04 / 2007
Le fort regain d’intérêt pour les biocarburants ces dernières années a en partie pour origine leur potentiel de réduction de la consommation de pétrole et des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur des transports. La question du bilan des biocarburants sur ces deux derniers critères est donc fondamentale car elle justifie en grande partie les différentes formes de soutien mises en place par les pouvoirs publics pour assurer le développement de ces filières. Dans le contexte actuel où l’essentiel des dispositions réglementaires en cours ou en projet est concentré sur la minimisation des émissions de gaz à effet de serre (Protocole de Kyoto à l’échelle mondiale, Plan Climat à l’échelle de la France), l’objectif commun des études de bilan est de comparer les biocarburants aux carburants pétroliers équivalents (essence et diesel) afin d’évaluer le potentiel de réduction des émissions de GES dans les transports associé à leur usage.
La controverse autour des bilans GES et consommations d’énergie non renouvelable des filières biocarburants est alimentée par la publication de plusieurs dizaines d’études mentionnant quasiment chacune des résultats différents.
Le champ de ces études est pourtant identique : il s’agit de dresser un inventaire des consommations et émissions de la filière complète de production et utilisation du biocarburant en prenant en compte l’ensemble des étapes de son cycle de vie : on parle de bilans « du puits à la roue » (Well to Wheels). Les écarts entre ces évaluations peuvent parfois être très importants comme le montre le tableau et conduire à une hiérarchisation différente de ces filières, sur ces seuls critères de performance environnementale.
On remarquera d’ailleurs un écart important pour les filières éthanol et un relatif consensus sur les filières biodiesel qui présentent les meilleurs bilans.
Toutefois, d’un point de vue qualitatif, les différents résultats de ces études vont dans le même sens et s’accordent à dire que l’usage des biocarburants permet une réduction significative des émissions de GES et des consommations d’énergie non renouvelable, par rapport aux solutions conventionnelles (carburants pétroliers).
Autrement dit, ces carburants induisent des gains certains sur ces deux types de bilans, mais ces gains restent difficiles à quantifier avec précision.
Plusieurs raisons peuvent expliquer les écarts observés entre les résultats des différentes études : d’une part, des considérations d’ordre méthodologique et, d’autre part, les incertitudes sur les données spécifiques à l’étude de ces filières.
Sur le plan méthodologique, le choix fait pour tenir compte de la coproduction sur une filière peut bien souvent expliquer ces écarts. Dans le cas de la production de biocarburants, plusieurs coproduits de natures très distinctes sont générés en quantités importantes (en moyenne, 2 tonnes de coproduits par tonne de biocarburant). Par exemple, au cours de la production de biodiesel (EMHV) à partir d’huile végétale de colza, sont également produits pailles, tourteaux (dédiés à l’alimentation animale) et glycérine. Certaines études ignorent ces coproduits et affectent l’intégralité des émissions et consommations d’énergie au seul biocarburant, mais la grande majorité les comptabilisent.
Mais il faut alors faire un choix pour répartir les émissions et consommations entre les produits. Une première possibilité est d’affecter les impacts (émissions de GES et consommations d’énergie non renouvelable dans ce cas) aux différents produits au prorata de leurs masses, de leurs contenus énergétiques ou encore de leurs valeurs économiques.
Une seconde méthode, dite « méthode des impacts évités » est également employée ; elle, consiste à affecter l’intégralité des impacts au seul biocarburant et à retrancher à cette valeur un « crédit » correspondant aux impacts qu’aurait générés la production de la même quantité de coproduits par sa voie classique de production. Par exemple, si l’on considère que la glycérine coproduite lors de la synthèse d’EMHV se substitue à une glycérine produite dans l’industrie chimique, on utilisera le bilan de cette dernière filière pour calculer le crédit à allouer au biodiesel. À l’heure actuelle, la question de l’affectation des impacts fait l’objet d’un débat aussi bien en Europe qu’aux États-Unis.
Bien que la méthode du prorata massique soit la plus facile à mettre en Ĺ“uvre, un consensus semble aujourd’hui se dégager en faveur de la « méthode des impacts évités », qui semble mieux traduire la réalité des filières (prise en compte de la nature de la valorisation des coproduits).
Si l’on retient cette dernière méthode de calcul, on obtient les résultats donnés dans le tableau réalisé par le consortium JRC/EUCAR et le CONCAWE.
À noter enfin que la valeur du gain en émissions de GES et en consommation d’énergie non renouvelable calculée dépend également des données utilisées, en particulier des rejets de protoxyde d’azote (N2O) sur l’étape de culture de la biomasse. L’influence de ces émissions est particulièrement importante puisque ce gaz est à peu près de 300 fois plus nocif en termes d’impact « effet de serre » que le CO2. Or ces rejets dépendent eux-mêmes des quantités d’engrais utilisés, des conditions climatiques, de la qualité des sols… et sont donc difficiles à évaluer de manière précise.
greenhouse effect, agrofuel, fossil energy
Stéphane His a intégré la Direction Stratégie Économie Plan de l’IFP en 1997. Depuis 2002, au sein de la Direction des Études Économiques, il assume la responsabilité du pôle « Moteurs-énergies » dans lequel il traite en particulier du sujet des carburants alternatifs.