Un exemple de démocratie participative
Jean-Pierre PIÉCHAUD, Raoul PASTRANA
07 / 2008
Au moyen âge, l’Enclos du Temple, bénéficiant d’une franchise, accueillait déjà un marché.
Au XIXème siècle, après la démolition de la tour du Temple, une très grande halle métallique a été construite par un élève de Baltard, Jules de Mérindol, dans le but d’y accueillir des activités et des manifestations commerciales : Le Marché du Temple.
En partie amputée au début du XXème siècle, il subsiste de la construction de 1865 un ensemble imposant de trois travées, appelé dorénavant Le Carreau du Temple où s’est tenu pendant plusieurs décennies, après la deuxième guerre mondiale, un marché aux vêtements extrêmement actif.
Par la suite, à partir des années soixante-dix, le Carreau du Temple est tombé en désuétude et sa démolition a même été envisagée pour le remplacer par une nouvelle construction. Mais ce projet fut abandonné grâce à une forte mobilisation des habitants de l’arrondissement.
En 2002, la nouvelle municipalité de Paris et la Mairie du troisième arrondissement ont décidé de faire de ce bâtiment, élément remarquable du patrimoine du vieux centre de Paris, le grand équipement de proximité du 3ème arrondissement.
À partir de là, un processus tout à fait exemplaire d’élaboration démocratique de projet, a été mis en œuvre.
La présente fiche en souligne les éléments principaux.
Le Maire du 3ème et les élus du Conseil d’arrondissement invitent les habitants et les acteurs de la vie locale à exprimer leurs souhaits quant aux fonctions du futur équipement.
Pour cela, ils organisent un débat local en s’appuyant principalement sur une démarche de concertation proposée par l’Atelier Local d’Urbanisme du 3ème (l’ALU3). Issu d’une tradition militante vieille de plusieurs décennies, l’ALU3 est une association dont tous les membres bénévoles – simples citoyens, architectes, urbanistes, techniciens – sont des habitants de l’arrondissement.
La démarche a comporté 7 étapes :
1) Une première période d’information et de réflexion libre, portée par plusieurs groupes de travail ;
2) Un concours d’idées ouvert à tous, auquel environ 500 personnes ont participé et qui a abouti à 133 projets. Un document « éléments pour un cahier des charges », issu des groupes de travail et synthétisé par l’Atelier Local d’Urbanisme, en était l’outil de référence.
On notera que les propositions des habitants recueillies dans le cadre du concours d’idées avaient pu bénéficier de l’appui technique de l’ALU3 (aide sur le plan graphique ou rédactionnel, pour la présentation des dossiers) ;
3) Une exposition en Mairie du 3ème arrondissement, consacrée à la présentation des résultats du concours d’idées, sous la forme de panneaux ;
4) Une synthèse « publique » à laquelle tous les habitants pouvaient participer. Elle a permis de classer les « idées » en trois grandes familles de programmes baptisées 1) Le sport en avant, 2) La culture d’abord, 3) Un espace pour tous ;
5) Un vote local soigneusement préparé et mis en œuvre (un car/bureau de vote s’est déplacé dans l’arrondissement tout au long d’une semaine) qui a permis à plus de 4000 personnes (sur 32 000 habitants) d’exprimer leur choix, ce fut : « Un espace pour tous », (multifonctionnel - sport, culture, activités économiques – contribuant à répondre à tous les grands besoins de l’arrondissement) ;
6) La décision politique du Conseil d’Arrondissement et du Conseil de Paris de lancer le concours d’architecture et la procédure des travaux, en application du vote local ;
7) L’élaboration et la réalisation du projet lauréat (à partir d’octobre 2007).
