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Que peut-on attendre des biocarburants de deuxième génération ?

Stéphane HIS

04 / 2007

Le développement massif des biocarburants sur la base des filières d’aujourd’hui signifie à terme une concurrence avec le marché de l’alimentaire pour l’usage des terres : 10 % de substitution des consommations d’essence et de gazole en Europe et aux Etats-Unis nécessiteraient respectivement de l’ordre de 20 % et de 25 % des terres arables dans ces régions. Même si dans certaines régions comme le Brésil il est vraisemblable de dépasser ces ratios d’approvisionnement, ces chiffres montrent bien les limites des filières biocarburants développées aujourd’hui et la nécessité d’envisager de nouvelles options dans ce domaine si des objectifs plus ambitieux de substitution des carburants pétroliers doivent être atteints. La principale voie envisagée est la valorisation de la matière lignocellulosique ou les biocarburants de seconde génération.

Les filières biocarburants dites de seconde génération peuvent être définies comme étant celles qui utilisent de la biomasse lignocellulosique comme matière première. Le principal avantage de ces filières est qu’elles valorisent la source de carbone renouvelable la plus abondante de notre planète : le bois, la paille… aussi appelée biomasse.

En effet, aujourd’hui dans le monde, on estime que 5 % (1), voire bien plus (voir l’article de B. Devin Peut-on compter sur le « vecteur carbone » pour les carburants liquides du futur ?), de la production totale de biomasse pourraient être mobilisables pour la production d’énergie, soit un total de 13,5 milliards (Mds) de tonnes de matières premières disponibles. Ceci représente en équivalent énergétique près de 6 Mds de tonnes équivalent pétrole d’énergie primaire, soit près de 50 % de la consommation mondiale d’énergie. Seul 1/5 de ce potentiel est actuellement exploité, dont la majeure partie sous la forme de bois énergie (80 %) et une part minime pour le transport (1 % en 2005).

Grâce à la mise en culture des terres à potentialités agricoles, l’exploitation des résidus ainsi que l’augmentation attendue des rendements dans les pays en voie de développement, ce potentiel pourrait croître pour atteindre environ 18 Mds de tonnes de biomasse en 2050 (2) (soit environ 9 Gtep en énergie primaire).

Tableau 1 : Quantités de biomasse énergétique dans le monde

 Quantités de biomasse
Produits forestiers2,36 Gt
Produits agricoles non alimentaires5,33 Gt
Résidus de culture3,5 Gt
Résidus d’industrie du bois2,1 Gt
Autres résidus (graisses animales…)0,19 Gt
Total13,5 Gt

Source : IFP d’après Conseil Mondial de l’Energie

L’ensemble de cette biomasse ne pourra probablement pas être converti en biocarburant. Il est encore aujourd’hui difficile d’estimer la part de cette ressource qui pourrait être utilisée pour la production de biocarburants. Mais l’extrapolation en 2050 à l’échelle mondiale du taux de substitution de 30 % de biocarburants envisagé en Europe (3) et aux Etats-Unis pour 2030, permet néanmoins de fixer les ordres de grandeur : cela signifierait la production d’environ 1 Mds de tep de biocarburants (qui mobiliserait un peu plus de 2 Mds de tep de biomasse soit à peu près 4 Mds de tonne de biomasse). Cette estimation, qui peut paraître ambitieuse, reste cependant cohérente avec les gisements de biomasse mobilisables. Dans ses dernières estimations, l’AIE n’envisage quant à elle qu’un taux de substitution de 4 et 7 % de carburants pétroliers par des carburants d’origine végétale à l’horizon 2030, en ne se basant que sur les biocarburants de 1re génération.

On saisit bien là tout l’enjeu de la mise en place des filières biocarburants de seconde génération : sans leur mise en oeuvre, les biocarburants ne représenteront qu’une part relativement modeste, sans pour autant être complètement marginale, de la consommation mondiale d’énergie dans le secteur des transports.

Il faut noter que les rendements de production de ces biocarburants de 2e génération, de l’ordre de 1,5 à 2 tep/ ha, ne sont pas plus élevés que ceux de 1re génération.

Ce qui fait que l’on espère produire des quantités beaucoup plus importantes de biocarburants par ces filières provenant essentiellement de la très grande quantité de matière végétale disponible qui pourrait être convertie. Le rendement massique de transformation de la biomasse en biocarburants est de l’ordre de 15 à 20 % (rendement énergétique de l’ordre de 40 %). En revanche, les rendements à l’hectare de production de matière lignocellulosique peuvent typiquement être de l’ordre de 10 t/ha (valeur qui peut être même conservatrice pour certaines cultures dédiées).

