09 / 2007
Cette note porte sur l’auto-construction et l’auto-réhabilitation comme moyen d’accès au logement des catégories sociales modestes et défavorisées. Il faut en effet bien distinguer l’auto-production par choix de celle par nécessité. Aujourd’hui on pourrait être tenté d’affirmer que l’auto-production est une nécessité dans les pays pauvres et un luxe dans les pays riches.
Contexte et problématique actuelle
L’auto-production et le secteur du bâtiment
L’auto-production de logement dans les sociétés dites développées a connu un élan important après la seconde guerre mondiale, dans les années 50 et 60. En France, le mouvement des Castors, d’origine populaire, caractérise cette période. Son succès reposait à la fois sur l’important besoin de logements et sur une pratique, une culture du faire soi-même, fortement encouragée par les pouvoirs publics. Depuis le milieu des années 1990, ces derniers ont progressivement retiré leurs soutiens financiers. Aujourd’hui, l’économie marchande domine et l’auto-construction a cédé le pas à l’auto-aménagement de son intérieur. C’est un nouveau marché qui ne cesse de se développer : à grand renfort de publicité, la grande distribution du bricolage suscite et crée des besoins de consommation en la matière. L’auto-production n’a pas complètement disparu mais elle caractérise principalement les plus favorisés qui ont une approche culturelle axée sur un habitat écologique de haute qualité environnementale et qui ont les moyens financiers correspondants.
La disparition d’une politique d’auto-production populaire de logement est le résultat d’un système néo-libéral dans lequel les pouvoirs publics, face aux actions de lobbying des organisations et fédérations du bâtiment, se sont désengagés au profit d’une production totalement assurée par les professionnels du bâtiment. Les raisons évoquées par les pouvoirs publics portent sur les risques de non-respect des règles de l’art et des normes, de la concurrence aux entreprises du bâtiment, d’un encouragement au travail au noir, etc.
Il faut cependant noter que depuis l’année 2005, sous la pression des associations, l’Etat via l’ANAH (Agence nationale de l’habitat) expérimente un dispositif très encadré (donc très contraignant et par la même inopérant) d’aide à l’auto-réhabilitation pour les propriétaires occupants à faibles ressources.
Conditionner l’octroi d’aides à la construction ou à la réhabilitation de logement à l’intervention de professionnels du bâtiment a ainsi pour conséquence :
Un coût des travaux pouvant s’avérer plus important du fait de l’intervention d’une entreprise et l’obligation alors de contracter des prêts bancaires. L’aide publique ne s’adresse alors qu’aux ménages solvables et constitue en fait une subvention indirecte aux métiers du bâtiment.
Une exclusion des ménages en marges (faibles revenus, allocataires du Revenu minimum d’insertion, chômeurs…) de ces politiques d’aides. Ils sont alors obligés de faire appel au secteur informel.
Dans le même temps, la crise actuelle du logement, liée à la pénurie de logements sociaux et à l’inaccessibilité du logement privé dû à son coût prohibitif, provoque une résurgence de l’habitat précaire et des constructions illégales.
L’auto-construction précaire
La situation de familles en difficulté, poussées à aller s’installer provisoirement dans un terrain de camping où une parcelle privée se développe de façon alarmante. Le “provisoire” devient progressivement irréversible, car le ménage résidant en camping est stigmatisé et fait l’objet d’une inégalité de traitement par les bailleurs sociaux. Faute de perspectives, les résidants permanents améliorent leurs conditions d’habitat et s’installent durablement en construisant de petites additions, en habillant la caravane…
Ce mode d’habiter est illégal et il n’existe pas aujourd’hui de recensement de ce mode d’occupation sur le territoire français ni dans les terrains de camping ni, à plus forte raison, sur les parcelles privées. Il existerait pas moins de 70 000 à 120 000 personnes habitant en terrain de camping et environ 1 million de personnes en parcelles composées (1).
Cette pratique, illégale mais tolérée, est connue de tous et semble arranger tout le monde. C’est la progression de ce phénomène et la précarisation des conditions de survie qui poussent aujourd’hui les autorités locales à ne plus ignorer ces situations. Ainsi par exemple, dans le nord, la Communauté d’agglomération du Douaisis vient de se saisir de la problématique des résidants permanents du Val de la Sencée (voir ci-dessous).
