Les croyants de différentes religions peuvent-ils prier ensemble et dans une même prière ? Quel sens peut avoir cette démarche ?
Les analystes de différentes religions (christianisme, judaïsme, islam, hindouisme, bouddhisme) sont tous du même avis : il est possible de prier dans un même lieu, mais pas dans une même prière, et cela ne serait même pas souhaitable. Par exemple le pape Jean-Paul II a été à l’initiative de rencontres pour la construction de la paix en 1986 : chaque confession priait dans un lieu différent, mais en même temps. S’il n’y avait pas de prière commune, c’était par souci du respect de l’autre et de sa tradition. Il ne s’agit pas de négocier en vue d’un consensus religieux ni de relativiser les croyances religieuses.
L’élaboration d’une prière commune, selon ces auteurs, apporterait un nivellement qui n’aurait pas de sens. Différents intervenants de ce livre sur la prière soulignent le fossé entre les religions musulmane, chrétienne et juive, dans lesquelles dieu a créé l’homme, et l’hindouisme ou le bouddhisme où cela n’est pas le cas : comment adresser une prière commune ? Dans ces deux dernières religions, la prière s’assimile à un recueillement, mais il est difficile de s’adresser à dieu comme interlocuteur. A cela s’ajoute la question linguistique, qui est elle aussi importante.
Pourtant des formes de collaboration existent, des rencontres ont lieu.
Dans le judaïsme, c’est à partir du 16ème siècle, avec les rabbins Joseph Caro et Moché Issarlès que le dialogue avec d’autres religions s’ouvre, l’association du nom de dieu avec une autre divinité n’étant plus systématiquement considérée comme de l’idolâtrie. C’est dans les années 50 qu’une véritable évolution dans ce sens se fait sentir, avec la multiplication des rencontres sur des questions d’actualité et de foi.
Le christianisme et le bouddhisme zen donnent aussi lieu à de nombreux échanges, notamment semble-t-il entre monastères, essentiellement dans le sens d’une initiation des moines chrétiens aux méthodes de méditation du zen, ensuite adaptées à la culture occidentale et chrétienne. Cet élément est particulièrement intéressant, il signifie qu’il existe une grande ouverture et volonté d’échanges culturelles sur un thème aussi fermé que la prière, qui répond à des rites, une éducation, et qui se trouve au cœur de la religion.
Une distinction apparaît d’ailleurs dans ce livre entre prière, recueillement, méditation. La prière serait vraiment ce dialogue avec dieu, à la fois très privé, mais répondant aussi à des canons précis selon les religions (notamment, la prière s’effectue seul ou en groupe). La méditation et le recueillement peuvent être exercés en commun, ou ensemble, et sont même accessible à des non croyants. Ainsi par exemple d’une prière commune aux sept principales confessions d’Alsace à la Cathédrale de Strasbourg en 1996 pour des moines otages en Algérie, prière silencieuse qui est plutôt un recueillement, ou encore en 1998 lors de l’accident d’un avion de la Swissair à New York : les intentions sont unies, les modalités différentes.
Michel Reeber, qui écrit le développement sur l’islam, soulève un autre point intéressant de la prière commune : la prière dans les couples mixtes. Il reproduit le témoignage d’une femme qui explique que chacun prie de son côté, mais que la question se posera davantage lorsque le couple aura des enfants, qu’ils souhaitent élever dans la religion.
A la prière entre différents religions, on peut encore ajouter d’autres éléments de différence culturelle : ainsi le dimanche 17 décembre 2006 a lieu à la Cathédrale de Strasbourg une « prière œcuménique transfrontalière pour la paix »…
dialogue between religions, religious culture, religion
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Collectif, sous la direction de Évelyne MARTINI. La Prière. Paris : Editions de l’Atelier, 2001. 174 p.
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