La matière lignocellulosique (bois-paille) est principalement constituée des trois polymères de la paroi cellulaire végétale : la cellulose, les hémicelluloses et la lignine. Ceux-ci sont présents en proportions variables selon la plante considérée (voir tableau 2).

Tableau 2 : Composition de la biomasse lignocellulosique

BiomasseLignine (%)Cellulose (%)Hémicellulose (%)
Bois tendre27-3035-4220-30
Bois dur20-2540-5020-25
Paille de blé15-2030-4320-27

Note : D’autres éléments minoritaires (inorganiques, silice, etc.) complètent cette composition dans des proportions de 5 à 15 %.

Ces trois polymères sont étroitement associés entre eux dans les différentes couches de la paroi végétale formant ainsi une matrice rigide difficile à déstructurer.

Deux filières de biocarburants de 2e génération sont essentiellement envisagées aujourd’hui : une voie visant la production de carburant gazole et de kérosène (la filière BtL) ; une voie visant la production d’éthanol (qui est un substitut de l’essence et à ce titre peut être perçu comme une bio-essence).

La filière BtL

La filière BtL, en anglais « Biomass to Liquid », est une voie dite « thermochimique » qui comporte une succession d’opérations visant à produire un carburant de synthèse liquide à partir de la biomasse. Elle comporte trois grandes étapes : le conditionnement de la biomasse, la gazéification et le traitement du gaz de synthèse ainsi que la synthèse du carburant.

Certaines de ces opérations ont déjà été éprouvées dans un contexte industriel dans des projets utilisant comme matière première du gaz naturel (GtL) ou du charbon (CtL). Cette dernière filière a été utilisée pour contourner les difficultés d’approvisionnement en pétrole pendant la Seconde Guerre mondiale en Allemagne et durant l’embargo du régime de l’apartheid en Afrique du Sud.

  • Le conditionnement de la biomasse

La première étape de conditionnement de la biomasse a pour objectif de transformer la ressource végétale en un matériau homogène et injectable dans un gazéifieur. Il s’agit, le plus souvent, de transformations thermiques et mécaniques. On distingue deux voies principales : la pyrolyse et la torréfaction.

Le principe de la pyrolyse est d’utiliser l’action de la chaleur pour décomposer la biomasse en trois phases : une phase solide (charbon), une phase liquide (biohuile) et une phase gazeuse (principalement dioxyde de carbone, monoxyde de carbone, hydrogène et méthane). La répartition entre ces trois phases dépend des conditions opératoires (température, vitesse de chauffe et temps de séjour).

Contrairement à la pyrolyse lente, qui est la plus connue et qui conduit à la production d’un solide (le charbon de bois), la pyrolyse rapide (température de 500 °C pour un temps de séjour de quelques secondes) est la voie envisagée dans le cadre de la filière BtL. Elle produit majoritairement du liquide (une bio-huile) avec des quantités plus ou moins grandes de charbon. Le rendement énergétique de cette opération est de l’ordre de 75 %.

Ces bio-huiles, d’un aspect visuel comparable à celui du pétrole, en sont, en fait, très différentes : elles contiennent plusieurs centaines de composés chimiques dans des proportions très variables, notamment des phénols, sucres, alcools, acides organiques et des composés aromatiques. Elles présentent la particularité de n’être miscibles avec aucun produit pétrolier. Ce sont ces huiles qui sont ensuite introduites directement dans le gazéifieur.

Des recherches sont menées pour essayer de convertir directement ces huiles en carburants par des traitements à l’hydrogène. Cette voie directe, même si elle est séduisante, paraît difficile à mettre en oeuvre, notamment du fait des quantités d’hydrogène nécessaires et surtout de la nature chimique des produits entrant dans la composition des bio-huiles produites, qui est très éloignée de celle des carburants automobiles classiques.

La seconde voie envisagée pour le prétraitement de la biomasse est la torréfaction. La torréfaction du bois a fait l’objet de nombreux travaux depuis les années 80, notamment parce que ces traitements donnent une très bonne résistance aux attaques de champignons et de certains insectes. Mais elle confère également au bois une moins bonne résistance mécanique. C’est cette particularité qui est utilisée dans le cadre des filières BtL : la torréfaction permet un broyage du bois plus facile et permet d’obtenir un solide finement divisé, adapté à certaines technologies de gazéification.