Commentaire
Les principaux éléments de cette expérience exemplaire sont à rappeler :
La volonté affirmée des élus du 3ème arrondissement, de mettre en œuvre une démarche de démocratie participative sur ce projet ;
L’élaboration en amont d’une méthodologie précise pour accompagner de bout en bout le processus de concertation et de prise de décision ;
La volonté des élus de s’appuyer simultanément sur différents types d’acteurs :
les citoyens « ordinaires » tout d’abord : tout le monde était invité à participer aux groupes de travail, aux réunions en mairie, au concours d’idées ;
les associations : toutes étaient invitées à prendre part au débat ;
les Conseils de Quartier : ils étaient présents dans les groupes de travail et ils étaient membres du Comité de pilotage chargé de l’organisation du vote local ;
la mise à la disposition de la population d’experts associatifs (l’Atelier Local d’Urbanisme), les aidant à présenter leur dossier pour le concours d’idées ;
l’attitude de la Mairie du 3ème arrondissement et de la Mairie de Paris qui, tout en organisant la démarche, se sont tenus en retrait par rapport aux choix, puis ont respecté le vote de la population.
Face à cette approche innovante pour la phase amont du processus de décision, le projet est retombé ensuite dans les méandres du fonctionnement de la très grande administration qu’est la Ville de Paris.
Un long « silence » administratif (deux années !) a succédé à la période très riche et vivifiante de la concertation et du débat public. La période fut occupée par une laborieuse étude de faisabilité et par l’élaboration à huit clos du programme officiel du concours des concepteurs. Compte tenu de tous les délais successifs imposés par les différents services et autres intervenants, il apparaît que les travaux ne pourront débuter qu’en 2010 et que l’équipement ne sera mis en service qu’en 2013. Onze ans !
Les dernières étapes consacrées à la réalisation de l’équipement, après le concours d’architecture qui a eu lieu en septembre 2007 pourraient s’appuyer sur l’idée de développement durable, en approfondissant notamment :
les problèmes d’environnement : économies d’énergie et choix des matériaux, insertion de l’équipement dans la ville ;
les liens avec le développement social et culturel pour que le nouveau Carreau soit « en résonance » avec la vie du quartier ;
les liens avec la vie économique pour être, en quelque sorte, une vitrine des activités qui existent ou qui se développent dans le quartier.
Et aussi :
en relançant la participation dans le même esprit que durant les phases de conception de l’équipement ;
en organisant la concertation avec l’équipe de maîtrise d’œuvre ;
en lançant dès que possible des actions de préfiguration pour anticiper le fonctionnement de l’équipement, tester, expérimenter ses futures activités.
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, France, Paris
Territoires et développement durable
Expériences de démocratie participative
Les Agendas 21 des villes en France
Raoul PASTRANA est architecte – urbaniste. Il a été professeur à l’École d’architecture Paris – La Villette. Très impliqué, à la fin des années 1970, dans l’expérience innovante de l’Atelier Populaire d’Urbanisme du Quartier de l’Alma Gare à Roubaix, il a participé à de nombreuses expériences de revitalisation de quartiers anciens et de bâtiments historiques en France et à l’étranger, notamment dans le cadre de missions Unesco en Amérique du Sud et à Cuba. Il est président de l’Atelier Local d’Urbanisme du 3e arrondissement de Paris (ALU3).
Jean-Pierre PIÉCHAUD est urbaniste. Il a successivement travaillé dans l’aménagement et la planification urbaine, le logement, l’environnement urbain, la politique de la ville et du développement social urbain, avant de se consacrer à l’approche territoriale du développement durable. Il est vice-président de l’association 4D et cofondateur de l’Atelier Local d’Urbanisme du 3e arrondissement de Paris (ALU3).
Encyclopédie du développement durable 4D : www.encyclopedie-dd.org
Atelier Local d’Urbanisme du 3ème arrondissement de Paris
Georges Gontcharoff, Observatoire parisien de la démocratie locale
4D (Dossiers et Débats pour le Développement Durable) - Cité européenne des Récollets, 150 – 154 rue du Faubourg St Martin, 75010 Paris, FRANCE - Tél. : 01 44 64 74 94 - Fax : 01 44 64 72 76 - France - www.association4d.org - contact (@) association4d.org