L’Auto-production de logements comme levier de transformation sociale
Les acteurs sociaux convaincus de l’intérêt de l’auto-production de logements tant comme moyen d’accès au logement, que pour ses résultats en terme d’action globale et d’intégration durable, ont développé des pratiques d’actions participatives. La démarche IGLOO (Insertion Globale par le Logement et l’emploi) en est un exemple représentatif. Cette démarche est fondée sur la participation active de personnes en difficultés à la conception et à la réalisation de leurs logements. Elle apporte des réponses dynamiques, en permettant la conduite d’actions collectives, le développement de coopérations et la promotion de solidarités avec des familles en difficulté vivant dans des conditions de logement inacceptables. La démarche IGLOO est un véritable levier de transformation sociale, elle combat les mécanismes d’exclusion et propose des mécanismes d’intégration durables. En ce sens la démarche IGLOO contribue au développement d’une ville inclusive.
Expériences innovantes
Les auto-constructions du Val de la Sencée (2)
Le Val de la Sencée se situe entre Douai et Cambrai à la limite du Département du Nord et du Pas de Calais. C’est une zone de marais où l’occupation permanente d’habitations légères de loisir (HLL) est connue depuis fort longtemps, mais l’ampleur de ce phénomène, son développement et la précarisation sociale ont poussé la Communauté d’Agglomération du Douaisi à se saisir de cette problématique. Et à s’interroger sur la fonction de ce mode d’habiter comme “nouvel habitat social de fait”.
Constat : Les habitations légères de loisir sont implantées en zone naturelle (65 % en zone humide), on y dénombre 2 654 HLL dont 1 144 en terrains de camping et 1 510 sans statut.
Le nombre de résidants permanents est estimé à 950 personnes. Les HLL sans statut sont majoritairement implantées sur des parcelles privées ou communales en location. Il est paradoxal de constater que les produits de la location de parcelles (par bail administratif) peut représenter jusqu’à 40 % du budget de petites communes (200 à 1 000 € par an, par parcelle) et que ces mêmes communes ignorent les occupants (personnes non recensées, refus de délivrer des pièces d’identités) car les constructions sont illégales.
Qualité et conditions d’habitat :
La majorité des constructions est en “dur”, l’architecture est souvent médiocre, mais néanmoins originale, les espaces habitables sont petits, 20 % n’ont pas d’eau courante, 19 % pas d’électricité, l’assainissement est collectif, 26 % des systèmes autonomes sont inefficaces. Il n’y a pas d’éclairage public, l’accessibilité est un problème pour 60 % des constructions, il y a confusion entre les espaces publics et privés, le ramassage des ordures est complexe.
Situation sociale des résidants permanents :
57 % ont plus de 65 ans, 30 % sont des couples sans enfant, 21 % sont des hommes isolés, 55 % sont d’anciens propriétaires. La majorité des résidants permanents est originaire du Douaisis et des communes du Val de la Sencée. Les habitants y ont trouvé une qualité de vie, excepté les jeunes couples qui ne sont pas en demande de relogement.
Pistes de travail :
Cette situation étant maintenant clairement identifiée par la Communauté d’Agglomération, la Direction Départementale de l’Equipement et le Conseil Général, un plan d’action en 3 axes est préconisé :
Prévenir : il s’agit ici d’informer et de contrôler pour stopper le développement des habitations légères de loisir.
Résorber : un certain nombre de constructions présente un cumul de critères défavorables (constructions illégales et précaires, zones humides / inondables,…), le relogement des occupants et la démolition de l’habitat doivent alors être envisagés.
Régulariser : Cette solution repose sur la légalisation d’une partie de l’habitat, et l’évolution, la requalification des constructions de loisir en habitat résidentiel.
Ce plan d’action doit faire l’objet d’une inscription dans le Programme local de l’Habitat (PLH) en cours de définition.
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, France
Entre l’Etat, le marché et les habitants, quel avenir pour le logement en France ?
Pour en savoir plus
Voir les fiches d’expériences : “Une démarche d’Insertion Globale, par le Logement et l’Emploi, fondée sur l’autoproduction de Logements (IGLOO)” et “L’Antenne Est du P.A.C.T. de Lille : Acteur du développement social local”
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