des opérateurs privés constituait depuis longtemps une requête des organisations professionnelles.

Aussi, la perspective d’une rétrocession des infrastructures était-elle assortie d’une série d’obligations relatives à la gestion du site :

  • équilibre d’exploitation ;

  • création d’un fonds de réserves pour les travaux de maintenance ;

  • transparence comptable ;

  • embauche de personnels qualifiés : chef d’exploitation et comptable.

Un Conseil restreint de Gestion, composé d’environ 5/6 opérateurs par site, mandatés par leurs pairs, ont suivi pendant 18 mois un long parcours de formation dans le but de produire :

  • un budget prévisionnel d’exploitation, équilibré par les seules redevances à percevoir sur le site ;

  • un bilan d’ouverture de la « nouvelle entreprise » gestionnaire du site ;

  • un registre des redevances à percevoir auprès de tous les usagers des infrastructures ;

  • un règlement d’exploitation du site ;

  • un contrat avec un Bureau d’expertise comptable agréé.

Cette démarche de formation s’est conclue positivement sur l’ensemble des sites en août 2000. Elle a permis de définir l’assise entrepreneuriale, interprofessionnelle, pour l’exploitation des nouveaux « Quai de pêche ». La structure est de type GIE (Groupement d’Intérêt Économique).

Une gestion et une exploitation privée d’un bien public

Les infrastructures dites « Quais de pêche » demeurent propriété de l’État.

Une « Concession » des infrastructures de l’État à la Collectivité Locale concernée agissant en tant que Maître d’Ouvrage associé ; un « Acte juridique» a été produit à cet effet liant l’État à la dite Collectivité, ce dans le cadre de la loi de décentralisation des compétences de l’État ;

  • une « Rétrocession » entre la Collectivité Locale et le GIE sur la base d’un Cahier des Charges détaillant les obligations des parties.

C’est dans un an, en juillet 2001, que l’on pourra tirer les premiers résultats du programme d’aménagement des sites de pêche de la Grande Côte. A cette date, l’exploitation des infrastructures aura produit un ensemble de résultats que l’ensemble des parties concernées devront exploitées pour mieux asseoir la gestion des sites et conforter la responsabilisation de l’interprofession.

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CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France

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