Le monde de la solidarité internationale, par nature, se fonde sur la confrontation des cultures, en particulier sur le terrain, sur des projets d’urgence comme de développement. Le sous-estimer mène souvent à l’échec des opérations les mieux préparées et fait perdre tout son sens au concept même de partenariat. Réflexion à travers l’exemple du tourisme équitable et solidaire.
Le tourisme équitable et solidaire est envisagé par les associations de tourisme qui s’en réclament comme un outil de développement des populations les plus marginalisées et repose, dans sa forme la plus courante, sur la construction de relations équilibrées entre plusieurs partenaires, l’un situé dans le pays émetteur (au Nord) et le ou les autres dans le pays de destination (au Sud).
Construire ensemble
Les communautés rurales du Sud désireuses de se lancer dans le tourisme ont besoin de partenaires dans les pays émetteurs, non seulement pour disposer d’un accès au marché, mais d’abord et avant tout pour arriver à comprendre les touristes, leurs attentes, leur culture, voire éventuellement simplement pour comprendre ce concept occidental qu’est le tourisme. Un projet de tourisme équitable est donc une construction conjointe qui repose sur un partenariat, entendu comme « une méthode d’action coopérative fondée sur un engagement libre, mutuel et contractuel d’acteurs différents mais égaux, qui constituent un acteur collectif » (1). La construction de ce partenariat n’est jamais évidente et donne lieu à de nombreuses difficultés dont certaines ne sont pas étrangères à la nature humaine, découlant de luttes de pouvoir internes, de jalousies… Mais c’est sur deux autres types de difficultés que nous souhaitons insister : la question de la participation et celle des facteurs culturels.
Participer aux décisions ?
L’invocation excessive du terme de participation peut dissimuler, dans les faits, une absence de participation réelle des partenaires du Sud. Posons la question de savoir sur quoi porte la participation exactement. Sur la conception du projet ? Sur sa mise en Ĺ“uvre ? Sur son évaluation ? Ou a-t-on simplement consulté les partenaires de temps à autre ? Auquel cas, ce n’est qu’un pouvoir symbolique qui est accordé au partenaire…Car le véritable partenariat implique nécessairement un partage du pouvoir de décision. Et dans le cas du tourisme équitable où le concept est le plus souvent amené par le partenaire Nord, il sera d’autant plus difficile pour la communauté locale de prendre toute sa place dans les décisions et de s’impliquer que le cadre de référence du projet aura préexisté au partenariat. Le succès des projets de tourisme équitable dépend assurément de l’implication de tous les partenaires principaux à la construction du cadre initial du projet. Pour autant, travailler ensemble, c’est nécessairement produire du désaccord et se confronter. Ainsi, un véritable partenariat est inévitablement conflictuel, ce qui est sans conséquence s’il comprend le cadre permettant de régler les conflits.
Au-delà de la culture ?
Quand les désaccords persistent dans le temps et s’accentuent à travers un processus de cristallisation, ce peut être le signe d’une résistance de la culture cachée (2) d’un ou des partenaires. Alors même que les occasions de malentendus liés à l’interculturalité sont aussi nombreuses qu’il y a d’échanges communicatifs entre partenaires, la raison interculturelle est trop souvent oubliée du fait de notre inconscience profonde face aux différences culturelles : nous croyons naturellement que nos propres normes sont universelles. En prendre conscience peut être passablement perturbant car le monde que l’on s’était construit à travers le filtre de sa culture s’écroule. Comment dès lors continuer à construire ensemble à partir de cette prise de conscience ? En allant au-delà de sa culture (3) ? Autrement dit, en choisissant la voie métisse qui peut effectivement donner lieu à de nouvelles manières d’envisager le faire ensemble en situation d’interculturalité. Ces manières pourraient-elles déborder le cadre organisationnel pour donner lieu à une offre touristique métisse qui se manifesterait à la fois dans l’architecture des infrastructures et dans le contenu des séjours ? Il est à prévoir que les résistances seraient nombreuses, notamment de la part des touristes à la recherche d’une authenticité illusoire. Mais il nous reste à l’inventer.
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L’impossible dialogue des cultures ?
Altermondes n°16 - décembre 2008 > février 2009, www.altermondes.org
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