La torréfaction peut être assimilée à un séchage ultime jusqu’à une température comprise entre 240 °C et 300 °C avec un temps de séjour pouvant aller jusqu’à une heure. S’effectuant à des températures beaucoup plus basses que la pyrolyse, cette opération est donc un processus beaucoup moins exigeant en énergie. Le rendement énergétique de cette opération est supérieur à 90 %.

  • La gazéification et le traitement du gaz de synthèse

À la différence de la pyrolyse qui est réalisée en l’absence de gaz de réaction, la gazéification est une opération thermique qui s’effectue en présence d’un réactif gazeux (vapeur d’eau, oxygène) et produit un gaz dit de synthèse contenant principalement de l’hydrogène et du monoxyde de carbone. Il contient aussi des impuretés carbonées ou inorganiques et d’autres gaz. Le mélange ainsi obtenu est aujourd’hui utilisé industriellement en combustion dans les centrales électriques au charbon (ou IGCC : Integrated Gaseification Combined Cycle). Un tel mélange fut autrefois également utilisé pour la traction automobile : c’était le fameux gazogène ou gaz à l’eau.

Dans le cadre d’une filière BtL, qui a pour objectif de produire du carburant liquide, les contraintes sur la composition du gaz de synthèse sont plus exigeantes que pour la combustion directe. Une production maximum de monoxyde de carbone (CO) et d’hydrogène (H2) est recherchée mais avec un ratio H2/CO adapté à la synthèse de carburant (rapport d’environ 2). Il faut de plus éliminer les impuretés qui sont des poisons pour le catalyseur utilisé dans l’étape de synthèse Fischer-Tropsch. Pour ce faire, la gazéification de la biomasse se fait en général à très haute température (1 200 °C à 1 300 °C) et est suivie de différentes étapes de purification du gaz de synthèse.

Au cours de ces différentes opérations, de grandes quantités de CO2 sont générées, notamment en combustion, pour apporter la chaleur au procédé. Elles sont autant de pertes en carbone non converties en carburant.

C’est l’explication principale du faible rendement massique en carburant (< 20 %). Ce rendement pourrait être augmenté par un apport d’énergie extérieure, par exemple électrique, et/ou un appoint d’hydrogène, solution proposée en France par le CEA en liaison avec l’IFP. Mais c’est alors le rendement énergétique global de la filière qui est détérioré (division par 2) au bénéfice du rendement massique ou carbone.

Aucune technologie spécifique de gazéification de la biomasse n’est aujourd’hui arrivée au stade industriel. L’essentiel des solutions proposées est en fait issu des technologies utilisées pour le gaz naturel, le charbon ou le pétrole.

  • La synthèse du carburant

La réaction mise en oeuvre, connue sous le terme de synthèse Fischer-Tropsch, du nom de deux chimistes allemands qui l’inventèrent dans les années 1920, permet de produire de l’essence, du gazole et du kérosène à partir du gaz de synthèse issu de la gazéification.

Cette réaction chimique nécessite l’utilisation de catalyseurs. Deux types de catalyseurs sont possibles, soit à base de fer, soit à base de cobalt. En présence d’un catalyseur à base de fer, la réaction Fischer-Tropsch est surtout orientée vers la production d’essence. En présence d’un catalyseur à base de cobalt, la synthèse produit des bases pour le gazole et le kérosène. Les produits ainsi obtenus ne contiennent ni soufre, ni azote, ni aromatiques. Aujourd’hui, les procédés envisagés sont orientés pour la production de gazole et de kérosène.

Le gazole obtenu possède un indice de cétane de l’ordre de 70, très supérieur à celui exigé par les normes (~50 en Europe, ~40 aux États-Unis). C’est donc un carburant de très grande qualité pour les véhicules, très apprécié des constructeurs automobiles. Son emploi permet, en outre, de réduire les émissions de polluants par rapport à un gazole classique, notamment de particules.

Il existe plusieurs technologies Fischer-Tropsch dont certaines sont arrivées au stade industriel ou de la démonstration (Sasol, Shell, Statoil, Exxon, BP, Conoco, Rentech, IFP/ENI, Syntroleum). À noter que les unités industrielles mises au point pour fonctionner à partir de gaz naturel ou de charbon sont de tailles considérables (plusieurs millions de tonnes de produit), de manière à tirer profit autant que possible des effets d’échelles.

Cette course au « gigantisme » n’est pas nécessairement adaptée à la mise en place d’une filière BTL. En effet, les gains obtenus en jouant sur la capacité de production des unités industrielles peuvent être plus qu’annulés par le coût de collecte de la biomasse : une unité industrielle de taille trop importante engendre des coûts de collecte tels que le prix de la matière première, qui reste l’élément majeur du coût final des produits générés, devient prohibitif. L’optimum qui est aujourd’hui le plus souvent avancé entre la taille de l’unité et les coûts d’approvisionnement est de l’ordre de 100 000 à 200 000 t/an de produit qui nécessite 500 000 à 1 Mt/an de biomasse (soit un rayon de collecte de l’ordre de 25 à 50 km de diamètre pour les forêts les plus performantes). Ce type d’approvisionnement est comparable à celui des papeteries d’aujourd’hui.

D’ailleurs, tout comme les papeteries, ces unités BTL sont excédentaires en énergie et sont généralement envisagées comme exportatrices de chaleur/vapeur ou d’électricité (de l’ordre de la centaine de MW thermiques ou de quelques dizaines de MW d’électricité).

Du fait de cette relative mauvaise adaptation entre le procédé et la matière première, différents schémas d’approvisionnement sont aujourd’hui envisagés :

– L’approvisionnent direct de l’unité industriel tel que décrit ci-dessus avec des capacités de production de l’ordre de 100 000 à 200 000 t/an.

– L’approvisionnement dit en « co-traitement », où la capacité de production de l’unité BTL est importante et où l’unité est alimentée par un flux de matière végétale et un flux de matière fossile.

– L’approvisionnement par des unités décentralisées de pré-traitement de la biomasse. Dans cette configuration, on cherche à mettre en place une unité BTL de taille aussi importante que possible alimentée par un flux de matière végétale qui aura été préalablement « concentrée » par exemple par de multiples « pyroliseurs ».

Le choix entre ces différentes voies n’est pas arrêté aujourd’hui et des travaux sont menés pour déterminer suivant les bassins d’approvisionnements en biomasse, la valorisation des co-produits (besoins de chaleur et d’électricité locaux), les schémas d’organisation les plus pertinents garantissant l’optimisation économique globale du projet.

La production d’éthanol, ex-matières lignocellulosiques

Les différentes étapes conduisant à la production d’éthanol à partir de matériaux lignocellulosiques sont proches de celles pratiquées sur le maïs ou le blé.

Elles comprennent les étapes suivantes :

– la préparation de la matière première,

– la conversion de la cellulose en glucose (sucre),

– la fermentation des sucres en éthanol,

– la distillation et la purification finale de l’éthanol.

Seules les deux premières étapes sont spécifiques à cette filière dite de 2e génération : ce seront donc les seules décrites ci-dessous.

  • La préparation de la matière première

Deux voies sont actuellement envisagées pour la préparation de la matière première qui intervient toujours après une opération de broyage pour la paille ou de découpage en copeaux pour le bois : il s’agit de l’explosion à la vapeur ou de la cuisson en présence d’acide dilué.

Ces opérations ont pour but de déstructurer la matière lignocellulosique pour permettre l’accès aux parties « sucrées » de la biomasse (c’est-à-dire aux hémicelluloses et à la cellulose), ces dernières étant les seules à pouvoir être transformées en éthanol.

Pour l’opération de cuisson « acide », la matière végétale est mise en présence d’un acide (acide sulfurique de préférence) à une température modérée (aux alentours de 150 °C) pendant 15 à 20 minutes environ.

Des procédés comprenant une seconde étape à plus haute température (240 °C pendant quelques minutes) ont également été étudiés.

L’explosion à la vapeur consiste à porter le matériau à haute pression (15 à 23 bar) et à une température de 180 à 240 °C en présence de vapeur d’eau pendant un temps court, puis à pratiquer une détente brutale afin de déstructurer la matrice lignocellulosique. Cette technologie a été développée jusqu’au stade industriel (procédés Stake et Iogen).

À noter que les deux technologies pèsent sur le coût du procédé, notamment en termes d’investissements, car elles nécessitent des équipements résistant à la pression et à des conditions acides corrosives.

  • La conversion de la cellulose en glucose

La seconde étape consiste à casser les molécules de cellulose en glucose à l’aide d’enzymes (hydrolyse enzymatique). Cette opération est aujourd’hui très pénalisante sur le plan économique car la quantité d’enzymes nécessaire est 10 et 100 fois supérieure à celle nécessaire aux filières traditionnelles (maïs, blé). De nombreux travaux de R&D visent à améliorer cette conversion par optimisation directe du procédé et à augmenter l’activité des enzymes (biologie moléculaire).

Le glucose produit peut ensuite être très classiquement converti par la fermentation en éthanol. À signaler que certains travaux de recherche visent à intégrer en une seule opération l’hydrolyse enzymatique et la fermentation du glucose en éthanol.

Une autre piste pour l’amélioration de la compétitivité de cette filière est l’utilisation des hemi-celluloses pour produire de l’éthanol. En effet, aujourd’hui seule la cellulose qui représente au maximum 50 % de la matière lignocellulosique peut générer du glucose : les hémicelluloses contiennent des pentoses, sucres non convertibles en éthanol par les organismes classiquement utilisés en fermentation, ce qui limite bien évidemment la rentabilité de la filière.

Dans ces unités, la lignine reste un déchet fatal qu’on a tout intérêt à valoriser. Il est par exemple envisagé d’utiliser cette matière végétale pour alimenter une unité de co-génération à même de fournir la chaleur nécessaire à la distillation et de l’électricité à exporter. Typiquement, pour une unité de 200 000 t d’éthanol par an, qui est une taille souvent annoncée pour une unité de production d’éthanol, de l’ordre de quelques dizaines de MW électriques pourraient être exportés.

Pour conclure

Les biocarburants de 1re génération sont aujourd’hui la seule alternative effective d’origine renouvelable au pétrole dans le secteur des transports routiers. Ces filières en pleine expansion ont la vertu d’ouvrir la voie, mais présentent en revanche des limites, en particulier liées à la compétition avec le secteur alimentaire. C’est pourquoi, de nombreux pays ont amorcé des travaux de recherche ambitieux sur les filières de 2e génération pour lesquels cette compétition s’exerce à un degré nettement moindre, en particulier aux États-Unis et en Europe. Un des objectifs majeurs de ces travaux est la réduction des coûts de production, aujourd’hui de l’ordre de 1 €/l équivalent pétrole pour les deux filières, à 0,4 €/l équivalent pétrole pour l’éthanol et 0,7 €/l pour la filière BtL à l’horizon 2010-2015. À plus long terme, certains annoncent même pouvoir atteindre 0,5 €/l équivalent pétrole pour la filière BtL4. Ces coûts n’apparaissent pas fondamentalement différents de ceux atteints aujourd’hui par les filières de 1re génération.

L’apport de ces nouvelles filières de biocarburants se situe donc surtout au niveau des volumes de produits qui pourraient être générés.

Un certain nombre de réflexions sur ces filières de 2e génération ont été amorcées dans le but de valoriser l’ensemble des coproduits générés. Ceci peut être fait par exemple en intégrant, sur un même site industriel, la production d’éthanol et de carburants BtL à partir de matières lignocellulosiques. Cette intégration entre une plate-forme « sucre » et une plate-forme « thermochimique » aboutirait à la création d’une bio-raffinerie à même de produire, tout comme les raffineries d’aujourd’hui, du carburant de type essence (l’éthanol), du gazole, du kérosène ainsi que des bases d’origine végétale pour la pétrochimie. Elles pourraient aussi exporter de la chaleur ou de l’électricité tout comme le font aujourd’hui les unités de production d’éthanol ex-cannes à sucre du Brésil ou d’Inde (typiquement plusieurs dizaines de MWél sont souvent évoquées).

Il s’agit là d’un argument supplémentaire important en faveur de ces nouvelles filières, notamment pour un certain nombre de pays du Sud qui ne disposent pas nécessairement des infrastructures de transport de distribution d’électricité toujours en phase avec l’évolution des besoins. Ces filières peuvent ainsi permettre de trouver de nouveaux débouchés à valeur ajoutée à des matières premières aujourd’hui peu ou pas valorisées et produire de manière décentralisée de l’électricité renouvelable en évitant des investissements de transport et distribution d’une production d’électricité classiquement pensée comme très centralisée (plusieurs centaines de MW électriques, voire entre 1 à 1,5 GW pour les centrales nucléaires).

1 Source : Conseil Mondial de l’Énergie.
2 José Goldenberg : World Energy Assessment.
3 IFP, d’après EEA, Biofrac.
4 Pour comparaison, les cours actuels de l’essence et du gazole se situent à 0,32 €/l et 0,37 €/l respectivement avec un baril de pétrole à 60 $.

Key words

energy production, biomass energy, agrofuel

file

Énergies renouvelables, développement et environnement : discours, réalités et perspectives (Les Cahiers de Global Chance n°23, avril 2007 en coédition avec Liaison Énergie-Francophonie)

Notes

Stéphane His a intégré la Direction Stratégie Économie Plan de l’IFP en 1997. Depuis 2002, au sein de la Direction des Études Économiques, il assume la responsabilité du pôle « Moteurs-énergies » dans lequel il traite en particulier du sujet des carburants alternatifs.

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